CES 2023 : quelles attentes pour les entreprises françaises ?

CES 2023 : quelles attentes pour les entreprises françaises ? Le Consumer Electronics Show ouvre ses portes officiellement au public ce jeudi 5 janvier à Las Vegas. Pour les entreprises françaises sur place l'événement est stratégique.

Le Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas en 2023, c'est plus de 3 100 exposants issus de 174 pays et plus de 200 000 visiteurs attendus. Pour les entreprises françaises qui y participent, l'événement a demandé une grande préparation en amont, aussi bien pour l'intégrer à leur stratégie de développement que pour tenter de garantir un retour sur investissement, une participation représentant en moyenne un budget de plus de 30 000 euros pour une start-up.

Avant toute chose, aller au CES ne signifie pas se rendre à Las Vegas pour parcourir les allées du salon à la découverte des dernières innovations. Toute participation requiert une préparation de fond. "Aller au CES, c'est comme préparer les Jeux olympiques. Cela demande une organisation intense neuf mois avant", souligne Thomas Serval, CEO de la healthtech française Baracoda, qui s'est rendu une vingtaine de fois au CES, dont onze à la tête de Baracoda. Tout comme lui, les équipes de Plastic Omnium ont commencé leur participation en mars dernier, afin de définir les messages à adresser au public BtoC, quand habituellement les clients sont du BtoB. "Nous voulons évoluer et faire connaître nos innovations au grand public pour qu'ils les identifient dans leur vie quotidienne", indique Alexandre Corjon, son directeur de l'innovation.

"Aller au CES, c'est comme préparer les Jeux olympiques"

Il faut ainsi prendre le temps d'identifier les bonnes personnes à y envoyer pour mettre en avant les produits qui seront présentés. "Il faut qu'elles soient bilingues, qu'elles aient élaborées des messages percutants et qu'elles sachent se vendre", conseille Eric Morand, directeur des événements BtoB chez Business France. La structure publique propose aux start-up un coaching d'une vingtaine de sessions. Pour Xavier Dalloz, à l'origine de la missionCES qui organise sur place des parcours thématiques afin d'identifier les innovations, les décideurs doivent aussi s'y rendre pour échanger avec les autres décideurs et comprendre comment leur entreprise s'intègre dans les écosystèmes. Ce dernier recommande également d'y aller en groupe. Les régions françaises s'y rendent toutes cette année en fédérant leur écosystème de start-up, à l'image de la région Nouvelle-Aquitaine qui orchestre le voyage pour 24 de ses jeunes pousses.

Le déroulé sur place s'anticipe également en amont. Les rendez-vous professionnels et la présence aux événements annexes doivent être fixés à l'avance. "Il ne faut pas oublier de protéger ses innovations avant de les détailler sur place aux clients et concurrents", met en garde Eric Morand, directeur des événements BtoB chez Business France.

Visibilité, partenariats et levée de fonds

Les enjeux pour les participants sont multiples. Le premier d'entre eux concerne la visibilité de leur entreprise. "Etre au CES est un gage d'innovation sur le marché. Il faut ensuite se faire voir pour se différencier", affirme Julie Boignet, responsable communication et marketing de la société Alyce. Cela passe en premier lieu par une couverture médiatique. "Nous communiquons à la presse nos innovations sous embargo pour être sur le chemin des journalistes et bénéficier d'articles", confie Amélie Caudron, CEO de l'entreprise française de traceurs GPS Invoxia.

Deuxième point clé pour s'assurer une visibilité : les démonstrations sur les stands. "Faire tester aux visiteurs pour qu'ils puissent véritablement toucher et se rendre compte de la qualité du produit est l'atout du CES", soutient Florent Roulier, consultant innovation de la société de conseil Niji, qui conseille également, comme les exposants anglophones, de ne pas hésiter à diffuser des messages audios ou à avoir des mascottes. "Ce n'est pas dans la culture française de recourir aux mascottes, qui ne correspond pas à l'image de sérieux des produits BtoB, mais les démonstrations son essentielles", réagit de son côté Julie Boignet, de l'entreprise Alyce. Pour se faire remarquer, l'entreprise Invoxia dispose de son propre stand doté de murs de quatre mètres de haut. Le fabricant français de produits connectés de santé Withings, qui dévoile son dispositif d'analyse d'urine U-Scan, a prévu de montrer sa composition pour mettre en avant le défi technique de sa conception. De son côté, l'éditeur de synthèse vocale Acapela présente My Own Voice, une innovation primée d'un CES innovation Award reposant sur l'IA et permettant à chaque personne en situation de handicap de créer une voix digitale pour la réutiliser ensuite sur tablettes. Ce vendredi 6 janvier, la start-up fera intervenir sur son stand l'un de ses patients atteint de paralysie cérébrale pour montrer concrètement comment fonctionne sa solution.

"Le CES peut se révéler déterminant dans l'évolution de l'offre"

A travers cette visibilité, l'objectif est de "prendre la température des attentes du marché et d'adapter le développement des produits", assure Amélie Caudron, CEO d'Invoxia, pour qui ce temps de communication va orienter la stratégie d'entreprise sur l'année. La présentation de son Smart Dog Collar l'an dernier, un collier de suivi des rythmes cardiaque et respiratoire du chien, a permis à l'entreprise d'en modifier le design et les fonctionnalités. "Le CES peut se révéler déterminant dans l'évolution de l'offre. Cela a été le cas pour la start-up Vivoka, que nous avons accompagné. Elle avait élaboré un assistant sous forme de raton laveur pour le grand public. Sa première participation au CES a fait prendre conscience à ses dirigeants du besoin de s'orienter vers le BtoB, ce qui lui a permis de perdurer avec aujourd'hui beaucoup de succès, au lieu de se confronter aux Gafa", raconte pour sa part Eric Morand, de Business France.

Deuxième enjeu phare, la prise de contacts pour nouer des partenariats d'affaire. "Un tiers des start-up françaises vont généralement au CES pour rencontrer des grands groupes", analyse Eric Morand, et donc s'introduire sur de nouveaux marchés, notamment américain. L'entreprise Alyce, qui y participe pour la première fois, a en effet pour ambition de s'implanter aux Etats-Unis, tout comme l'application française qui encourage à la marche WeWard, pour qui le CES marque le lancement de sa solution outre-Atlantique. Pour sa part, Morgane Descat à la tête du marketing produit chez Withings a observé l'an dernier la présence de groupes de médecins américains intéressés par la santé connectée et mise sur ces opportunités d'affaires.

Troisième enjeu majeur pour certaines entreprises : capitaliser sur leur innovation pour trouver des investisseurs. C'est l'un des objectifs des start-up Qiti et Brad, qui comptent réaliser respectivement une levée de fonds en 2023. Cette 56e édition, qui devrait retrouver son importance d'avant la crise en 2019, s'affirme donc toujours comme un moment fort pour les stratégies d'entreprises françaises.