Et si votre voiture actuelle était déjà le véhicule connecté de demain ?

Dans un monde toujours plus connecté où les véhicules vont faire transiter de plus en plus de données, il est nécessaire de réfléchir à la manière dont ces mêmes véhicules vont être capables de faire remonter les informations. Or le parc automobile mondial est composé en majorité d'engins ne disposant pas cette capacité.

Quelle sorte de voiture utilisez-vous aujourd’hui ? Une Clio, une Prius, ou peut-être une Audi ? Peut-être faites vous partie de ces personnes qui aiment affubler leur véhicule d’un petit nom - Titine par exemple ? Que vous trouviez l’idée ridicule ou pas, une enquête menée en 2018 par la UK’s Driver Vehicle Licensing Agency montre que près de 30% des possesseurs de voitures leur ont donné un nom. Il est possible que les Anglais aient plus tendance à le faire que les Français ou les Allemands mais cela montre bien que certaines personnes sont prêtes à traiter leur véhicule comme un gros animal de compagnie mécanique, le faisant ainsi rentrer de fait dans le cercle familial.

L’attachement émotionnel n’est évidemment pas la seule raison pour laquelle les gens gardent leur voiture aussi longtemps que possible. L’achat d’un nouveau véhicule n’est en effet pas anodin, qu’il s’agisse de trouver le bon modèle, ou de trouver le financement qui permettra de s’offrir le bolide de ses rêves. Et même quand le temps est enfin venu de remplacer Titine par un modèle plus récent, de nombreux individus se dirigeront en premier lieu vers le marché de l’occasion. En France, en 2019, 2.21 millions de voitures neuves ont été immatriculées, alors que 5.8 millions d’entre elles changeaient de main, soit un rapport de 2.61 voitures d’occasion vendues pour une neuve. Cela a également une incidence sur l’âge moyen du parc automobile qui augmente au fur et à mesure (10.6 ans en 2020 contre 9 ans en 2017 et 8.3 en 2014 – Source CCFA).

Ces chiffres peuvent sembler surprenants, d’autant plus que les constructeurs automobiles du monde entier rivalisent d’ingéniosité pour mettre sur le marché des voitures toujours plus confortables, plus connectés et consommant de moins en moins tout en investissant dans la Recherche et Développement pour préparer leurs flottes à l’arrivée de la voiture autonome par exemple.

Selon le cabinet OVUM, il pourrait y avoir autour de 1.5 milliard d’automobiles sur les routes de la planète d’ici à 2022, dont 300 millions disposeront de diverses fonctions connectées. Cela peut sembler énorme, mais cela ne représente pourtant que 20% du parc automobile mondial, ce qui veut aussi dire qu’il y aura potentiellement plus de voitures dotées d’un nom que de voitures disposant de capacités connectées.

Or cela pose un problème : pour maximiser l’impact de l’Internet des objets (IdO) et les promesses d’un monde interconnecté, le manque de voitures connectées est une donnée importante. De nombreux avantages promis par l’IdO, tels que les systèmes de gestion du trafic, les initiatives de sécurité routière et les infrastructures urbaines intelligentes reposent sur la communication avec un maximum de points de données, afin que les systèmes puissent ensuite dresser informatiquement un tableau complet de ce qui se passe sur la route. Plus les informations sont précises, plus la gestion est efficace. Mais si le nombre de voitures connectés au réseau est faible, la conséquence directe est que le système sera moins efficace.

Cette disparité des âges et des modèles pourrait être un obstacle majeur au développement de l’IdO basé sur les transports, mais pourrait de l’autre côté créer de nouvelles opportunités pour une industrie de l’IdO "après-vente", en plein essor aujourd’hui. A partir du moment où la connectivité et les capteurs peuvent être installés à posteriori sur des véhicules, la vision tant vantée de villes et de routes intelligentes et d’écosystèmes automobiles interconnectés pourrait devenir une réalité.

Evidemment, au vu du nombre de véhicules anciens sur les routes, en équiper une grande partie de façon à leur donner une connexion Internet est un défi non négligeable. Les constructeurs aussi bien que les concessionnaires ont leur rôle à jouer, étant par définition les plus à même d’installer les capteurs et cartes SIM nécessaires dans des véhicules qui n’étaient pas prévu pour fonctionner de cette façon. Toutefois, cela pourrait également ouvrir la voie à de nouveaux métiers de spécialistes d’équipements de connectivité. Ces entreprises pourraient même proposer d’autres services à valeur ajoutée, comme des applications de diagnostic, ou des procédures d’assistance et de réparation géolocalisées en cas de panne.

Une fois qu’un véhicule ancien aura retrouvé une nouvelle jeunesse grâce à l’IdO, les conducteurs et passagers seront à même de tirer parti des nouvelles capacités débloquées de la sorte. Une voiture connectée génère en moyenne 4 To de données par jour, et celles-ci ne servent pas uniquement à fluidifier la circulation dans les centres-villes.  Les capteurs embarqués peuvent capturer des données pour surveiller les conditions de conduite et l’était de la route, afin d’informer les autres usagers des zones à éviter ou d’alerter les autorités locales en cas de nécessité. Ils peuvent également collecter des informations sur l’utilisation du véhicule ou le comportement du conducteur, permettant à son tour d’établir des polices d’assurance basées sur l’usage, ou bien d’aider les gestionnaires de parc automobile à prendre des décisions à distance en fonction des "performances" des conducteurs. Toutes ces données collectées pourront également orienter la conception et le développement des futurs véhicules, les constructeurs bénéficiant d’une manne de données sur les préférences des utilisateurs.

Reste toutefois un problème à résoudre : celui de la mise à jour des véhicules anciens avec des cartes SIM et des capteurs compatibles avec l’IdO. Contrairement aux nouvelles carte eSIM, intégrées dès l’usine, les SIM traditionnelles doivent être associées à un opérateur spécifique. Et si son réseau peut être excellent à un endroit donné, il est également possible de tomber sur une zone grise quelques kilomètres plus tard, empêchant de fait la connexion du véhicule sur cette portion de route. Les eSIM, elles offrent la possibilité de choisir le meilleur réseau à un instant donné, et changer de mode de connectivité en fonction des différentes besoins des applications de la voiture.

En fin de compte, et quelle que soit la façon dont une voiture est connectée, l’essentiel est qu’un maximum de conducteurs puissent profiter des possibilités offertes par l’IdO : la maintenance prédictive et les informations de navigation en temps réel, un accès constant et transparent aux services d’infotainment, sana parler des nombreuses façons permettant aux véhicules de communiquer avec le monde qui les entoure. Tout cela devrait rendre nos routes plus sûres et faciliter la vie des conducteurs et passagers. La transformation numérique passe donc aussi à tous les niveaux de l’automobile et, au vu des nouveaux revenus potentiels qui pourraient être générés, il semble logique que les constructeurs se penchent sur la manière de connecter les nouveaux véhicules et leurs cousines plus âgés, dont Titine bien évidemment.