Le Web communautaire promulgue ou ignore la diversité ?

Plusieurs sites Internet "ethniques" totalisent chacun plus d'un million de visiteurs uniques par mois, ce dans l'indifférence générale. Comment ces sites ont-il bâti leur succès ?

En lisant plusieurs articles consacrés à la cyber campagne électorale, j'ai trouvé amusant qu'on présente comme leaders d'opinion des blogueurs ou éditeurs de sites qui s'enorgueillissaient d'être visités par plus de 5.000 personnes par jour. Quel succès !!!

Des sites ethniques peu reconnus
Qui connaît Mohamed Ezzouak ? Cet ancien de PriceMinister, aujourd'hui installé au Maroc, a créé Yabiladi il y a quelques années. Ce portail dédié aux Marocains résidant à l'étranger est devenu aujourd'hui le deuxième site Marocain derrière Menara. Particularité, il est en très large majorité consulté depuis la France. 40.000 visiteurs uniques par jour, une newsletter de 200.000 abonnés lui ont permis de devenir un acteur influent de la vie de la diaspora. En 2006, à la suite d'une enquête sur les consulats Marocains, l'Ambassadeur du Maroc en France a même convié tous les consuls à venir écouter les conclusions de Mohamed Ezzouak. Les articles de ce site sur la campagne électorale française trouvent en revanche peu d'échos. Sans doute est-ce moins croustillant que les délires de la groupusculaire Tribu Ka ?

C'est certainement ce que constatent les fondateurs du site Zouker.com qui recense les sorties du monde afro caribéen pour plus de 50.000 visiteurs journaliers. La cérémonie des Césaire de la musique organisée par Frank Anretar, promoteur du site, n'a en effet pas été médiatisé au delà du cadre communautaire.
Relative confidentialité pour Afrik.com également, malgré leur page rank de 7 sur Google, qui leur vaut plus d'un million de visiteurs uniques par mois. Nous pourrions multiplier à l'envi, les exemples sur ces sites puissants mais méconnus et relativement boudés par les annonceurs.

Un manque de moyens commerciaux et marketing
Il est plus intéressant de se demander pourquoi le petit monde de l'Internet, outil communautaire par excellence, ne donne pas à ces jeunes entrepreneurs la reconnaissance que leur réussite mérite.

Premier constat, à part Afrik.com, tous ces sites sans exception se sont développés sans recours à des financements extérieurs. Pour conséquence, un manque de moyens commerciaux et marketing freine la viabilisation de leur offre. Pourtant, les secteurs cosmétiques, financiers (tranferts d'argent), de la téléphonie, du voyage ou la distribution figurent parmi les annonceurs naturels de ces médias de la diversité.

On en arrive donc au deuxième constat : celui d'un enfermement sociologique d'un secteur économique qui se pense souvent plus ouvert et mondialisé qu'il ne l'est en réalité. De fait, les points communs des sites précédemment évoqués se cristallisent autour de l'idée de manque de lien créé par les médias dits généralistes pour ces "minorités" dont les goûts spécifiques, les aspirations, les idées sont souvent ignorés.

Malgré cela, ces entrepreneurs armés d'une vision claire et d'une passion intacte vont continuer à se battre pour la reconnaissance de leur travail. Par delà l'analyse, je souhaite leur rendre hommage par ce témoignage.