Olivier Clair (Disruptual) "Les marques textiles ne doivent pas laisser le marché de l'occasion à Vinted"

Disruptual aide les marques à reprendre la main sur la vente de leurs produits d'occasion. La société, qui lève 1,5 million d'euros, espère déployer une douzaine de plateformes d'ici avril 2020.

JDN. Disruptual met à disposition des distributeurs une technologie leur permettant d'organiser la vente de produits d'occasion de leur marque. Pourquoi ?

Olivier Clair est fondateur de Disruptual. © S. de P. Disruptual

Olivier Clair. Avec l'arrivée de Vinted en France, en 2017, c'est tout le marché de la vente de vêtements d'occasion qui a décollé. Une étude de ThredUp estime que ce marché dépassera celui de la fast fashion (vêtements à bas prix et faible durée de vie, ndlr) d'ici 10 ans. C'est une excellente nouvelle pour des distributeurs qui ont besoin de nouveaux leviers de croissance parce que leur trafic en magasin s'érode de 2 à 3 % chaque année et que l'e-commerce ne pèse encore que 10% de leur business. Mais c'est aussi problématique, car ce marché est aujourd'hui essentiellement capté par un acteur, la licorne Vinted.

L'objectif de Disruptual est simple : permettre aux distributeurs et marques de reprendre la main sur la vente de leurs produits d'occasion. Deux marques, pour lesquelles nous allons lancer des plateformes dédiées en janvier prochain, ont à ce jour entre 3 et 4 millions de produits, chacune, mis en vente sur Vinted. C'est colossal ! Et ce sont autant de produits pour lesquelles elles n'ont aucune données et ne réalisent aucun bénéfice. Notre argument est simple : les distributeurs ont raté le train de l'e-commerce, chasse gardée d'Amazon. Qu'ils ne fassent pas la même erreur avec le marché de l'occasion et Vinted. Parmi nos premiers clients, nous comptons la chaîne Okaïdi et le groupe Cyrillus pour qui nous avons mis en place le site Secondehistoire.fr.

Concrètement, comment procédez-vous ?

Notre plateforme permet à la marque de proposer des fonctionnalités typiques de la vente entre particuliers (CtoC) : messagerie pour négocier les prix, système de notation des vendeurs et acheteurs ou encore gestion des paiements via des comptes séquestres pour reversement à chaque vendeur. Nous donnons également la possibilité de mettre les magasins physiques à contribution dans la gestion des dépôts produits et le contrôle de la qualité. C'est un bon prétexte pour faire venir l'utilisateur en magasin et pourquoi pas générer des ventes additionnelles lors de sa visite.

"Plutôt que de recevoir la somme en cash, 8 vendeurs sur 10 choisissent un bon d'achat abondé par la marque"

Toujours dans cette logique de drive to store, nous avons également mis en place un système permettant de rémunérer les vendeurs via des bons d'achats abondés par la marque. Plutôt que de recevoir 10 euros en cash, le vendeur pourra choisir de recevoir 120 à 150% de cette somme en bon d'achat, la marque ajoutant la différence. Près de 8 vendeurs sur 10 ont recours à cette méthode et dépensent deux à trois fois plus que le montant du bon d'achat reçu lorsqu'ils passent en magasin. C'est donc un véritable driver de business.

Comment vous financez-vous ?

Notre solution est vendue en mode SaaS, avec des frais de set-up et une licence mensuelle. Cela coûte quelques dizaines de milliers d'euros par an pour se lancer. Nous prélevons également une commission de quelques pourcents sur les transactions, côté vendeur.

Vous officialisez une levée de 1,5 million d'euros menée par le fonds Finorpa, à laquelle ont participé Nord France Amorçage et la BPI. Qu'allez-vous en faire ?

Parce que nous en avons besoin pour suivre la cadence de ce marché qui grossit très vite. Nous allons réaliser une croissance à trois chiffres cette année et prévoyons de déployer une douzaine de plateformes d'ici avril prochain. Nous en espérons entre 20 et 30 d'ici la fin de l'année.

La levée va nous permettre de recruter les profils ( développeurs, chefs de projets…) indispensables à la bonne marche de ces projets. Nous serons 15 début janvier 2020 et serons sans doute 25 d'ici la fin de l'année 2020. Nous avons également l'international dans le viseur. Nous avons déjà un collaborateur en Espagne et prévoyons de nous implanter en Allemagne et au Benelux. Les filiales de nos clients devraient nous permettre d'y lancer des plateformes rapidement.

Avez-vous identifié d'autres opportunités de croissances côté produit ?

"En permettant au client de revendre directement un produit commandé, avec une décote, plutôt que de le leur retourner, les marques font de sacrées économies"

Le point de vente physique bien sûr. Nous allons ouvrir des corners dédiés à la vente de produits d'occasion dans les magasins de 5 à 6 marques d'ici le premier semestre 2020. Il y a aussi le sujet de la gestion des invendus pour lesquels la demande est forte, parce que la plupart des entreprises ont aujourd'hui une vraie démarche RSE. On peut également citer les retours produits, qui ont un coût significatif pour les retailers, avec entre 8 et 10 euros de frais logistiques par commande renvoyée. Pourquoi ne pas proposer au client de mettre un produit qui ne le satisfait en vente sur la plateforme, avec une légère décote, plutôt que le retourner au commerçant ? Ce dernier dépenserait moins, tout en remboursant intégralement et plus vite ledit client. Nous allons mettre l'offre en place pour deux à trois marques lors du premier semestre.