Industriels, avec la 5G, préparez-vous à l'arrivée du network slicing

Industriels, avec la 5G, préparez-vous à l'arrivée du network slicing Le découpage du réseau en tranches garantit une qualité de service pour une application spécifique, notamment dans l'IoT. Il peut être testé dès maintenant en utilisant un coeur de réseau 4G.

Le network slicing illimité est l'une des valeurs ajoutées de la 5G. Cette capacité à découper le réseau en tranches permettra d'allouer une capacité (une faible latence, un haut débit, une sécurité renforcée ou une fiabilité des données) à un usage précis de bout en bout et ainsi gérer des ressources à la demande. Les industriels pourront par exemple assurer un débit optimal à leur parc de robots et allouer une autre tranche de réseau pour la surveillance de leur site. "Le network slicing répond à une demande de garantie de service", explique Gilbert Marciano, directeur du marketing France chez Nokia.

"Le network slicing répond à une demande de garantie de service"

Mais pour que le network slicing devienne une réalité au sein des entreprises, il faut attendre que les opérateurs aient déployé des cœurs de réseau 5G. "Cette fonctionnalité se fait avec un cœur de réseau 5G et la technologie stand-alone (SA). Pour le moment, tous les opérateurs télécoms qui ont lancé la radio 5G l'ont fait à partir des cœurs de réseaux 4G dite non stand-alone (NSA) pour offrir plus de débit au grand public. Ces cœurs de réseaux évolueront par la suite pour des usages industriels, mais ce ne sera pas avant 2023", prévient Stéphane Allaire, directeur du programme 5G chez Bouygues Telecom. "Il faudra aussi attendre que les opérateurs se dotent d'une architecture d'orchestration pour définir les slices et contrôler les ressources", ajoute Maurice Zembra, président de l'éditeur IoT Vertical M2M. Ericsson a lancé en ce sens ce mardi 26 janvier une solution logicielle de slicing réseau 5G mais tous les opérateurs n'investiront peut-être pas en priorité dans ce domaine. 

Pourtant, les entreprises n'ont pas besoin d'attendre 2023 avant d'anticiper les possibilités. "Le network slicing est techniquement réalisable sur de la 4G, de la 5G et du LTE", indique Maurice Zembra, qui conseille aux entreprises ayant des volumes importants d'objets connectés de s'y préparer dès maintenant pour être prêtes quand ces fonctionnalités seront déployées. L'éditeur Vertical M2M a lui-même expérimenté le network slicing avec un coeur de réseau 4G pour l'IoT dans le cadre du projet de R&D Scorpion, mené de 2017 à 2020. Labellisé par les pôles de compétitivité Systematic et Minalogic, ce projet a regroupé des équipes de Nokia, Virtual Open Systems, Vertical M2M et des laboratoires de recherche des Universités de La Rochelle et de Marne-La-Vallée. Deux slices, c'est-à-dire deux réseaux alloués ont été créées, l'un pour un usage d'IoT massif avec une forte densité d'objets connectés, l'autre pour une application d'IoT critique. "Cette expérience de R&D nous a permis d'analyser la manière dont se comportent les capteurs, de nous familiariser avec cette approche et comprendre comment cela pouvait se distribuer dans l'architecture de notre plateforme IoT", détaille Maurice Zembra, satisfait des résultats obtenus.

"Nous pourrons mettre en place le network slicing à l'échelle nationale ou à un niveau local"

La maîtrise en amont des fonctionnalités sur les plateformes est d'autant plus importante que le network slicing se paramètre de manière logicielle, grâce à la virtualisation des réseaux permise avec la mise en place de la 5G. Les industriels devront concrètement définir avec leur opérateur l'usage pour lequel ils veulent effectuer du network slicing et les exigences à définir sur telle antenne. "Nous pourrons le mettre en place à l'échelle nationale, par exemple pour les pompiers qui voudraient assurer le fonctionnement de leurs appareils sur le territoire, ou à un niveau local pour le fonctionnement de machines sur un site industriel", explique Stéphane Allaire.

Pour permettre aux entreprises de se faire une idée de la valeur du network slicing à venir et d'expérimenter ses fonctionnalités, Nokia développe une offre commerciale avec coeur de réseau 4G. "Nos clients ne pourront faire que deux à trois slices, alors que leur nombre sera illimité en 5G, mais cela leur donnera la possibilité de se préparer et de développer des usages jusqu'alors impossibles", met en avant Gilbert Marciano. Le constructeur a mis à niveau ses contrôleurs radio en février 2020 pour rendre possible cet usage.

Un nombre illimité de slice pourra être créé avec les cœurs de réseau 5G. © Nokia

Une expérimentation est actuellement menée en France avec un cœur de réseau 4G avec Schneider Electric et OBS pour sa nouvelle usine basée à Vaudreuil. A l'étranger, Nokia teste de la même manière le slicing en POC avec une quarantaine de clients, dont l'opérateur autrichien A1 Austria, l'opérateur ferroviaire ÖBB et l'aéroport international de Vienne. Nokia estime que dans le monde, plus de 4 milliards de devices LTE et plus de 200 millions d'appareils fonctionnant en NSA supporteraient dès à présent le slicing. "Des pilotes sont effectués cette année, la généralisation du network slicing en coeur de réseau 4G pourra se faire en 2022", estime Gilbert Marciano.

A noter que les opportunités se dessinent aussi bien pour les industriels, qui en seront les principaux bénéficiaires, que pour des usages grand public, par exemple pour l'esport. "Cette voie de bande-passante réservée aux clients leur assure que la multiplication du trafic autour d'eux ne viendra pas perturber leurs process", note Stéphane Allaire, chez Bouygues Telecom.

Ce dernier nuance néanmoins en rappelant que l'adoption du network slicing reste conditionnée au ROI de cette fonctionnalité. Ce service à valeur ajoutée aura nécessairement un coût que toutes les entreprises ne pourront pas se permettre. "Le business-modèle du slicing n'est pas encore défini mais il s'agira certainement de services premium", anticipe Maurice Zembra, pour qui les industriels devront définir des usages critiques auxquels appliquer le slicing afin de justifier ces investissements. Pour l'organisme de standardisation GSMA, le découpage en réseau représente tout de même pour les opérateurs une opportunité de revenus importante : 300 milliards de dollars d'ici 2025.