Effet de mode NFT ou tendance durable ?

Effet de mode NFT ou tendance durable ? Et si l'avenir de la mode se résumait aux NFT ? Loin d'être frileuses, les marques du secteur embrassent peu à peu cette nouvelle technologie, gage d'authenticité et d'expérience client unique.

Si vous n'avez jamais entendu parler des NFT jusqu'alors (non-fungible token en anglais), il va falloir vous y habituer. Ces jetons numériques reposent sur la blockchain. Ils peuvent donc être collectés et échangés comme une cryptomonnaie. Leur particularité ? Les NFT sont uniques et ne sont pas interchangeables contrairement aux cryptomonnaies comme le bitcoin. Une spécificité qui permet de vérifier la rareté numérique et l'authenticité d'un produit. Car les NFT peuvent prendre la forme d'une image ou d'une œuvre d'art. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le monde de l'art a été l'un des premiers secteurs à adopter les NFT. Au mois de mars, l'œuvre virtuelle du crypto-artiste Beeple a été vendue pour 69 millions de dollars aux enchères. Un record.

Mais les secteurs de la mode et du luxe ne sont pas en reste. La marque de baskets crypto londonienne RTFKT Studios, qui vient de lever 8 millions de dollars, a gagné plus de 3 millions de dollars en mars, en moins de dix minutes, grâce à une collection cryptographique en partenariat avec l'artiste Fewocious. RTFKT et Fewocious ont non seulement conçu les chaussures virtuelles, mais également les produits dérivés numériques nommés Drip et Charm. Chaque paire de chaussures numériques valait entre 3 000 et 10 000 dollars. Fin 2020, la start-up Enjin s'est associée à la maison de couture numérique néerlandaise The Fabricant pour mettre au point une collection virtuelle : une nouvelle ligne de mode NFT inspirée du jeu vidéo Atari et construite à l'aide des outils d'Enjin sur Ethereum. The Fabricant a utilisé l'IP d'Atari pour créer des vêtements numériques basés sur la blockchain.  

Dans le luxe, l'emploi des NFT n'est pas loin non plus. Gucci a confirmé à Vogue Business que ce n'était "qu'une question de temps" avant la publication d'un NFT. Plusieurs autres marques de l'industrie du luxe sont sur le point de publier des NFT, a rapporté le média britannique. Le mois dernier, LVMH, Prada Group et Cartier ont créé une plateforme blockchain Aura Blockchain Consortium. Le but ? Permettre aux clients d'accéder à l'historique du produit qu'ils achètent, au moyen d'un certificat numérique.

Double usage

D'après Matthieu Lucchesi, spécialiste innovation au sein du cabinet d'avocat Gide Loyrette Nouel, derrière le concept NFT se cachent différentes réalités propres à la mode et au luxe. En effet, le NFT peut être pensé pour n'exister qu'en étant lié à un produit réel. D'où le certificat d'authenticité que l'on connaît déjà lors d'un achat mais qui se retrouve digitalisé avec la technologie blockchain. "L'avantage du certificat d'authenticité digitalisé est que son contenu peut être enrichi et mis à jour, indique Matthieu Lucchesi. C'est un moyen pour les marques de reprendre la main sur la vie des produits qu'elles commercialisent." Une analyse partagée par Alexandre Malsch, CEO de Fulllife, marque de vêtements lifestyle pour les passionnés d'e-sport. "L'authenticité représente l'intérêt premier des NFT dans la mode. Cela permet de pouvoir facilement lier un produit physique à une clé virtuelle et donc de pouvoir identifier un produit comme n'étant pas une contrefaçon. Cette notion de traçabilité crée de la valeur." La marque, qui a créé sa monnaie FL Coins, est actuellement en cours de développement sur son projet NFT. 

Autre application des NFT dans la mode : les vendre de manière autonome en tant qu'actif digital. "Les marques de luxe réfléchissent déjà à des univers virtuels où leurs produits sont mis en avant afin de cibler une clientèle plus restreinte et plus difficile à capter en digital. Ces NFT pourraient avoir une existence tout à fait indépendante et pourraient s'acquérir en tant que pièce digitale de luxe unique comme un sac par exemple", avance Matthieu Lucchesi. Car les NFT offrent l'avantage de projeter un produit physique dans un monde virtuel. Concrètement, le code barre présent sur un t-shirt est relié à un token. En achetant ce t-shirt, le client peut le retrouver dans un jeu vidéo mais peut aussi avoir accès à des goodies en ligne. Une sorte de réalité dans le virtuel. "In fine, la copie digitale du t-shirt, le NFT, peut être revendu sur des sites spécialisés. Aujourd'hui, on peut revendre un vêtement physique sur Vinted ou le revendre en virtuel sur les marketplaces spécialisées de NFT", résume Alexandre Malsch. 

Rupture technologique ? 

Vous avez suivi ? Car le risque de la technologie NFT appliquée à la mode est justement de perdre en chemin des consommateurs peu avertis à ce sujet. A priori, la génération Z et les millenials, qui ont grandi en plein boom du digital, n'auront pas de difficulté à se familiariser avec le vocabulaire NFT. Quid de leurs parents et grands-parents ? "Toutes les personnes qui possèdent un smartphone ne devraient pas avoir de mal avec le principe du certificat d'authenticité. Ce n'est que la digitalisation d'un service qui existe aujourd'hui donc la cible de clientèle est très large", assure l'expert innovation de Gide Loyrette Nouel. Chez Fulllife, l'enjeu des dernières phases de travail consiste à proposer une expérience client à la fois stimulante pour les clients déjà aguerris aux NFT et qui souhaitent disposer de tokens à utiliser sur le marché de la blockchain. "Dans le même temps, un client qui ne connaît rien aux NFT et qui ne s'y intéresse pas doit pouvoir acheter un produit sur notre site sans avoir besoin d'un portefeuille spécifique. A nous d'apporter le bon équilibre dans notre espace virtuel", explique le CEO de Fulllife.

Comme la bulle Internet en 2000, les technologies de blockchain restent à déchiffrer. "L'histoire s'écrira mais on peut imaginer que les NFT bouleverseront les pratiques de consommation car il s'agit d'une rupture technologique", conclut Alexandre Malsch. Reste à savoir jusqu'à quel point...