Le GNSO, kezako ?

Le Generic Names Supporting Organization est au centre de la gouvernance de l'Internet. Cette entité régule les extensions génériques (comme le .COM) et se retrouve au coeur des enjeux politiques, commerciaux et juridiques de ceux qui font les règles du Web.

Le 10 décembre dernier, j'ai été élu à la présidence du GNSO. Lorsque je raconte ça à mes amis, soit ils baillent, soit ils me regardent comme si je venais de Mars. Car qui connaît le GNSO, dont les décisions peuvent pourtant influencer notre quotidien d'Internaute ?
 
Derrière ces quatre lettres se cache l'un des "organismes de soutien" de l'ICANN. Le régulateur de l'Internet est en effet organisé de manière pyramidale. Au sommet, le Conseil d'administration prend les décisions sur la manière dont l'Internet sera régulé. Pour y parvenir, les 21 membres de ce conseil font appel à des "organismes de soutien" ("supporting organizations" ou "SO") et des "comités de conseil" ("advisory committee" ou "AC").
 
L'ICANN compte 3 SO. L'ASO ("Address Supporting Organization") regroupe les gestionnaires des adresses IP, cette ressource clef qui est à l'Internet ce que le numéro est au téléphone. Le ccNSO ("country code Names Supporting Organization") rassemble les gestionnaires d'extensions nationales comme le .FR ou le .DE.
 
Deux chambres 
Dans ce paysage, le GNSO est de loin le plus complexe des organismes de soutien. Par sa composition, d'abord. Là où les deux autres regroupent un seul type d'entités (les registres d'adresses IP pour l'ASO et les gestionnaires d'extensions nationales pour le ccNSO), le GNSO est en quelque sorte l'assemblée nationale de tous les partis du Net.
 
Il est composé de deux chambres. Dans la première, les registres (gestionnaires d'extensions) et les registrars (bureaux d'enregistrement permettant d'acquérir des noms de domaine dans ces extensions). Dans l'autre, des représentants de l'industrie, des fournisseurs d'accès, du secteur de la propriété intellectuelle et des entités non commerciales (comme la Croix Rouge).
 
Le GNSO est aussi l'organisme de soutien de l'ICANN qui traite le plus de dossiers. Actuellement,  plus de 20 chantiers sont en cours, certains depuis 2008. Cela va de travaux sur le fonctionnement du Whois (la base de données centralisant les informations sur un nom de domaine, comme l'identité de son propriétaire, dont le format n'est pas uniformisé) à l'étude des abus liés à l'exploitation d'un nom de domaine.
 
Nouvelles règles 
Le GNSO est géré par un "conseil", composé de 22 représentants des différentes entités précitées et dont j'assure maintenant la présidence. Un poste élu (le mandat est d'un an renouvelable) très surveillé. Par les grandes sociétés mondiales de vente de noms de domaine, dont les nouvelles règles édictées par le GNSO peuvent fortement impacter le business. Comme par les avocats ou représentants de l'industrie. Car le GNSO peut à tout moment lancer un "policy development process" ou "PDP", c'est à dire un travail pour modifier les règles de fonctionnement des extensions génériques.
 
Mon prédécesseur à la présidence du GNSO était un représentant de Verisign, l'entreprise qui gère le .COM. C'est dire l'importance accordée à ce poste, qui n'avait jamais auparavant été occupé par un français.
 
Le Congrès des noms de domaine 
Au sein du GNSO, des représentants des grandes sociétés de ce monde comme Yahoo, Nokia, Deutsche Telekom ou Boeing participent aux côtés de registres, de registrars mais aussi de représentants des Internautes aux travaux d'élaboration de nouvelles règles.
 
Pourquoi attachent-ils tant d'importance au GNSO ? Tout simplement parce que les travaux de cet organisme, que l'on pourrait presque comparer au Congrès des noms de domaine, peuvent changer l'Internet.
 
C'est le cas du plus célèbre des PDP réalisé par le GNSO. En 2007, ce dernier vote une série de directives, qu'il fait ensuite remonter vers le Conseil d'administration de l'ICANN. Ce dernier les ratifie en juin 2008, lors de sa réunion de Paris. Les directives du GNSO portent sur la libéralisation de la racine de l'Internet. Elles ont donné naissance au plus ambitieux programme jamais entreprit par l'ICANN : celui de permettre, sans limites, la création de nouvelles extensions. En 2011, du .PARIS ou .SPORT en passant par un .CANON (le spécialiste des appareils photos), un .VIN et même un .BZH (pour la Bretagne), nous seront tous libres d'inventer notre propre espace sur le Net.
 
Alors si dans 10 ans il est aussi banal de surfer sur un www.ma-page.JDN que sur l'actuel www.journaldunet.com, ce sera grâce au travail initié par le GNSO.