Comment la verticalité façonne le business model des DNVB

Comment la verticalité façonne le business model des DNVB Entre grande maîtrise de la chaîne de valeur et positionnement sur un marché insolite, focus sur la lettre "V" de l'acronyme DNVB.

Qu'il s'agisse de bougies renfermant des bijoux par My Jolie Candle ou de la vente de lessive signée Les Petits Bidons, les DNVB font par définition le choix de s'aligner sur des marchés spécifiques. Leur volonté est d'attirer le plus de consommateurs, tout en se démarquant de leurs concurrents traditionnels. Pour atteindre cet objectif, le cabinet de conseil des DtoC, Digital Native Group, accompagne les DNVB lors de la phase de définition du produit. Son fondateur, Vincent Redrado, recommande ainsi de se positionner sur un secteur où les marges sont élevées (supérieures à 65%), drainées par un fort volume. "La DNVB pourra ensuite investir en marketing et pourquoi pas envisager une orientation vers le retail dans un second temps, argumente-t-il. Il faut aussi miser sur un taux de réachat élevé selon l'usage du produit. Enfin, le délai d'approvisionnement doit être le plus court possible en termes de distance et de temps car l'avance de trésorerie peut constituer un frein."

Une ou des verticalités ?

Depuis 2015, My Jolie Candle (10 millions d'euros de CA, 40 collaborateurs) propose un produit deux en un à moins de 30 euros : une bougie de 330 grammes en cire 100% végétale, avec à l'intérieur un bijou dessiné par les équipes de la DNVB à partir des pierres précieuses de Swarovski. Une verticale originale dans la mesure où, vendus séparément dans le commerce, le bijou et la bougie valent au moins 30 à 40 euros, comme l'indique Samuel Guez, le fondateur et CEO de My Jolie Candle. "Chez nous, la verticalité s'illustre par une distribution en direct, détaille l'intéressé. Nous ne pourrons jamais être tributaire d'un revendeur car nous sommes les seuls capables de porter notre message autour de notre concept, à la fois sur notre site Internet et dans nos boutiques."

"Je me suis retrouvé un peu par hasard à m'inscrire dans une démarche écologique pour réaliser ma lessive, retrace Cyril Neves, le fondateur des Petits Bidons. J'ai entrepris des recherches sur le contenu des lessives vendues dans les grandes surfaces. J'ai réalisé qu'elles n'étaient pas propres, et surtout qu'il n'existait pas d'obligation quant à l'étiquetage des ingrédients." En janvier 2019, le concept des Petits Bidons voit le jour. Savon de Marseille, parfums 100% naturels, huiles 100% naturelles et végétales, conservateurs naturels, enzymes… La composition de la lessive proposée par Les Petits Bidons intègre 99,6% d'ingrédients naturels. Depuis le lancement de l'activité, plus de 500 000 lessives ont été réalisées et la DNVB totalise aujourd'hui plusieurs milliers d'abonnés.

"Ce qui est intéressant par rapport à la verticalité que nous avons réussi à créer, c'est que le produit s'inscrit dans les besoins de base du consommateur. Or, cet achat n'est pas le plus agréable donc nous avons choisi de le commercialiser par abonnement afin qu'il devienne moins contraignant. Cette formule permet de développer une vision à plus long terme de notre production, de fidéliser nos clients et de mieux comprendre leurs attentes", explique Cyril Neves.

"Même si ce n'était pas révolutionnaire de proposer un bijou au sein d'une bougie, nous sommes sortis du lot grâce à cette nouveauté"

Le choix d'une verticale n'est-il qu'une question de secteurs à faible concurrence? Pas seulement, si l'on en croit Digital Native Group qui étudie notamment les conditions du marché selon les tendances et la concurrence, dans le cadre de l'accompagnement des marques. "Pour analyser une opportunité, on ne se focalise pas uniquement sur le côté vertical. Nous sommes attentifs à la viabilité du business model présentée et nous suggérons des axes pour attaquer le marché avec le meilleur modèle économique", indique le CEO de Digital Native Group.

Au-delà du marché traditionnel

Pour mener à bien son projet, Cyril Neves s'est nourri de son regard de consommateur, en observant les usages du quotidien. D'après lui, c'est le meilleur moyen de créer une verticale qui répond à un besoin réel. "Je pense qu'il faut aussi réfléchir hors du champ classique. Même si l'idée s'inspire du marché traditionnel, cela ne signifie pas que les réponses y trouvent nécessairement leur source", considère le fondateur des Petits Bidons.

Evoluant dans un univers concurrentiel, My Jolie Candle s'est attaché à devenir un spécialiste accessible de la bougie. Et sur ce segment, la voie était libre. "Aucune barrière n'existe à l'entrée du marché de la bougie, ce qui laisse la possibilité à des centaines d'acteurs d'émerger et de commercialiser des produits haut de gamme, supérieurs à 30-40 euros. Très peu d'acteurs vendent des bougies à des prix abordables, en dessous de 20 euros, et ce ne sont généralement pas des spécialistes du métier, décrit Samuel Guez. Globalement, on constate aussi peu d'innovation sur le marché de la bougie. Pour autant, même si ce n'était pas révolutionnaire de proposer un bijou au sein d'une bougie, nous sommes sortis du lot grâce à cette nouveauté."

Une verticalité absolue ?

La verticalité des DNVB ne se limite pas au produit. Elle se retrouve aussi dans les méthodes de travail, et à quel point elles s'emparent de la chaîne de valeur.  Si la distribution est contrôlée de A à Z par une grande majorité d'entre elles, ce n'est pas forcément le cas de la phase de production, rappelle Vincent Redrado de Digital Native Group. "Le "V" des DNVB fait sens pour le design du produit, la communication et la commercialisation, elles gèrent ainsi en partie la chaîne de valeur. Mais étant donné qu'elles ne détiennent pas leur propre usine, la production leur échappe." Le fondateur des Petits Bidons défend pour sa part une "verticalité saine" de son activité. "Nous maîtrisons notre production dans la mesure où il n'y a pas d'intermédiaire entre le fabricant-laboratoire et nous, assure Cyril Neves. Ensuite, nos lessives sont vendues directement à nos consommateurs via notre site internet. Cette verticalité constitue une boucle puisque nous entretenons des liens étroits avec notre laboratoire, comme un partenariat dans lequel le consommateur est associé."

Mais toutes les DNVB n'épousent pas la même démarche que Les Petits Bidons, alors peut-on imaginer une approche plus verticale de leur production dans les années à venir ? Rien n'est moins sûr pour le fondateur de My Jolie Candle qui évoque les limites de la lettre "V" du fameux acronyme. Même si elle conçoit ses bijoux et n'achète rien sur catalogue, My Jolie Candle ne dispose pas de son outil de production en propre. "Près de 150 personnes travaillent toute l'année en Thaïlande pour produire nos bijoux". Et Samuel Guez de rappeler qu'au lancement d'une activité 30 ans auparavant, une entreprise gérait au choix le marketing, la distribution, ou le design du produit. "Aujourd'hui, une DNVB maîtrise tous ces aspects, sans aller jusqu'au contrôle total de la production. En peu de temps, la verticalité des DNVB est déjà bien avancée car nous exerçons plusieurs métiers en un au-delà de l'e-commerce."