Le New Retail représente-t-il une menace existentielle ?

L'évolution des modes de vie des individus, à la fois dans la société et dans l'univers de la consommation, invite les retailers traditionnels à repenser leur modèle économique pour répondre aux nouvelles exigences des consommateurs.

Les géants de la tech comme Amazon ou Alibaba prennent les devants en repensant complètement l'acte d'achat. Ces nouvelles manières de consommer constituent-elles une menace pour les acteurs traditionnels ? Quelles solutions s'offrent à eux ? 

Vous arrivez chez vous après une longue journée de travail, fatigué, vous réfléchissez à ce que vous allez préparer pour le dîner : cuisiner à partir de ce que vous avez déjà dans votre réfrigérateur, vous faire livrer un plat cuisiné du jour traditionnel, végétarien ou 100% bio, ou pourquoi pas piocher dans votre panier repas à cuisiner, livré à la semaine, avec ses ingrédients et ses fiches recettes pour préparer vos plats vous-mêmes ?

Les choix qui s’offrent aux consommateurs sont multiples. Il existe actuellement 472 startups issues de la Food Tech rien qu’à l’échelle de la France.  

Un renouvellement du retail initié par les géants Amazon et Alibaba

La prolifération de ces nouvelles offres plus personnalisées, plus servicielles ou encore plus engagées sont révélatrices de la nouvelle façon de consommer des personnes toujours plus mobiles et connectées. Depuis quelques années, le consommateur souhaite davantage de digitalisation au quotidien, dans sa vie personnelle comme professionnelle. Dans ce contexte, les réseaux sociaux, les loisirs, les voyages, les sorties, les repas pris à l'extérieur ou à emporter, les services de livraison et les nouvelles technologies représentent une nouvelle façon d’utiliser son temps et son argent avec une influence directe sur l’interaction en magasin.

Cette tendance pousse les retailers traditionnels à repenser leur modèle économique pour répondre aux nouveaux modes de vie et désirs des consommateurs. Certains acteurs, comme Amazon, ont pris les devants en repensant complètement l’acte d’achat dans les commerces alimentaires. Avec la mise en place d’Amazon Go aux Etats-Unis par exemple : fini les files d’attentes à la caisse, les technologies wireless déployées dans le magasin détectent quand les produits sont retirés des rayons ou bien remis en place. L’Intelligence Artificielle pour la reconnaissance faciale permet de suivre le client dans son parcours. Une fois ses emplettes terminées, le client n’a plus qu’à s’avancer vers la sortie du magasin pour terminer le process d’achat : validation automatique du panier, règlement de la transaction, accusé de réception dématérialisé via l’application Amazon. L’entreprise connait par ailleurs une croissance fulgurante :  elle est passée du numéro 157 en 2001 au numéro 6 du Top 10 des retailers mondiaux[1].

En France, les retailers traditionnels sont nombreux à calquer leur stratégie sur ce « Goliath du retail », c’est le cas de Monoprix avec le lancement le mois dernier de Smart’Monop, qui repose également sur l’encaissement mobile et permet un paiement en 6 secondes chrono. De plus, ils ont signé un partenariat avec Amazon pour bénéficier de leur service de livraison Prime. De son côté, Carrefour investit considérablement dans un système logistique amélioré pour garantir à ses clients qu’ils seront livrés dans le délai annoncé. Mais Amazon n’est pas le seul géant numérique qui sert d’exemple aux acteurs du retail. Il y a aussi le chinois Alibaba, considéré aujourd’hui comme le plus important site de vente en ligne au monde.

En 2016, Jack Ma, son fondateur , a développé ce qu’il appelle le New Retail : cette stratégie a pour objectif d’éliminer toute frontière entre commerce en ligne et hors ligne, en proposant une expérience d’achat unifiée avec le client comme acteur central. Le groupe tire parti des données et des nouvelles technologies pour réinventer le commerce. Avec cette nouvelle stratégie, les magasins Hema Fresh par exemple, sont non seulement des supermarchés connectés mais font également office d’entrepôt et de centre logistique pour permettre aux acheteurs habitants à moins de 3 kilomètres de se faire livrer à leur domicile en 30 minutes.

La nécessité d’une agilité technologique pour les retailers

Pour les retailers, la capacité à se réinventer devient essentielle pour conserver leur place sur le marché. A ce sujet, la France est le pays qui semble le mieux positionné en comparaison avec ses voisins européens : selon une étude PwC, 85% des enseignes françaises déclarent générer des revenus sur plusieurs canaux, le résultat le plus élevé d’Europe, tandis que la moyenne européenne s’établit à 71%. L’étude révèle également que la proportion des Français qui effectue au moins un achat par semaine en ligne progresse très rapidement avec un tiers des consommateurs français concernés en 2017, soit 7% de plus qu’en 2016. Sans grande surprise, les entreprises asiatiques sont les plus à la pointe avec 93% des consommateurs chinois qui déclarent réaliser des achats sur mobile boostés par les pureplayers mobile, comme WeChat par exemple[2].

Pour réussir leur digitalisation, les entreprises ont besoin d’une agilité commerciale mais surtout technologique. Les retailers doivent être en mesure de connecter leurs systèmes, casser les silos, gérer un stock unique virtuel, connaître leurs clients quel que soit le canal ou l’enseigne, proposer de nouveaux services et expériences… Pour ne citer que quelques challenges. Pour réussir cette transformation, les entreprises ont besoin de gagner en agilité et en rapidité d’innovation.

Cela est aujourd’hui, possible en combinant des technologies et de nouvelles façons de travailler. A titre d’exemples, les méthodes agiles et le devops permettent de gagner en efficacité et en qualité de services pour les équipes de R&D. La mise en place d’API permet de simplifier l’interconnexion de l’ensemble des écosystèmes. L’Intelligence artificielle permet de mieux comprendre et anticiper les besoins des clients. L’Internet des Objets permet de passer d’un mode vente de produits à un mode vente de nouveaux services.

Mais une chose est certaine : changer les systèmes centraux des entreprises prendra du temps. Actuellement, les entreprises entreprennent des projets de transformation digitale et réalisent des investissements technologiques autour d'initiatives spécifiques. Mais il est indispensable que ces dernières se concentrent principalement sur une évolution de manière continue et orchestrée.

[1] « Global Powers of Retailing 2018. Transformative change, reinvigorated commerce » Deloitte