Le nouveau marketeur : l'usage avant le message

Dans un monde aussi complexe, et connecté, travailler à de réelles propositions de création de valeur est le seul moyen pour faire partie durablement de la vie de votre consommateur. Voilà pourquoi je crois que le nouveau marketeur devrait "penser à l’usage avant le message."

Le marketing se définit conventionnellement comme l'analyse des besoins des consommateurs et l'ensemble des moyens d'action utilisés par les organisations pour influencer leur comportement. Dans un monde de plus en plus complexe et connecté, où les marques doivent se battre à chaque micro-moment sur des points de contacts dispersés, beaucoup ont oublié que le marketing a surtout pour but de créer de la valeur perçue pour le consommateur et ce, de manière durable. Repenser le marketing comme construction d’une réelle proposition de valeur est le meilleur moyen d’y arriver.

Il ne suffit plus seulement de bien communiquer sur l’offre produit, de converser avec le consommateur, de créer des communautés, de personnaliser la relation. Non aujourd’hui, de manière très pragmatique, ce vers quoi devrait tendre toute entreprise, sous l’impulsion première du marketing, serait de rendre vraiment service au consommateur et d’aller au-delà de la proposition de valeur initiale de l’entreprise.

Du guide Michelin à l’application Nike + Running : le marketing qui ne dit pas son nom
Ce qu’on appelle parfois aujourd’hui le marketing serviciel ou branded utility existe depuis longtemps sans dire son nom. Michelin, notre fabricant de pneu, édite le guide Michelin depuis…. (Accrochez votre ceinture !) l’exposition universelle de 1900. Aujourd’hui, la renommée du guide est incontestable à travers le monde, notamment dans un domaine de prime abord, très éloigné de leur produit initial : la gastronomie (les chefs étoilés Michelin). 

Bien sûr, Internet a démocratisé les initiatives de ce marketing dit utile, notamment au travers de toutes les stratégies de contenu qui ont pour but de fournir un contenu informatif ou divertissant. Cependant, dans un paysage médiatique aussi concurrentiel, des marques ont développé des services encore plus originaux. C’est le cas de Nike avec leur application Nike+ Running, véritable coach personnel qui permet de suivre ses progrès et intègre une dimension communautaire. Cette application, véritable succès planétaire, a notamment permis à Nike de devenir la marque la plus représentée lors des marathons. Parmi les exemples les plus marquants, citons Lego et les pantoufles anti-briques pour les parents, MakeUp Genius de L’Oréal qui permet de se faire une idée du rendu d’un produit cosmétique avant de l’acheter ou encore IBM et ses initiatives de "smart ideas for smart cities" (http://www.fubiz.net/2013/06/08/ibm-smart-ideas-fo-smarter-cities/). 

Les initiatives sont donc déjà très présentes et aujourd’hui, le vent nouveau est surtout porté par les petites structures qui pour bousculer un marché, réfléchissent à la valeur d’usage non pas comme moyen marketing mais comme ciment de leur business model, donc à la base de leur proposition de valeur. Voilà une des raisons de l’affection grandissante que leur portent les grandes entreprises traditionnelles, en panne de création de valeur.


Penser expérience avant de penser produit
Je pense qu’il est très important aujourd’hui de rétablir la suprématie de l’expérience sur le produit. Bien qu’il soit partie intégrante de l’expérience, le produit n’est que la partie visible de l’iceberg. Cet état d’esprit, fortement démocratisé par Apple, peut changer le destin d’une entreprise. 

Si je schématise, Apple a révolutionné tous nos usages en créant une toute nouvelle expérience, grâce à un smartphone très intuitif et la construction d’un écosystème applicatif très large. Google a dominé le marché des moteurs de recherche grâce à une expérience centrée sur la pertinence, la rapidité et l’ultra-simplicité du service. L’essor des VTC (Uber, Lyft,…) face aux acteurs traditionnels est notamment dû à une expérience simple et fonctionnelle (paiement natif, chauffeurs disponibles sur demande, service offert, facture reçue par mail). Netflix a repensé l’usage dans lequel nous consommons les productions audiovisuelles en permettant justement un visionnage fractionné à la demande, sur tous les écrans et avec un service de recommandations personnalisées des plus avancés.  

Penser usage, c’est s’intéresser aux gens dans leur quotidien, c’est être capable de déceler les points de friction de sa relation avec notre organisation, mais aussi dans sa vie de tous les jours. Je remercie ici les adblockers qui font ainsi comprendre aux marketeurs que la publicité intrusive ne fonctionne plus aussi bien et que demain, il faudra trouver des moyens intuitifs de rappeler au consommateur que notre organisation lui est utile, voire indispensable. Une banque qui ne fournit pas une application ergonomique pour gérer ses comptes en ligne se tire une balle dans le pied. Un distributeur qui ne permet pas à un consommateur (ayant une carte de fidélité) d’avoir accès à son historique d’achat sera bientôt (est déjà ?) une erreur stratégique.

L’usage avant le message : prémisses des changements profonds des entreprises ?   

Les départements marketing et innovation d’une organisation ont un rôle à jouer aujourd’hui dans la digestion du bouleversement numérique, que ce soit en interne ou en externe. Ils doivent pouvoir identifier les points de friction d’un consommateur, les prioriser et puis les mettre en parallèle avec les évolutions technologiques qui peuvent offrir une solution. Il est temps pour les marketeurs de redevenir humble, de comprendre qu’ils n'influencent plus les consommateurs avec le bon vieux matraquage publicitaire. 

Être customer-centric comme on ne cesse de le répéter dans toute entreprise en transformation digitale (c’est-à-dire quasiment toutes), c’est comprendre que rendre service au consommateur, c’est rendre service à son entreprise. Et c’est là un changement majeur et salutaire (je l’espère) dans ce monde où l’attention du consommateur est une des ressources les plus convoitées par les marques. Cela doit pousser les organisations à repenser une campagne, non plus comme simple moyen de communication, non plus comme simple moyen de créer de l’engagement mais comme de réelles propositions de valeur et de sens pour les gens. Les marques doivent être capables de porter du sens, d’accompagner les évolutions et les nouveaux enjeux de la société. Celles qui ne le feront pas, perdront du terrain. Bien sûr, la publicité traditionnelle aura toujours une place, cependant les marketeurs d’aujourd’hui doivent se poser non plus comme des concepteurs de messages mais comme des créateurs d’une valeur ajoutée durable.

Penser le marketing en termes de services, c’est justement ajouter de la valeur à l'expérience du consommateur. Bien sûr, l’enveloppe émotionnelle, le storytelling, donnera encore plus d’épaisseur, de personnalité, de potentiel de désir et d’attachement à votre marque, mais travailler à de réelles propositions de création de valeur est le seul moyen pour faire partie durablement de la vie de votre consommateur. C'est en cela que le motto du nouveau marketeur serait : "penser à l’usage avant le message."