Lettre ouverte à Monsieur Claude Guéant, Ministre français de l'Intérieur
Comment les services de l'immigration professionnelle du Ministère de l'Intérieur ne comprennent-ils pas le marché de l'emploi et peuvent ainsi nuire gravement aux plus prometteuses de nos start-ups ?
Monsieur le Ministre,
En tant que Président d'ISAI ,
"le" fonds des entrepreneurs internet, il m'arrive
régulièrement de déclarer que le secteur du web est l'un
des rares secteurs de l'économie française à connaître
un "chômage négatif".
L'explication de ce phénomène est
extrêmement simple:
- ce secteur n'a qu'une petite quinzaine d'année
existence et il a connu, après l'éclatement de la bulle
internet en 2000/2001, une période "glaciaire" de 3/4
ans, suivie depuis 2004 par un formidable essor ;
- les "techniciens du web" ayant plus de 7 ans
d'expérience sont donc extrêmement rares au regard des
besoins et le secteur embauche ainsi un très grand
nombre de jeunes gens faiblement expérimentés encadrés
par quelques "dinosaures" ayant survécu à ladite période
"glaciaire".
En tant que dirigeant d'ISAI, je considère comme
partie intégrante de mon rôle, la promotion et le
support des sociétés dans lesquelles notre fonds a
investi: il s'agit de petites entreprises, dynamiques,
ambitieuses, à vocation internationale pour qui les
ressources humaines sont un facteur clé de réussite.
Attirer et garder les "talents" est sans doute le
sujet numéro un pour chacun des dirigeants de nos
"start-ups". Construire en France des équipes pluridisciplinaires et multinationales est une absolue
nécessité pour pouvoir ambitionner une trajectoire
d'excellence pan-européenne voire mondiale...
Il se trouve, Monsieur le Ministre, que les Services de l'Immigration professionnelle de votre Ministère viennent
entraver de façon extrêmement préjudiciable les
ambitions exposées ci-dessus. Sans doute s'agit-il d'une
nouvelle "balle perdue" (comme le Président Sarkozy a décrit le rabotage du
statut JEI en 2010) reçue par les acteurs du numérique...
Permettez-moi de penser qu'il vaudrait mieux retirer à vos
services leurs armes (fussent-elles des Tasers !) s'ils continuent à
ignorer la réalité du marché de l'emploi
de l'un des secteurs les plus dynamiques de notre cher
pays !
Mais quelle est donc la raison précise de mon
courroux ?
Il s'agit de la situation de Greg Beuthin,
citoyen américain et salarié de l'une de nos sociétés
nommée CommerceGuys. Greg est l'un de ces fameux
"dinosaures" et il est le responsable "Training &
Support" de l'éditeur de logiciel qu'est CommerceGuys.
Il était auparavant salarié de la société AF83
dans laquelle a été "incubé" le projet CommerceGuys et
il y disposait d'un visa de travail en bonne et dûe
forme. Lorsqu'en 2010, Greg a basculé d'AF83 à
CommerceGuys, la préfecture a confirmé oralement aux
dirigeants de la société que l'autorisation de travail
de Greg était bien évidemment toujours valide (puisqu'il
s'agissait d'un simple cas de "spin-off")...
Depuis la société a pris son envol, elle compte à
ce jour 22 salariés en France (contre moins de dix fin
2010 lorsque notre fonds y a investi, soit plus de 100%
de croissance de son effectif en seulement un an), son effectif devrait encore doubler en 2012, son
logiciel est utilisé par plus de 10.000 sites de
e-commerce aux quatre coins de la planète et Greg et son
équipe doivent former et supporter des dizaines de
partenaires à travers le monde... mais... il y a un
"mais" !
Fin 2011, les
services de la Main d’œuvre étrangère de la DIRECCTE de
Paris notifient à Greg le fait qu'il n'est pas autorisé
à travailler en France et les services de la Préfecture
de Police qu'il doit quitter le pays. Des recours sont
formés contre ces décisions dont un auprès de vos
services. Après des interactions infructueuses, le
Bureau de l'Immigration Professionnelle de votre Ministère (Référence du dossier: FA/R201111692/N°698) a
confirmé à l'avocat de Greg que son recours
administratif était rejeté car CommerceGuys ne savait
pas justifier "d'une offre d'emploi antérieurement diffusée
et demeurée infructueuse"...
Greg ayant basculé d'AF83 dans un "spin-off",
aucune offre d'emploi n'a évidemment été déposée !
L'aurait-elle été, quel "dinosaure" aurait bien pu être
être recruté pour être le responsable de la formation et
du support sur un produit logiciel dont la version 1
n'était pas encore disponible et dont Greg est l'un des
contributeurs historiques ?
Un vrai cauchemar ! Une vraie incompréhension ! Un
vrai non-sens !
Il se trouve que CommerceGuys est financée par
des investisseurs français et européens (les Français
Alven Capital et ISAI et le Finlandais Open Ocean viennent d'y investir
près de 4 millions d'euros). Il se trouve
aussi que CommerceGuys a une filiale aux USA et que son
business est mondial.
La seule solution pour
l'administrateur de la société que je suis est donc de
voter, lors d'un prochain conseil, la "délocalisation"
de Greg et de son équipe aux Etats-Unis et ... sans
doute, quelques "boards" plus tard, le transfert du
siège social de France vers les États-Unis puisque le
département "training & support" se trouve
classiquement au
"headquarter" d'un éditeur de logiciel !
Je pense que vous reconnaîtrez que ce serait
ballot (pour dire le moins...) !
Vous avouerez également que
les ambitions sur la "ré-industrialisation" de la France
ne sont pas très compatibles avec l'histoire que je vous
narre ici !
Délocaliser l'industrie du web et du
logiciel ne fait sûrement pas partie du programme du
gouvernement auquel vous appartenez et du candidat à la
Présidence de la République que vous soutenez...
Monsieur le Ministre, dans les secteurs à forte
demande comme celui du numérique, les personnels
expérimentés et leurs employeurs ne peuvent pas être les
victimes de "balles perdues". La France n'a vraiment pas
besoin de cela... Et ce, quelle que soit la citoyenneté de
ces "dinosaures" dont notre industrie à tant besoin...
Aussi, Monsieur le Ministre, je sollicite votre
intervention bienveillante et décisive pour régler le
cas de Monsieur Greg Beuthin, responsable "Training
& Support" chez CommerceGuys SAS à Paris 2°.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, à l'expression de mes salutations les plus respectueuses.
Jean-David Chamboredon
Président-Exécutif
ISAI Gestion SAS