Innovations digitales et usages pour les Africains - Le cas Orange

Les applications digitales sont un élément de plus en plus structurant des offres télécoms notamment en Afrique. Le cas d'étude de l'opérateur Orange illustre cette évolution marquée.

« Les applications, ces innovations qui changent la vie », titrait un des articles du numéro hors-série du printemps 2013 de Courrier International sur l’Afrique 3.0 donnant quelques exemples des innovations mobiles changeant les usages des Africains.
Les télécoms mobiles en Afrique, et plus largement l’ensemble des services liés à Internet, sont entrés dans une nouvelle ère. Si la période 1997-2012 a été consacrée par le succès, inattendu, de la téléphonie mobile grand public sur les services voix ou SMS, la prochaine décennie sera celle notamment des applications. Une fois encore dans les télécoms, l’Afrique est aussi un véritable laboratoire d’innovation souvent plus foisonnant que la vision européenne. Les applications originales ne sont pas uniquement le fait des offres Android, comme on le pense souvent, mais au contraire elles ont un champ beaucoup plus large. Orange présente un excellent cas d’école.
D’une part sa présence géographique est, avec celle de MTN, la plus large du continent avec plus de 20 pays de présence, d’autre part le groupe a une vraie logique d’innovation au niveau local avec ses technocentres à Abidjan et Amman ainsi que ses Orange Labs au Caire et à Tunis.

Faisons un tour d’horizon des différentes catégories d’applications et services à valeur ajoutée innovants

Le premier domaine est celui des « applications Cœur de voix ». Le mot « cœur » est à prendre au sens de « cœur de métier », nous sommes ici dans les SVA classiques qui sont là pour améliorer l’usage du service télécom de base : la voix. Le carnet d’adresses ou la voicemail s’inscrivent dans ce domaine. 3 grandes familles d’application sont associées à ces applications.
Les « applications voix » améliorent l’usage de la fonction voix en facilitant l’accès d’un point de vue pratique ou tarifaire. Orange a su développer des services tenant compte des spécificités africaines. Présent dans des pays où l’illettrisme est encore un fléau, des services de type Voice SMS offre des solutions à accès vocal pour les personnes illettrées. Dans un univers où le prépayé domine largement, les offres tarifaires simplifiées sont aussi de vrais services tel Pay For Me, la version mobile africaine du PCV, ou bien l’Emergency Credit, qui permet de joindre quelqu’un même en cas de dépassement de son solde, sorte de crédit à la consommation, offre qui a séduit plus de 12 millions d’Africains dans 13 pays (7 nouveaux en 2013).
Les « applications de joignabilité » sont aussi des services à valeur ajouté historiques comme la voicemail l’illustre en Europe mais avec un succès moindre d’usage en Afrique. Dans des pays où plus de 40 % de la population est en multi-SIM, la sauvegarde du répertoire prend alors une autre dimension et constitue un vrai service à succès au Cameroun, Niger, Guinée-Conakry, Guinée-Biseau et Ouganda. En réciproque, dans les pays où les annuaires existent peu voire pas du tout, Orange a développé son Annuaire Mobile, sur la base de la technologie USSD (unstructured supplimentary service data – système d’échange de données sur un réseau GSM classique) accompagné de la fonction « click to call ». Plus de 40.000 professionnels sont déjà inscrits sur cet annuaire.
La troisième catégorie est celle des « applications de fidélisation », il s’agit des services qui, tout en récompensant la fidélité, génèrent un revenu incrémental pour l’opérateur. A ce stade, il s’agit du domaine où les opérateurs télécoms ont encore le plus à progresser en Afrique. Le modèle économique du prépayé n’aide guère à ce genre d’applications qui se limite encore souvent a du Yield Management. Orange propose notamment Bonus Zone, qui propose des tarifs avantageux en fonction de la charge du réseau dans un quartier donnée. Les offres de porte-monnaie, dont bien sur Orange Money, sont peut-être le meilleur exemple à ce jour. Offre transactionnelle par excellence, Orange Money, déployée dans 13 pays et avec 6 millions de clients est sans conteste un exemple de service à valeur ajoutée, générateur de revenu pour l’opérateur tout en étant fidélisateur. Permettant, selon les pays, transfert peer to peer, paiement de factures, réception de salaire ou transfert d’argent international, il rend les clients moins volatiles.
Le second domaine des applications est celui auquel il est fait aujourd’hui le plus échos : les « applications data ». Il s’agit de l’ensemble des services liés aux données transférées par les réseaux 3G notamment et s’appuyant sur les smartphones.

