Le "comité des sages" ou l'accélérateur de start-up

Savoir traiter les priorités, évaluer les risques et prendre du recul, sont les principales qualités d’un bon entrepreneur. Dans le Net, il faut y ajouter la rapidité d’exécution. Pour y arriver, l’outil indispensable se révèle être la mise en place d’un 'comité des sages'.

Dans l'économie traditionnelle, les trois facteurs-clé de réussite d'un commerce sont : emplacement, emplacement et emplacement. Dans la net économie, les trois mots d'ordre sont : exécution, exécution et exécution.  Plus que dans toute autre industrie, le succès d'une société dans le net passe par la capacité de ses dirigeants à exécuter rapidement leur business plan. Les innovations brevetables sur le net, notamment technologiques, sont peu nombreuses. En définitive, l'innovation réside généralement dans la découverte d'un concept ou d'une application nouvelle. Il s'agit le plus souvent du fruit d'une observation du marché que de plusieurs années de recherche et développement. Ainsi, l'investissement financier de départ s'avère moins important et ce, au même titre que les barrières à l'entrée, laissant facilement place à de nouveaux entrants. Conquérir le marché du net est une véritable course où le carburant est le niveau de rapidité d'exécution de l'entreprise. Le meilleur moyen de réussir est de s'entourer de la meilleure équipe possible, et de se concentrer exclusivement sur l'avancement du business sans se perdre dans les détails. Paradoxalement, pour se concentrer sur les points principaux du business, prendre du recul régulièrement permet de pondérer les événements et de faire le tri entre ceux qui sont urgents et ceux qui sont importants. Ce ne sont pas les exemples qui manquent pour illustrer la perte de temps des dirigeants dans la mise en place de leur business plan... Tout récemment, un jeune entrepreneur m'a contacté quatre mois après le « lancement » de son projet pour me parler du montage juridique de sa société.  Il a passé plus de deux mois sur cette unique problématique. Le chiffre d'affaires était toujours nul, le site internet inexistant, le nombre de fournisseurs et stocks faibles, mais sur le plan juridique, les statuts étaient très complexes, le pacte d'actionnaire ultra sophistiqué et les accords entre associés très alambiqués. Autant de démarches complexes et inutiles à ce stade de la société et avant tout, une perte de temps et d'énergie dans la course au succès.  De toute évidence, une situation type dans laquelle le rôle d'un comité des sages aurait permis d'aider les dirigeants à y voir plus clair. Prendre du recul 
Un comité de sages est un outil indispensable permettant à l'équipe dirigeante de prendre le recul nécessaire pour identifier les vraies priorités et vraies urgences. Dans la pratique, ce comité des sages est connu sous le nom d'advisory board, de conseillers, d'administrateurs ou de conseil de surveillance.  Il faut que ce comité ait une fonction bien définie et ce rôle n'est pas forcément le même que celui juridiquement attribué au conseil d'administration. Sa fonction première est d'aider l'équipe dirigeante à se structurer, à prendre l'habitude de synthétiser et d'analyser son activité à intervalles réguliers afin de rendre compte des avancements et des difficultés de la société.  Les actions concrètes se traduisent par des rendez-vous et la présentation de rapports réguliers.  C'est un exercice difficile. L'entrepreneur étant en permanence dans la gestion des urgences et dans le détail de son business, il peut trouver cela frustrant d'avoir à consacrer du temps à renseigner ou informer des personnes qui observent les opérations de loin. Cependant, les chiffres agrégés sous forme d'un rapport permettent de quantifier un ressenti et de placer les événements à leur juste valeur. La fonction seconde du comité est d'apporter de nouvelles idées et une vision différente des problèmes rencontrés.  Nous avons tous tendance à ne pas voir l'évidence quand nous sommes dans l'urgence.  Le comité apporte un bon sens qui ne vient généralement pas des suggestions faites mais  à travers de perpétuelles interrogations. Celles-ci doivent permettre d'identifier un élément qui n'est pas clair, une évidence cachée ou dissimulée. 

A titre d'exemple, un dirigeant d'une société à forte croissance est venu me voir car il avait un « gros » besoin de fonds de roulement. A ses yeux, la société était en risque de rupture de cash.  Il a présenté plusieurs options pour sortir de l'impasse, toutes très sophistiquées et bien élaborées.  La seule option non évoquée, à laquelle il n'avait pas pensé, a été celle proposée par l'advisory board.  Il s'agissait tout simplement d'une solution consistant  à réduire la production, et c'est finalement cette solution qui a été retenue. La troisième mission du comité est d'apporter des solutions et d'explorer de nouvelles opportunités. Il doit apporter des réponses aux problématiques soulevées par les dirigeants.  Pour cela, les membres du comité mettent à disposition leur réseau pour permettre ou accélérer les rencontres stratégiques avec des partenaires, des gros clients, voire des acquéreurs potentiels. Une harmonie entre les individus
Idéalement, le comité devrait être composé de trois à sept personnes maximum.  En-deçà, la dynamique se crée plus difficilement, et au-delà la gestion devient trop complexe. Pour être pertinent, il doit être composé de personnes apportant de la valeur.  Il faut laisser les membres dire ce qu'ils pensent, s'interroger, argumenter et contredire. Ils doivent également se rendre disponibles et ce, pas uniquement pour de simples rendez-vous,  mais aussi pour des questions ad hoc. 

Plus la société est jeune et plus il faut se rencontrer fréquemment. Toutes les deux à quatre semaines pour une start-up, de manière mensuelle ou bimensuelle pour une société plus mûre. Il faut des membres avec des expériences différentes et complémentaires, par exemple, des profils issus de grands groupes, comptable, juriste, entrepreneur, sectoriel et tout autre profil pouvant aider la société.  Il faut également des membres avec un réseau qui vous permettra d'ouvrir des portes et de vous apporter leur crédibilité.  Pour un dirigeant prendre du recul est un élément d'hygiène élémentaire dans la gestion d'une entreprise au même titre que se brosser les dents ou s'habiller.  Ce n'est pas forcément plaisant mais c'est indispensable au bon fonctionnement. Trop souvent l'urgent prend le dessus sur l'important et cela ne mène pas à une bonne exécution.  Ceci n'est qu'une suggestion parmi d'autres.  


Marc Fournier est Managing Partner de Serena Capital et professeur affilié à l’ESCP-Europe