Quelles blockchains pour l’industrie du luxe ?

LVMH, Kering, De Beers, les maisons de luxe sont convaincues du potentiel de la blockchain pour sécuriser la traçabilité dans la supply chain et lutter contre la fraude. Toutefois, la transparence structurelle des réseaux blockchain est un frein à leur diffusion.

37 % des Français ont déjà fait l’acquisition d’une contrefaçon, sans l’avoir su au moment de l’achat, selon un sondage Ifop réalisé en 2018 pour l’Unifab. Un fléau qui ne cesse de prendre de l’ampleur, sous l’effet de l’explosion des ventes en ligne et de seconde main. Si les marketplaces Amazon, Alibaba, Poshmark ou encore eBay se responsabilisent et engagent de plus en plus de moyens technologiques et financiers, le phénomène est loin d’être enrayé. Aujourd’hui, Internet est le deuxième canal d’achat de contrefaçons.

Parce qu’elle est la première concernée, l’industrie du luxe est l’une des plus actives dans la bataille contre le marché gris, la contrefaçon et la fraude. Elle innove rapidement, à la recherche d’outils avancés pour distinguer le vrai du faux et authentifier les produits.

Blockchain : promesse d’une traçabilité infaillible dans la supply chain

Pour l’univers du luxe, les pertes de chiffres d’affaires sont conséquentes : la contrefaçon représente ainsi un manque à gagner de 83 milliards de dollars par an à l’échelle mondiale.

Au-delà de l’aspect financier, la réputation des marques de luxe, dont l’image repose sur le prestige, la qualité et l’exclusivité, s’en trouve dégradée. Par ailleurs, les comportements de consommation évoluent. Les clientes et clients sont désormais sensibles à l’éthique des entreprises : provenance des matériaux, composition des produits, impact environnemental et conditions de fabrication intègrent les décisions d’achat. Pour l’industrie du luxe, c’est donc la confiance des consommateurs et consommatrices qui est en jeu.

La blockchain est-elle l’avenir de la supply chain dans le luxe ? Christine Goulay, sustainable sourcing specialist chez Kering en est convaincue : selon elle, "la blockchain transformera (...) définitivement le monde de la mode en même temps que les autres secteurs. Elle permettra notamment d’aider à gérer les enjeux de traçabilité et de transparence qui sont au centre des débats actuels."

La technologie blockchain présente de nombreux avantages pour répondre aux défis que rencontre le monde du luxe. Par son rôle de certification, elle enregistre les produits dans un registre horodaté et infalsifiable, garantissant ainsi leur authenticité à chaque étape industrielle, même s’ils changent plusieurs fois de propriétaires. Les membres d’un même écosystème peuvent ainsi facilement vérifier la provenance des biens et s’assurer que leurs partenaires respectent la réglementation et les accords conclus.

Concilier sécurité et collaboration : le défi des solutions blockchain

Mais cette transparence est aussi un frein à la diffusion de la blockchain.

Bien que conscients des opportunités offertes par la blockchain, certains acteurs peuvent souhaiter garder leurs détails de transaction confidentiels et non accessibles à leurs partenaires ou concurrents. Cela pour des raisons évidentes, qu’elles soient d’ordre business ou réglementaire.

Ce blocage peut être levé, en basculant d’une blockchain d’information à une blockchain de preuves cryptographiques. Préserver la confidentialité sur des réseaux ouverts : c’est ce paradoxe apparent qui peut être résolu par les solutions qui exploitent le Zero-Knowledge Proofs (ZKP), en français "preuve à divulgation nulle de connaissance". En bref : cette technologie permet à un acteur de prouver la véracité d’une information sans dévoiler les données sous-jacentes. Appliquée à la supply chain, elle rend possible la collaboration entre des participants qui partagent la volonté de lutter contre les vols et la fraude, mais qui souhaitent dans le même temps absolument préserver la confidentialité de leurs données de transaction.

Au final, la cryptographie ZKP crée les conditions d’une blockchain responsable, où la confidentialité ne se fait pas au détriment des plus petits (fournisseurs, transporteurs) et au bénéfice exclusif des grandes marques.

Cette solution est déjà implémentée. En partenariat avec la société G-View, qui a développé un système de reconnaissance digitale des diamants baptisé Nicanor, QEDIT accompagne ainsi un grand nom de la bijouterie de luxe sur ses enjeux de traçabilité et de sécurisation de sa supply chain.

La blockchain peut apporter des réponses durables et efficaces aux problématiques de fraude, de marché gris et de contrefaçon. Toutefois, cette révolution ne pourra pas se faire au prix de la souveraineté des acteurs sur leurs données sensibles. Une solution de confidentialité avancée existe et peut accélérer la confiance entre compétiteurs. La seule blockchain qui vaille, dans l’univers du luxe, est une blockchain responsable.

Tribune co-écrite par Jonathan Rouach et Ruben Arnold, cofondateurs de QEDIT.