Trois familles composent ce domaine

Tout d’abord, les « applications Internet » sont celles qui regroupent les services associés à l’accès internet mobile. Les exemples les plus fréquents sont liés à l’e-mail et notamment les utilisations via SMS (envois et réception d’emails par SMS via messagerie unifiée). Par exemple, pour les e-mails, les solutions pushmails permettent de passer par un téléphone mobile pour gérer sa ou ses boites e-mails (service Popmail).
Deuxième, les « applications de contenu » peuvent être basiques et liés à l’usage téléphonique classique ou associé à l’Internet mobile comme l’illustre les offres d’Orange lié aux jeux, à la musique ou au football (la CAN notamment). Les applications de type Deezer, Football Fan Club s’inscrivent dans cette logique. Avec Orange Sélection, les possesseurs de Nokia ont accès à des applications pertinentes pour leurs différents usages qui peuvent être payé aussi en mode prépayé. La TV mobile est aussi un des services phare d’Orange disponible notamment en Tunisie, au Sénégal ou à l’Ile Maurice.
Enfin, les « applications communautaires » sont parmi les plus récents et liés au développement des réseaux sociaux. Dans les pays africains, Orange a adapté ses applications au contexte. Ainsi, les applications Facebook USSD/SMS ou Google Chat SMS permettent de contourner les limites liés aux écrans ou aux réseaux. C’est aussi un moyen de favoriser la démocratisation de l’accès à Internet.
Ces offres sont aujourd’hui proposées en Egypte, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau et au Mali.
A l’ère du 2.0, l’innovation ascendante est aussi un phénomène fort dans les télécoms. La capacité d’un opérateur à adapter ses offres à son environnement est aussi un exemple de sa maturité. C’est le cas typique d’Orange et moi. Orange et moi aide les clients à mieux comprendre et gérer tous les détails de leur compte où qu’ils se trouvent, directement depuis leur mobile, efficacement et simplement.
Ils peuvent suivre leur consommation, recharger leur crédit ou forfait, souscrire à des options, découvrir des offres spéciales, bénéficier de l’assistance mais aussi découvrir et accéder, en un clic, à toutes les applications ou services édités par Orange. Orange et moi est une application gratuite créée par Orange dans une logique de co-création, pour ses clients, avec ses clients. L’application est en cours de développement en Egypte, en Jordanie et au Maroc sur smartphone et tablette (Android, iPhone, Blackberry, Windows Phone). Déjà utilisée par plus de 7 millions de clients dans 5 pays en Europe, l’application sera disponible progressivement sur chaque plateforme dans tous ces nouveaux territoires, en s’adaptant au contexte et aux offres propres à chacun d’eux.

Le 3ème et dernier domaine est celui des « applications verticales » qui sont pour l’essentiel B2B, mais qui peuvent aussi toucher les consommateurs finaux. Les « applications sectorielles » sont celles dédiées à des usages métiers précis. Plusieurs exemples dans le domaine de la santé ou de l’agriculture illustrent ces approches. Par exemple, avec pocket agricultural feed, l’agriculteur dispose d’une place de marché sur son téléphone et peut ainsi négocier ses prix. Au Niger le service (appelé Labaroun Kassoua) permet l’accès à 70 marchés nigériens. Comme pour d’autres offres, tout ceci fonctionne sur un mobile low cost, via USSD ou SMS. Des offres liées au service public sont aussi dans ce domaine. Le service des déclarations de naissance par mobile dans les zones isolées, éloignés des bureaux d’états civils, est un exemple de réussite en termes d’applications innovantes dont le pilote en Casamance a été un succès. Les « SVA entreprises » sont enfin les SVA stricto sensu réservés à un usage entreprise tel que My Office, application disponible sur iPhone et Android en Ouganda, Côte d’Ivoire, Madagascar et Maroc.

De ce petit panorama des innovations, quels enseignements peut-on tirer ?

Tout d’abord, il confirme que l’Afrique est bien un terrain d’innovation et que les services à valeur ajoutée et applications y ont toute leur place. Les services gagnants sont bien sur ceux qui savent s’adapter au contexte socio-économique (flux financier, illettrisme, terminaux low cost) et au niveau technologique (notamment réseau et couverture). Notamment, le développement de l’internet mobile, ne passera pas par l’étape fixe/PC comme en Europe mais directement sur les mobiles et leurs applications.
Le second enseignement est que certaines zones des SVA classiques européens sont encore peu couvert. A titre illustratif l’ensemble des SVA transactionnels (ou B2B2C) hormis le mobile paiement, sont peu développés. Là encore l’environnement économique (faiblesse du marché publicitaire pour la m-advertising), technologique (typologie des terminaux) voire culturel (la géolocalisation) peut expliquer cela. Il indique cependant un vrai champ des possibles encore ouvert pour les opérateurs télécoms. Très clairement, des sujets comme le NFC ou le LTE sont des eldorados à venir en Afrique.
Le dernier enseignement est une confirmation : l’importance du local pour réaliser ces projets. Le fait qu’une grande partie des structures d’innovations d’Orange pour l’Afrique illustre ce phénomène.
Le développement des applications et des services de contenus va aussi nécessiter des développements locaux (logiciels, musique, contenu, TV, etc.) qui ne seront pas produits en Europe mais bien en Afrique. Une prochaine étape pour les opérateurs télécoms sera donc aussi de s’investir dans des projets d’incubation, par exemple, qui fleurissent actuellement en Afrique, et qui donnera un autre moyen de générer la prochaine vague d’innovation.

Arnauld Blondet, VP Amea Technocentre, Orange et Jean-Michel Huet, Directeur Associé, BearingPoint