Pierre-Louis Lacoste (Ankorstore) "Les DNVB enregistrent des coûts d'acquisition élevés sur le digital et se tournent vers le physique"

Le cofondateur révèle les spécificités de la marketplace lancée en juin 2019 qui met en relation jeunes marques et boutiques physiques.

JDN. Comment est née Ankorstore ?

Les quatre fondateurs d'Ankorstore. De gauche à droite : Nicolas Cohen, Pierre-Louis Lacoste, Nicolas d'Audiffret et Mathieu Alengrin. © Ankorstore

Pierre-Louis Lacoste. Nous avons constaté la difficulté pour les créateurs de vendre leurs produits en boutique. En réalité, c'est très compliqué pour une marque d'être distribuée aujourd'hui. Les démarches peuvent être fastidieuses, et dès lors que le créateur et la boutique ont amorcé les premiers échanges, on remarque que leurs besoins sont diamétralement opposés. A l'ère du digital, les boutiques recourent encore au bon de commande manuscrit et achètent leurs produits six mois à l'avance sans être certaines de tout recevoir à l'arrivée. Les méthodes paraissent dépassées. Avec Ankorstore, l'idée était de créer une plateforme pour digitaliser l'expérience de la commande et redonner de la flexibilité d'achat aux commerces physiques en valorisant des jeunes marques.

Nous avons commencé à coder le site en avril 2019 et les premières marques ont rejoint la plateforme en août. Nous voulions réunir 200 marques avant de communiquer auprès des boutiques pour ne pas rendre l'expérience décevante. Les boutiques ont besoin d'une offre conséquente pour proposer de nouvelles expériences à leurs clients. Actuellement, Ankorstore compte plus de 400 marques et 2 700 retailers actifs. Nous avons lancé les ventes il y a deux mois, et nous sommes très satisfaits des résultats. Nos paniers comportent facilement jusqu'à 10 marques.

Concrètement, comment Ankorstore articule la relation entre une boutique et une marque ?

Notre approche est davantage orientée pour les boutiques que pour les marques. La boutique qui se rend sur notre site peut remplir son panier avec les produits vendus par les créateurs inscrits sur la plateforme. La boutique effectue un minimum de commande à hauteur de 100 euros avec un minimum de frais de port, jusqu'à 300 euros multimarques. Une fois les achats effectués par la boutique, la marque reçoit un mail et se connecte sur Ankorstore pour accepter, modifier ou refuser la commande en cas d'exclusivité avec une boutique ou d'une profondeur de stock insuffisante, par exemple. La marque indique ses frais de port que nous lui remboursons ensuite. Celle-ci récupère ainsi entre 7 à 10 points de marges. La facture de livraison validée, une alerte est déclenchée à la livraison du produit, et automatiquement, le paiement est délivré à la marque. La boutique commence à vendre les produits quelques jours après.

Comment gagnez-vous de l'argent ?

Les marques règlent une commission de 15% hors taxe. Cette commission englobe le remboursement des frais de port et l'avance de trésorerie car nous payons la marque à la livraison et nous continuons de garantir les 60 jours de délai de paiement à la boutique. Par ailleurs, nous sommes assez agressifs sur l'acquisition. Nous finançons la première commande de chaque marque à hauteur de 100 euros. A chaque fois qu'une boutique atteint ce seuil de 100 euros pour un nouvel achat auprès d'une marque, sa commission n'est plus de 15% mais de 5%. Ce système nous permet de fidéliser les boutiques et les marques dès la première commande et de garantir de la flexibilité.

Comment sélectionnez-vous les marques figurant sur la plateforme ?

Nous mettons en place une sélection à l'entrée car les marges et les volumes de certaines marques ne sont pas suffisants. Les boutiques connaissent des capex extrêmement élevés et elles recherchent les produits qui leur apporteront le plus de marges. En règle générale, elles s'intéressent aux produits positionnés x 2,5 de marges. Nous éduquons les marques à l'enjeu que représentent les marges car les boutiques y sont attentives. Nous regardons également les volumes car notre plateforme permet aux boutiques de passer une commande le vendredi soir et de la recevoir le mardi ou le mercredi. Au total, nous ne sélectionnons que 20% des marques et plus d'une quarantaine intègrent Ankorstore chaque semaine.

Pourquoi misez-vous sur les DNVB et les jeunes marques pour soutenir l'activité des boutiques ?

Les DNVB enregistrent des coûts d'acquisition très élevés sur le digital et se tournent vers le physique. Malheureusement, elles n'anticipent pas toujours leur présence en retail : elles ne connaissent pas le fonctionnement et ne sont pas toujours prêtes. Avec Ankorstore, nous proposons un process familier aux DNVB. Elles évoluent dans un environnement digital grâce à une expérience BtoC destiné au BtoB.

Vous avez levé 6 millions d'euros au mois de décembre. Quels sont vos projets désormais ?

Cette levée de fonds est arrivée très tôt dans l'aventure et nous sommes ravis. Ankorstore est une marketplace à vocation européenne. Nous avons ouvert les sites belge, allemand et espagnol il y a quelques jours. Nous plaçons beaucoup d'espoir sur l'Allemagne qui est le plus vaste marché de concept store européen, même si tous les types de commerces sont les bienvenus sur Ankorstore. La levée de fonds nous a permis de recruter une vingtaine de talents qui nous rejoindra d'ici avril. Nous serons en mesure de tester plus de choses pour trouver ce qui fait sens pour les marques et boutiques. Et nous travaillons actuellement sur un projet à moyen terme, pour aller plus loin que notre politique des frais de port…

La place de marché BtoB Ankorstore a été lancée en France en juin 2019 par quatre entrepreneurs : Pierre-Louis Lacoste (ancien country manager chez Etsy France), Nicolas d'Audiffret et Nicolas Cohen (fondateurs de A Little Market) et Mathieu Alengrin (ancien head ingénieur à Vestiaire Collective). Avant de se lancer dans l'aventure Ankorstore, Pierre-Louis Lacoste a travaillé dans la grande distribution notamment en tant que vice-président Europe chez Lolë, marque de mode d'origine canadienne.