Les coûts d'acquisition sur les réseaux sociaux s'envolent, les DNVB ripostent

Les coûts d'acquisition sur les réseaux sociaux s'envolent, les DNVB ripostent Alors que les DNVB ont connu leur âge d'or grâce aux réseaux sociaux, le contexte a considérablement évolué, bouleversant leur modèle économique fondé sur le digital.

"Sur Facebook, les coûts d'acquisition doublent d'une année sur l'autre depuis trois ans. Cette situation challenge le modèle économique des DNVB mais concerne tous les acteurs du e-commerce", explique Samuel Guez, fondateur de My Jolie Candle, spécialisée dans la vente de bougies. Alors que les DNVB ont longtemps capitalisé à moindre frais sur les médias sociaux pour capter un maximum de clients, il semblerait que cette période soit révolue. Selon le rapport sur les tendances d'Internet en 2018 de l'investisseuse Mary Meeker, spécialiste d'Internet et des nouvelles technologies, les coûts du taux de clic de Facebook ont augmenté de 61%, et le coût par millier d'impression s'est envolé de 112 % par rapport à l'année précédente. La faute notamment aux gros annonceurs, qui se sont lancés dans la bataille des enchères, et contre lesquels les DNVB n'ont pas les moyens de lutter. "A force de leur asséner des discours sur le digital, les grands groupes ont fini par investir", rappelle Samuel Guez. Las des placements de produits tous azimuts, les consommateurs expriment leur désintérêt en cliquant de moins en moins sur les annonces publicitaires.

Or, si la hausse des coûts d'acquisition est un sujet brûlant pour les DNVB, marques digitales par essence, comment et avec quelles armes peuvent-elles faire face ? Selon Vincent Redrado, fondateur de Digital Native Group, cabinet de conseils destiné au DtoC, le seul moyen pour les DNVB de s'en sortir est de maîtriser à la perfection leur modèle économique : "Les DNVB doivent se focaliser sur le taux de réachat et valoriser les clients historiques. Elles doivent également être capables de multiplier leurs canaux de distribution entre le site Internet, l'international et le retail." Fortes de leur expertise autour du branding et de l'expérience client, les DNVB sont dotées des ressources pour pallier les difficultés du digital. Mais face à un tel enjeu, chacun déploie ses méthodes.

Optimiser l'usage de Facebook

Lancée en octobre 2018, Les Jolis Cahiers, marque spécialisée dans la personnalisation de cahiers, a toujours contrôlé sa dépendance à l'acquisition payante de clients. "Je considère que les Facebook ads ne sont pas à bannir mais à utiliser là où ils produisent évidemment le meilleur ROI", justifie la fondatrice Sophie Péan. Par exemple, une campagne réalisée sur le dernier trimestre 2019 pour le lancement d'un agenda, qui avait comme objectif de la conversion et de l'achat produit, a mieux performé que de précédentes campagnes de notoriété ou d'image.

Consciente que Facebook ne peut être le seul levier pour accumuler de nouveaux clients, Medene, jeune DNVB experte de l'aromathérapie créée en juillet 2019, privilégie la qualité à la quantité. "Nous essayons de piloter nos campagnes avec le plus de précision possible en privilégiant les a/b tests afin d'éliminer très rapidement les contenus, formats, placements ou audiences qui ne performent pas", explique Olivia Troehler, responsable marketing digital chez Medene. La marque souhaite sensibiliser sa communauté aux bonnes pratiques et aux précautions d'utilisation des huiles essentielles en investissant dans le SEO et en misant sur une stratégie de contenu spécifique sur Instagram. "Nos taux de conversion sur Instagram shopping sont intéressants, c'est la raison pour laquelle nous allons de plus en plus exploiter ce canal via les stories notamment", complète Olivia Troehler.

