IoT : les opérateurs se préparent aux promesses de l'eSim

IoT : les opérateurs se préparent aux promesses de l'eSim Les cartes SIM embarquées offrent d'importantes perspectives en matière d'objets connectés grands publics.

La GSMA, l'association qui représente près de 800 opérateurs et constructeurs de téléphonie mobile dans le monde, doit publier avant la fin de l'année les dernières versions de spécifications pour les eSIM destinées aux mobiles et tablettes, mais aussi aux objets connectés grand public. Ces cartes eSIM ou EUICC (le e de eSIM étant pour embedded, soit carte SIM embarquée) permettent aux utilisateurs de gérer eux-mêmes l'abonnement pour la connectivité de leurs devices et de bénéficier d'une maintenance à distance. "L'eSIM offre aux opérateurs plus d'espace disponible, une sécurité renforcée et une reprogrammabilité à distance. Elle représente une opportunité pour développer leurs offres, notamment dans la smart home", souligne Nicolas Chalvin, vice-président marketing pour les solutions eSIM chez le groupe électronique Thalès.

Plus de 2 milliards d'appareils devraient fonctionner avec une eSIM d'ici 2025

Orange et SFR ont d'ores et déjà lancé un forfait eSIM pour les montres connectées à leur réseau 4G. "L'eSIM facilitera le déploiement des montres connectées, des appareils domotiques et des objets de tracking car elle répond à des besoins de volumes importants dans le monde", détaille Bernardo Cabrera, directeur d'Objenious, la marque IoT de Bouygues Telecom. Les produits IoT pourront être commercialisés à l'international sans que les fabricants ne se soucient de la connectivité. Ces derniers devaient jusqu'à présent commander les cartes SIM d'opérateurs locaux en quantité suffisante, ce qui pouvait restreindre leur essor sur certains marchés. Plus de 2 milliards d'appareils devraient fonctionner avec une eSIM d'ici 2025, selon une étude de Counterpoint Research.

La mise en place des eSIM transforme néanmoins le modèle jusque-là établi. "Le choix de la connectivité est donné à l'utilisateur. Il faudra une intervention de sa part pour activer l'eSIM et télécharger les informations de son opérateur. Il lui sera plus facile de changer d'abonnement, les opérateurs devront rester compétitifs pour ne pas perdre de clients", déclare Philippe Lucas, SVP strategy, architecture & standardisation chez Orange.

Les opérateurs devront aussi doublement modifier leur gestion des cartes. D'une part, ils n'ont plus à se procurer le matériel : le coût d'achat bascule de l'acquisition des cartes SIM à un abonnement à leurs concepteurs, comme Thalès ou Idemia, pour l'administration des cartes virtuelles. "Les eSIM engendrent des économies d'un point de vue logistique, puisque nous n'avons plus à les envoyer aux clients", se réjouit Philippe Lucas. D'autre part, les opérateurs devront adapter leur système d'information. "L'eSim donne une place importante à la plateforme puisque c'est à partir de ce support que tout sera régi. Cela représente un bouleversement pour les opérateurs qui passent d'un produit physique à virtuel", note Bernardo Cabrera, directeur d'Objenious.

Autre particularité de la eSIM, un numéro unique est attribué à chaque objet, et un cryptage est effectué pour garantir la sécurité. "La eSIM est à la fois générique et standardisée mais individuelle pour chaque objet", met en avant Nicolas Chalvin, chez Thalès. Dans sa fabrication, la eSIM est conçue dans un format différent pour lui permettre d'être soudée dans un objet et intègre un logiciel de téléchargement des données des opérateurs. Sa mise à jour se fait par radio liaison.

Un usage M2M depuis 2013

"Il n'est pas possible d'avoir un usage et un parcours client grand public avec une eSIM M2M"

La technologie eSIM n'est cependant pas nouvelle dans la sphère de l'IoT. Elle est développée depuis décembre 2013 pour des usages machine to machine (M2M). "Les constructeurs automobiles ont été les premiers à tirer la demande pour la technologie, notamment pour le dispositif de service d'urgence eCall", rappelle Bernardo Cabrera, d'Objenious. En revanche, "il n'est pas possible d'avoir un usage et un parcours client grand public avec une eSIM M2M, met en garde Alexis Michel, SIM activities Manager chez l'opérateur Euro-Information Telecom. D'où l'élaboration de deux spécifications différentes." Avec une carte eSIM M2M, la configuration de l'opérateur se fait automatiquement par le réseau, alors que la eSIM pour le grand public laisse la main à l'utilisateur. Les parcours clients seront au final très différents.

Dans le BtoC, c'est l'annonce d'Apple en 2014 de commercialiser une tablette en eSIM qui a conduit les opérateurs à se saisir du sujet. "Pour éviter une fragmentation du marché, avec des offres différentes entre Samsung, Xiaomi et Apple par exemple, nous avons travaillé avec la GSMA à l'élaboration d'un standard qui garantisse l'interopérabilité entre les solutions", raconte Philippe Lucas. Un premier standard a été mis au point en six mois, en décembre 2015, et a permis à Orange de lancer des offres d'eSIM dans six pays. Depuis, les spécifications sont toujours en cours. "Le développement des eSIM a été freiné par les exigences des différents acteurs pour aboutir à une solution mondiale, mais son essor va représenter une vraie opportunité pour l'IoT car cela offrira une connectivité sans couture lors d'un changement d'opérateur", affirme Alexis Michel, chez l'opérateur Euro-Information Telecom, qui prévoit une commercialisation de ses cartes en 2020. Par exemple, un véhicule connecté sera doté de carte eSIM M2M pour l'eCall et de cartes grand public pour offrir aux passagers une connectivité vers des services comme Deezer.

Les acteurs doivent encore répondre à certaines problématiques : "Certains objets connectés n'ont pas la possibilité d'intégrer deux connectivités, ce qui bloque l'activation de la eSIM", confie Nicolas Chalvin, chez Thalès. Car pour activer un objet connecté doté d'une eSIM, les particuliers doivent disposer d'une première connectivité – Wifi ou Zigbee – pour télécharger les informations de leur opérateur. Pour pallier ce problème, Thalès a mis au point l'application Instent Connect. Le groupe développe par ailleurs une solution pour permettre d'utiliser le niveau de sécurité de l'eSIM afin de sécuriser dans le même temps le système des objets connectés dans laquelle elle est intégrée. "Nous pensions que 2019 aurait été l'année de la eSIM mais la priorité a plutôt été donné à la 5G, reconnaît Philippe Lucas. Ce sera en 2020 que le sujet prendra de l'importance." Les opérateurs pensent déjà à l'étape suivante et travaillent sur l'iSIM, une option qui permettra à la eSIM d'activer plusieurs profils opérateurs à la fois.