Après le RGPD, comment l’e-Privacy va-t-il redistribuer les cartes du marketing digital ?

Un nouveau règlement, l’e-Privacy, se profile, et avec lui la nécessité pour tout un secteur de se repositionner. Pour les acteurs du marketing digital, le bouleversement risque d’être bien plus important tant il touche le cœur des business models actuels. Sa cible : la fin de la suprématie du cookie, au profit des univers logués.

A peine le RGPD vient-il de rentrer en vigueur que déjà un nouveau règlement, l’e-Privacy, se profile, et avec lui la nécessité pour tout un secteur de se repositionner. Pour les acteurs du marketing digital, le bouleversement risque d’être bien plus important tant il touche le cœur des business models actuels. Sa cible : la fin de la suprématie du cookie, au profit des univers logués.

Voté récemment au Parlement européen, ce règlement doit encore passer sous les fourches caudines des Etats-Membres avec une potentielle application en 2019. Il vise à assurer une plus forte protection des données électroniques personnelles. Le texte, non encore définitif, prévoit de redéfinir sous une acception plus rigide, la notion de consentement. Jusqu’à présent, l’internaute est soumis à la visualisation d’un bandeau lui expliquant l’utilité des cookies lors de chacune de ses visites sur les sites internet, sans possibilité de refuser d’être tracké, à moins de posséder un adblocker. Depuis le 25 mai et l’entrée en vigueur du RGPD, l’internaute peut modifier ses préférences de tracking au niveau site. Demain, si le projet de règlement reste en l’état, ce dernier pourra cette fois-ci décider au niveau de son navigateur d’accepter ou non les cookies. Précisons qu’a priori, il sera opt-out par défaut et devra donc de manière pro-active accepter d’être tracké dans sa navigation. De quoi déjà donner des sueurs froides à un certain nombre d’acteurs du marché puisque suivant les scénarii, nous pouvons anticiper une baisse drastique du reach cookie internaute, et donc des revenus publicitaires.

e-Privacy : la mort du cookie ?

Dans le cadre des activités de Waisso, nous rencontrons beaucoup d’annonceurs qui n’ont pas pris la pleine mesure des enjeux du e-Privacy. Côté éditeurs et technologies à l’inverse, le sujet est pris très au sérieux. Résultat, nous assistons aujourd’hui à un véritable bras de fer au niveau européen, entre d’un côté un conglomérat d’acteurs types groupes de presse, télécoms, technologies marketing et d’un autre les collectifs citoyens et les… GAFA. Les premiers défendent l’intérêt stratégique de continuer à collecter par défaut le cookie permettant ainsi d’ultra-personnaliser l’expérience utilisateur, quand les seconds plaident pour une protection plus forte de l’anonymat des internautes. Au centre, les GAFA soutiennent cette seconde approche, puisque leur écosystème repose sur un identifiant unique et non sur le cookie. Quand on sait qu’aujourd’hui, Google et Facebook concentrent déjà 75% du revenu publicitaire investi sur la partie digitale, on comprend mieux pourquoi des acteurs comme Critéo ou autres craignent que ce type de règlement ne renforce ce duopole.

Facebook, Google, Amazon : le triumvirat gagnant 

Si le règlement est voté et entériné en l’état, il est à parier que le modèle Walled-Garden sorte donc grand gagnant de cette reconfiguration réglementaire. Des plateformes comme Google, Facebook ou Amazon ne seront que peu impactées par ce règlement, pouvant continuer à cibler les internautes grâce à leur identifiant unique, qui de surcroît, contrairement aux cookies permet à date la fameuse réconciliation cross-device. Ainsi, après une époque d’éclatement des leviers activés par les directions marketing, il ne sera pas étonnant d’assister à l’inverse à un mouvement de consolidation du mix-marketing autour de ces acteurs et des technologies qui utilisent l’approche contextuelle (sémantique…). C’est dans cette dynamique que depuis quelques mois, Amazon et Cdiscount accélèrent la construction d’un écosystème fermé de diffusion de campagnes publicitaires.

Vers quel écosystème publicitaire ?

Empiriquement, en fonction de l’audience que l’annonceur voudra travailler, un panorama resserré d’acteurs semble potentiellement se dessiner.

-          Audience affinitaire : Affiliation – Native Ads – Social Ads

-          Audience intentionniste intérêt : SEA

-          Audience intentionniste achat : Plateformes de e-commerce

Reste à savoir si concentrer l’essentiel de sa stratégie d’acquisition digitale sur quelques acteurs déjà ultra-dominants est efficace sur le plan marketing et commercial. Quid de la concurrence forcément accrue sur ces plateformes ? Quid d’un potentiel rôle monopolistique de ces acteurs ? Quid de la souveraineté numérique ?

Pour contrecarrer cette tendance, certains éditeurs ont pris le sujet à bras le corps en s’unissant au sein de places de marché datas mutualisées comme Media Square (alliance d’Audience Square et La Place Media) ou l’alliance Gravity. Le double enjeu ici est de fournir un reach conséquent d’internautes et de construire des segments d’audience granulaires. Reste qu’aujourd’hui, certaines marques sont encore réticentes à partager leur inventaire premium. L’arrivée prochaine de la e-Privacy pourrait bien changer la donne… A moins que l’attitude pas toujours coopérative de Google ne presse ce moment comme l’illustre la récente baisse drastique des investissements de leur DSP Doubleclick Bid Manager auprès des SSP qui utilisaient après le 25 mai de la donnée tierce.