Lunettes à 30 euros : les secrets de Polette pour pérenniser son modèle économique

Lunettes à 30 euros : les secrets de Polette pour pérenniser son modèle économique Vendre des lunettes à prix bas tout en étant rentable, une équation impossible ? C'est pourtant le pari réussi par Polette grâce à un modèle économique 100% transparent.

"La lunette est un élément important de la personnalité, que l'on doit pouvoir changer en fonction de ses envies. Nos clients viennent de manière récurrente sur le site car nos prix sont bas. Et cela nous garantit des quantités de ventes importantes", introduit Pierre Wizman, cofondateur de Polette avec Pauline Cousseau. Polette.com a vu le jour en 2011 avec l'ambition de connecter les usines chinoises, fabricantes de lunettes, et les consommateurs européens. Le but ? Rétablir le véritable prix des lunettes. "En France, les lunettes valent en moyenne 450 euros alors qu'elles sont fabriquées en Chine. Au cours de nos recherches, nous avons découvert que tous les composants des lunettes provenaient de Chine, y compris les matières premières", décrit Pierre Wizman.

Fort de ce constat, les fondateurs français, alors expatriés dans l'empire du Milieu, décident d'y lancer leur activité après avoir investi seulement 2 000 euros. Usines mais aussi matières premières et instruments de fabrication, l'écosystème entier de la lunetterie se situe en Chine. "Plus précisément à Dayang, complète Pierre Wizman. C'est la capitale mondiale du verre en quelque sorte. En France, l'époque où nous maîtrisions l'art de la lunetterie est révolue et il existe désormais peu de spécialistes dans ce domaine." En vendant ses lunettes quasi à prix coûtant, directement sorties d'usine, Polette ne tarde pas à rencontrer le succès escompté auprès de la population locale, habituée à payer des lunettes à bon prix. Mieux, la DNVB fait du made in China, sa marque de fabrique.

Des coûts de fabrication maîtrisés

Actionnaire à 40% d'une usine de verres à Dayang et propriétaire de deux laboratoires d'assemblage à Shanghai et Dayang, Polette stocke toutes ses montures et fabrique tous les verres à la commande. La méthode miracle pour la DNVB, qui maîtrise aisément ses coûts et est en mesure de proposer des prix attractifs aux consommateurs. "La vérité, c'est que la lunette est un produit qui ne coûte rien à fabriquer, c'est juste du plastique sans ajout de technologie, lâche Pierre Wizman. Des innovations peuvent survenir dans le revêtement mais la conception de lunettes reste simple, si ce n'est le design de la monture à concevoir."

Dans le détail, une monture en acétate vaut 3 euros en sortie d'usine, contre 1,50 euro pour les verres avec tous les traitements. "Nous vendons ensuite les montures entre 5 et 30 euros, jusqu'à 50 euros si celles-ci sont en titane car cette matière première vient du Japon", détaille le cofondateur. Tous les verres simples vendus sur le site de Polette coûtent 10 euros, options comprises (antirayure, antireflet, antisalissure), jusqu'à 65 euros pour les verres progressifs solaires. "Chez nos concurrents, non seulement les options sont facturées mais les verres sont initialement vendus transparents", insiste Pierre Wizman.

Quid du rapport qualité prix ?

Faut-il comprendre que Polette réalise des marges bien moindres que ses concurrents traditionnels ? "Il n'y a strictement aucune différence entre une paire de lunettes à 500 euros disponible sur le marché de masse et les nôtres, affirme Pierre Wizman. La plupart des enseignes de lunetterie font payer aux consommateurs le marketing pour bénéficier de marges avantageuses. Beaucoup de tests ont été réalisés sur nos produits pour les comparer aux verriers les plus chers d'Europe. A chaque fois, les verres de Polette sont de meilleure qualité."

Et le succès est au rendez-vous. Polette.com, qui se revendique comme la première marque de lunettes en ligne, affiche une croissance soutenue depuis sa création. Avec un chiffre d'affaires de 2 millions d'euros la première année, la DNVB qui livre plus de 4 000 colis par jour dans le monde, a dépassé les 65 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2019. Et Pierre Wizman de rappeler les fondements du modèle économique de Polette, basé sur un contrôle total de la chaîne de production : "En tant que DNVB, nous souhaitons intégrer notre chaîne de valeur de A à Z et proposer, à l'arrivée, une qualité et un prix imbattables à nos clients pour garantir nos ventes et être rentable. Beaucoup sont surpris par le prix au départ et pensent que c'est une erreur", ajoute-t-il amusé.

Une DNVB mondialisée

Ce modèle économique construit sur une indépendance totale et un autofinancement, sans dette privée, permet à Polette de se développer à son rythme. Avec un siège social basé à Hong Kong, une équipe de 10 designers à Amsterdam et des locaux en Chine, Polette s'est forgée une image de marque très internationale.

L'année 2020 s'annonce dense avec le lancement de l'application mobile au mois de février ainsi que l'ouverture imminente d'une boutique à Londres. La marque est déjà physiquement présente à Milan, Barcelone, Berlin, Bordeaux, Lyon et aux Etats-Unis, sans oublier les 8 showrooms disséminés entre la France, la Belgique et les Pays-Bas pensés pour offrir une meilleure expérience aux clients. A l'intérieur de ces showrooms connectés, les lunettes sont à l'essai mais la commande s'effectue toujours sur le site : il suffit de scanner la paire de son choix avec la version mobile pour procéder à l'achat.

Toutefois, on l'aura compris, cette dynamique internationale s'illustre en grande partie à travers la relation privilégiée que Polette entretient avec la Chine. Finalement, la DNVB est-elle française ou chinoise ? Pierre Wizman répond sans détour : "Je ne vois pas d'acteur à la fois online et offline déployer son activité comme nous le faisons. Nos concurrents n'ont aucune idée du fonctionnement de la Chine. Or, nous avons démarré dans ce pays et connaissons la culture d'entreprise chinoise après y avoir vécu durant 15 ans. Nous sommes un réel acteur sur place et d'une certaine manière, effectivement, notre entreprise est chinoise."