Damien Michaud (Métropole de Tours) "L'objectif premier de la Métropole de Tours est de garder la souveraineté de ses projets IoT"

Le concept de ville intelligente prend corps à Tours, où trois projets en phase de test sur différentes compétences pourraient passer à l'échelle en 2023. Le responsable du pôle Automatisme industriel revient sur les questions à se poser pour que les projets soient une réussite.

Damien Michaud, responsable Production Eau Potable & Pôle Automatisme et Hypervision à la Tours. © Métropole de Tours

JDN. Vos projets IoT pour la ville intelligente devraient passer à l'échelle en 2023. En quoi consistent-ils et depuis combien de temps travaillez-vous dessus ?

Damien Michaud. Nous menons trois projets en parallèle qui sont toujours en phase de test. Le premier, démarré il y a quatre ans, porte sur la mesure du taux de remplissage des points d'apport volontaire, les PAV, pour améliorer la collecte de déchets. Quinze objets ont été déployés et le projet passera à l'échelle après la restitution des résultats dans le courant de l'année. Le deuxième concerne le déploiement de compteurs d'eau communicant dans le cadre de la campagne de renouvellement des appareils. Plus de 3 000 compteurs communicants ont été posés sur les 65 000 à changer d'ici cinq ans. Enfin, nous avons initié des réflexions sur l'éclairage connecté, qui est au cœur d'une vraie volonté à Tours de concrétiser le plan de sobriété énergétique. Trois quartiers de la ville de Tours ont été équipés (l'expérimentation de l'extinction de l'éclairage public a débuté le 14 novembre dernier pour six mois, ndlr).

Un grand nombre de projets sont engagés par les collectivités, comment expliquez-vous qu'ils prennent du temps à passer à l'échelle ?

Les villes prennent au sérieux les projets IoT et mènent dessus un vrai travail de fond. Mais elles sont conscientes qu'il faut avancer lentement et progressivement sur le sujet pour ne pas se tromper. La technologie représente un investissement, il faut donc s'assurer de son utilité et savoir exactement ce qu'on veut faire avec. A Tours, nous avons cherché à savoir comment bien articuler la remontée des informations sur le taux de remplissage des PAV avec d'autres informations utiles à la ville, tout en gardant la souveraineté sur ces données. Il faut ensuite déterminer quel modèle économique adopter.

Quelles sont les questions majeures que vous vous êtes posées à la Métropole de Tours ?

La première concerne les réseaux : quelle est leur disponibilité et comment les maintenir dans le temps ? L'objectif premier de la Métropole de Tours est d'en conserver la souveraineté, et de ne pas dépendre d'un opérateur. Nous avons donc d'abord créé notre propre réseau IoT de test avant de déployer des objets. Nous avons opté pour un réseau LoRaWAN privé que nous avons opéré nous-mêmes pour déterminer si nous avions bien toutes les compétences nécessaires et quels en étaient les coûts de fonctionnement. 12 antennes (fournies par le fournisseur Kerlink, ndlr) ont été réparties sur l'hyper-centre de Tours. Nous sommes conscients qu'un seul réseau ne peut pas tout faire, nous étudions les autres protocoles comme la 5G en élaborant une vision globale du territoire.

Quelles sont les autres questions à se poser ?

Les collectivités ne disposent pas forcément des compétences techniques pour mener un projet IoT. Les équipes dédiées sont souvent réduites. A Tours par exemple, nous ne sommes que quatre pour accompagner ces projets : deux à la DSI et deux au pôle Automatisme industriel. L'IoT représente un nouveau métier, la question des partenariats est donc essentielle car dans l'IoT, il est impossible de tout faire seul. Trouver le partenaire idéal en fonction de son projet n'est pas une mince affaire tant il y a d'acteurs sur le marché. Nous avons mis du temps à trouver le bon acteur pour faire développer pour les PAV des produits en LoRaWAN robustes, qui résistent au nettoyage des bacs à déchets et fonctionnent dans leur environnement métallique (le choix de la Métropole s'est porté sur le bureau d'études dédié aux objets connectés Tekin, situé à Tours, ndlr).

Quels sont vos conseils aux autres collectivités ?

Pour qu'un projet fonctionne, il faut penser à l'éco-responsabilité du projet et à sa sécurité dès le départ. Les critères afin que les objets soient les plus sûrs possibles sont arrivés très tôt dans la discussion. Tous nos objets sont identifiés et authentifiés et les informations sont chiffrées. Nous avons un agent qui intègre chaque objet avec son numéro de série à la main dans notre base ou gère des intégrations de masse avec les fabricants d'IoT. Cela peut paraître contraignant mais une fois que c'est fait, cela réduit les risques. Nous avons par ailleurs réfléchi en amont à quel type de batterie recourir, par exemple. Dans ce cas, nous avons opté pour des piles du commerce pour ne pas avoir à renvoyer l'objet au fabricant. Nous privilégions le remplacement des batteries et non de l'objet. Nous avons voulu que tout dans l'objet soit fait localement et qu'il soit recyclable.

Après un cursus scolaire et professionnel lié à l'automatisme industriel (process et réseau) et à la conception de machines spéciales, Damien Michaud est embauché en 2008 à la communauté d'agglomération de TOUR(S) PLUS au service assainissement pour la création d'un service d'automatisme pour les stations d'épuration et les postes de relèvement avec pour missions principales : l'optimisation des process industriels, l'amélioration des systèmes de supervision et le maintien des réseau de communication.