Face au rouleau compresseur Amazon, pas de survie sans innovations dans la grande distribution

Concurrencés par de nouveaux entrants agressifs, les acteurs français de la grande distribution innovent à tout va pour conserver leurs parts de marché. Si le groupe Casino semble avoir un temps d’avance dans le phygital, E.Leclerc et Carrefour lui emboîtent le pas.

Innover. Face au rouleau compresseur Amazon, les enseignes françaises de la grande distribution se doivent de redoubler d’efforts, afin d’apporter à leurs clients ce petit plus, qui leur donnera envie de fréquenter leurs magasins. Livraisons à domicile, restauration sur place, ouverture 24 heures sur 24, big data, digitalisation... Dans un contexte concurrentiel plus agressif que jamais, il n’y pas une, mais autant de solutions que d’enseignes et de marchés. Objectif affiché : être toujours plus près du consommateur. 

Déluge d’innovations dans la grande distribution 

Menacé de tous bords, le secteur français de la grande distribution doit innover pour rester compétitif face aux nouveaux entrants — comme Amazon, qui envahit progressivement tous les segments, de la culture au textile, en passant par l’ameublement et l’alimentation. Les enseignes traditionnelles développent ainsi leur présence sur Internet. Elles veulent supprimer, comme Auchan, le passage en caisse grâce à une application mobile, ou elles testent, comme Leroy Merlin, un robot autonome capable de détecter les anomalies en rayons. 

C’est à Paris que les acteurs du secteur rivalisent d’initiatives. La capitale française, chasse presque exclusive de deux géants de la distribution, Carrefour (Carrefour City, Express, etc.) et Casino (Casino, Franprix, Monoprix), est le théâtre d’une lutte féroce sur le marché porteur de la livraison. "L’arrivée du numérique et des standards de consommation imposés par Amazon ont changé les attentes des consommateurs  parisiens", estime Yves Marin, directeur du cabinet Wavestone. 

Pour satisfaire les attentes de citadins pressés, la livraison express est devenue un argument de poids. Carrefour promet ainsi de livrer ses clients en moins d’une heure. De son côté, Leclerc lance aussi son service de livraison à domicile et prévoit même des drive piétons en 2020 à Paris, qui permettront aux clients ne disposant pas de voiture de récupérer leurs courses commandées en ligne dans un magasin situé en centre-ville. C’est la logique de la marchandise qui vient le plus près possible du client.

Les réseaux physiques ne sont pas oubliés : pour concurrencer les célèbres Monop  Daily, Carrefour a lancé, en 2015, Bon App, une enseigne dédiée au grignotage. Du côté de Franprix, on propose des espaces pour manger avec des micro-ondes à disposition. Et l’enseigne a récemment annoncé l’ouverture d’un de ses magasins parisiens 24 h/24, grâce aux caisses automatiques, qui prendront le relais à partir de 21 heures.

Casino en pointe sur le phygital 

Si toutes les enseignes ont bien compris qu’elles devaient innover pour survivre, toutes ne jouent pas sur le même tableau. En annonçant un accord avec l’américain Amazon, c’est sans doute le groupe Casino qui remporte la palme de la disruption. Les produits de l’enseigne haut de gamme Monoprix seront disponibles pour les clients de Prime Now, le service de livraison rapide d’Amazon. "Grâce à cet accord unique (…), le groupe Casino renforce sa stratégie de distribution omnicanal", s’est félicité Jean-Charles Naouri, le directeur général du groupe. Une annonce saluée, dès le lendemain, par la progression de 4 % du titre en bourse

Avec Prime Now, Monoprix (5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2017, 3 millions de livraisons par an dans plus de 150 villes, 300 magasins en France) enrichit l’offre de livraison de Casino. En effet, l’enseigne, avec Shop1h , livre déjà ses clients à pied en moins d’une heure. Et en 2017, Casino s’est rapproché de l’anglais Ocado afin de construire un entrepôt capable de livrer ses produits sous 24 heures. Une offre complémentaire de celle d’Amazon, qui proposera une livraison express le jour même. 

Si Casino est, depuis longtemps, en pointe sur le phygital, ses concurrents ne sont pas en reste. Carrefour aannoncé, en janvier dernier, investir quelque 2,8 milliards d’euros dans l’e-commerceau cours des cinq prochaines années, soit six fois l’investissement actuel. De son côté, E.Leclerc lance la première édition des Trophées de l’Innovation, mettant à l’honneur les idées nouvelles et utiles : 12 finalistes présenteront leur projet en septembre, et les lauréats recevront une bourse de 30 000 euros pour développer ou tester leur projet. 

Pour innover toujours plus, les grands groupes se rapprochent aussi des start-up. C’est le cas du promoteur Unibail-Rodamco, qui a choisi la jeune pousse Phenix pour l’aider à réduire son empreinte carbone de 50 % à l’horizon 2030 et lutter contre le gaspillage alimentaire. "Les solutions n’existaient pas en interne, seules les start-up, qui ont une capacité d’agilité et d’innovation bien plus grande que nous, pouvaient nous aider", explique-t-on chez le groupe. Leclerc s’est, quant à lui, rapproché de l’incubateur de la ville de Paris, Paris & Co, afin de repérer la start-up La Cagnotte des champs, promouvant des modes de production responsables à travers des financements innovants.

Selon une étude réalisée par LSA pour Henkel, 53 % des professionnels de la distribution pensent que l’innovation s’est accrue en 2017. Et pour 88 % d’entre eux, les innovations de rupture sont toujours possibles, particulièrement en matière de développement durable (28 %), de services (18 %) ou de technologie (16 %). Autant d’innovations qui doivent, toujours selon les professionnels du secteur, répondre à un vrai besoin (61 %). Innover ou disparaître : les enseignes de la grande distribution française ont choisi leur camp.