Rapport CNIL 2015 : forte augmentation de l’activité

Les citoyens souhaitent de plus en plus reprendre en main leurs droits à la protection de leurs données personnelles. Telle est la leçon principale que l’on peut tirer du rapport de la CNIL pour l’année 2015, année qui a vu une forte augmentation de l’activité de cet organisme.

L’année écoulée a vu les plaintes des particuliers bondir à 7908, soit 2000 de plus qu’en 2014. Si cette hausse traduit une réelle prise de conscience des personnes de l’enjeu de la protection de leurs données, elle illustre également une confiance accrue dans le rôle et l’efficacité de la CNIL, ce dont il faut se réjouir.

La CNIL distingue cinq types de plaintes. Les plus nombreuses sont relatives à l’utilisation d’Internet et des réseaux téléphoniques (36% des plaintes). Il s’agit essentiellement de l’opposition à la diffusion de données personnelles sur un annuaire, un site marchand, un site de rencontres, un réseau social, un blog, etc. ; une telle diffusion portant atteinte à la réputation des personnes concernées, leur rendant, par exemple, la recherche d’un emploi plus difficile. Un arrêt récent montre que ces atteintes sont prises très au sérieux par les magistrats. La Cour d’appel de Paris a alourdi les peines prononcées par le Tribunal correctionnel qui avait condamné à une peine de prison ferme une jeune femme éconduite qui s’était vengée sur internet de l’amant qui l’avait quittée. Dans son arrêt du 13 avril 2016, la Cour qui a confirmé le jugement de première instance a, en effet, aggravé la sanction de la prévenue en transformant la peine d’origine de deux ans d’emprisonnement avec sursis, en une peine d’un an de prison avec sursis et un an d’emprisonnement ferme. Même si les faits de l’espèce montraient une obstination peu banale de la prévenue à vouloir à tout prix faire du tort à son ex-amant, il n’empêche que cette décision montre que la e-réputation est entrée dans les mœurs judiciaires.

Autre sujet de plaintes : les actions commerciales ou marketing (26%), la non-radiation de fichiers publicitaires, malgré les demandes expresses des personnes concernées, la conservation de leurs coordonnées bancaires sans accord préalable, le non-respect de leur opposition à recevoir des courriels publicitaires, sont les sujet de plaintes les plus fréquents. Les trois autre sujets de plaintes concernent les ressources humaines (16%), les banques et le crédit (10%), ou encore les libertés publiques (5%).

Mais de nouvelles tendances se font jour lorsqu’on analyse les plaintes reçues par la CNIL. Ce sont celles relatives à la géolocalisation des salariés non plus via leur véhicule, mais via des bracelets connectés ou leur smartphone. De même, les nouvelles techniques de vidéosurveillance des salariés via une application sur leur smartphone ou une webcam génèrent de nombreuses plaintes. Il y a fort à parier que le développement très important des objets connectés va alimenter cette tendance.

Un autre sujet majeur est le droit au référencement. En 2015, la CNIL a reçu près de 450 plaintes de personnes physiques qui se sont vu opposer un refus à une demande de déréférencement. Les interventions de la CNIL auprès des moteurs de recherche ont été suivies d’effet dans 76% des cas.

L’action répressive de la CNIL est également en hausse, grâce, notamment, aux contrôles en ligne. L’objectif n’est pas d’aller jusqu’au bout du processus de sanction mais de permettre à l’occasion d’un contrôle par exemple, de signaler la non-conformité et ainsi amener le contrevenant à rectifier ses procédures ; c’est ce qu’on observe dans l’immense majorité des cas. Il reste que la CNIL a délivré 93 mises en demeure en 2015 (cookies : 40 ; sites de rencontre: 8 ; services dématérialisés d’actes d’état civil : 20) et prononcé 10 sanctions dont 3 pécuniaires. Il est permis de s’interroger sur le chiffre des sanctions réelles qui est très faible, par rapport aux atteintes qui, elles, sont certainement exponentielles. S’agit-il d’une réticence des personnes à déposer une réclamation ou une plainte, d’un manque de moyens de la CNIL en matière de contrôle, de la lourdeur et donc de la lenteur du processus de sanction ? Probablement tous ces facteurs contribuent-ils à expliquer la faiblesse du nombre des sanctions. Il serait souhaitable que la CNIL puisse anticiper l’augmentation future prévisible, certainement considérable, des sollicitations des particuliers : plaintes ou autres, en se dotant des moyens à la hauteur des enjeux. Il serait fâcheux que la CNIL dont la Présidente vient d’être réélue à la présidence du G29 ne montre pas l’exemple.