"Les clients existants doivent être considérés, peut-être plus encore que ceux à conquérir"

Chez Balzac Paris, pas question de claquer la porte aux médias sociaux et de rompre le lien avec ceux qui continuent de porter leur croissance sur le digital. Vitrines de la marque, Facebook et Instagram restent au cœur de la stratégie d'acquisition. "La majorité de nos clients nous découvre via ce levier, notre communauté grandit, mais la question est la suivante : quelle est la valeur d'un abonné aujourd'hui ? Tout se complique quand il s'agit de toucher puis engager notre propre communauté sur ces plateformes, constate Alice Laporte, responsable digital chez Balzac Paris. L'art est de savoir doser les coûts entre l'achat d'espace et la qualité des contenus. En parallèle, Facebook ne cesse de proposer de nouvelles portes vers notre site telles que swipe-up stories, tag produits, rubrique shopping... Nous essayons donc de voir le verre à moitié plein et de saisir chaque opportunité."

Réfléchir à l'offline

Pour contrebalancer les revers sur le digital, les DNVB se rabattent vers le commerce physique. Ainsi, My Jolie Candle a ouvert deux boutiques en 2019 et vise l'ouverture de cinq nouveaux magasins cette année. "Même si le loyer représente un coût marketing, chaque client qui entre est un coût d'acquisition digitale en moins", soutient Samuel Guez. Avec un chiffre d'affaires à hauteur de 10 millions d'euros, My Jolie Candle dispose des moyens suffisants pour envisager sereinement l'offline. "Entre 2 et 6 millions d'euros de chiffre d'affaires, certaines DNVB éprouveront des difficultés à gérer leurs marges et à acquérir des clients de manière rentable, pointe Samuel Guez. Elles devront certainement réduire leur coûts fixes, ou lever des fonds." Toutes les DNVB projettent-elles de s'engager sur le terrain physique ? "Elles ne sont pas destinées à devenir comme Sézane, répond Vincent Redrado de Digital Native Group. Peut-être que certaines marques disparaîtront à cause de l'augmentation des coûts d'acquisition mais les structures les plus menacées sont les marketplaces et les e-commerçants multimarques qui margent moins que les DNVB."

Miser sur la valeur vie client

Intrinsèquement lié au coût d'acquisition d'un client, la lifetime value ou valeur vie client permet d'estimer la somme des profits qu'une marque espère obtenir tout au long de la relation établie avec le client. Chez Medene, la valeur vie client prend sens avec les clients historiques. "Nous suivons de près notre taux de réachat et prenons soin de proposer des exclusivités à nos clients les plus fidèles ; ce qui nous permet de faire fonctionner le bouche-à-oreille et finalement d'acquérir de nouveaux clients grâce à la recommandation", illustre Olivia Troehler. Un discours qui fait écho à la stratégie proposée par Les Jolis Cahiers. La fondatrice, Sophie Péan, considère la valeur vie client comme "un excellent indicateur sur la pertinence de l'offre produit. Les clients existants doivent être considérés, peut-être plus encore que ceux à conquérir. Nous avons un dispositif de fidélisation via des offres exclusives et une newsletter électronique mensuelle, plus inspirationnelle que commerciale. C'est ainsi que nous créons de la confiance et de l'engagement."

Mais sur le long terme, la hausse des coûts d'acquisition sur les réseaux sociaux menace-t-elle l'avenir des DNVB ? "Je ne pense pas que la hausse des coûts d'acquisition signifie la fin des DNVB mais plutôt la fin de celles qui ne sont pas bien gérées, indique Vincent Redrado. Les DNVB ont toutes en commun d'être créées par des personnes passionnées par le produit sauf que la dimension business est primordiale pour la pérennité de n'importe quelle entreprise." Pragmatique, My Jolie Candle a fait le choix de réinventer son business model, refusant un coût d'acquisition supérieur à la valeur vie client et acceptant une croissance majoritairement issue des boutiques au détriment du digital. "Il ne s'agit pas d'un retour en arrière mais d'une évolution vers un modèle mixte où le digital ne peut plus exister seul", convient Samuel Guez. Ce virage pris, à quel rythme les DNVB l'emprunteront ?