Jérémie Berrebi (Kima Ventures) "Les firmes françaises ne savent pas intégrer les start-up"

Très actif en amorçage, Kima Ventures intensifie ses deals à l'international. Le fonds de Xavier Niel géré par Jérémie Berrebi a investi 11,5 millions d'euros dans 115 start-up depuis son lancement début 2010.

Plus d'un an et demi après la naissance de Kima Ventures, comment se structure votre portefeuille ?

Nous avons investi 11,5 millions d'euros dans 115 sociétés dans 18 pays. Jusqu'ici notre modèle d'investissement en amorçage se basait sur une fourchette d'investissements entre 30 000 et 200 000 euros. Mais désormais, nous investissons 100 000 euros par start-up, en ciblant des valorisations assez faibles. Les start-up présentes dans notre portefeuille sont à 30 % françaises, à 30 % américaines, à 10 % israéliennes et les autres dans le reste du monde. En France, nous regardons aujourd'hui davantage les projets qui gravitent autour des jeux vidéo, des logiciels, des plates-formes de paiement, de l'e-commerce, ou encore des technologies publicitaires. Mais j'estime que les sujets liés aux réseaux sociaux ont moins de perspectives de sorties en France. Notre but est que les start-up dans lesquelles investit Kima Ventures soient celles qui intéresseront le plus les fonds institutionnels ou grosses sociétés du web, d'où une sélection exigeante.

De quels critères dépendent ces sélections ?

La première question que je me pose, c'est de savoir si j'utiliserai un service, s'il répond à un réel besoin. C'est une évidence, mais par exemple, je me demande toujours à quoi sert Foursquare. Avec Financetesetudes.com, on a réussi à rencontrer une offre qui avait un réel besoin, de même pour Leetchi.com, service grâce auquel les internautes ont trouvé un moyen simple et efficace pour collecter des fonds afin de financer un cadeau à un ami. Le mot d'ordre est définitivement la simplicité. Je pense que 90 % de notre portefeuille est constitué de sociétés qui répondent à des besoins vraiment très simples.

Il semble que les possibilités de sorties pour les fonds français se restreignent, quelles en sont les raisons ?

Nous avons déjà fait ce que j'appelle des sorties partielles dans certaines sociétés qui sont parties sur un second tour de table. Dans ce cas, nous cédons entre 20 et 25 % de nos parts.

Les principaux intéressés par nos start-up, ce sont les américains. Il n'y a pas ou trop peu d'acheteurs en France, ce qui est sans doute une question de culture : les firmes françaises ne savent pas intégrer les start-up dans leurs structures. S'ils en intègrent une, ils bouleverseront l'organisation d'un projet et le mettront en danger en lui faisant perdre de sa souplesse. C'est tout un travail d'humilité... Le service d'offre de coupons géolocalisés Plyce pourrait par exemple être une merveilleuse opportunité pour PagesJaunes.fr et pourtant rien ne se passe.

Il faut apprendre aux boîtes françaises que "1+1=3". Chez Google, les start-up qui sont rachetées gardent une certaine autonomie pour commencer, puis sont parfois petit à petit intégrées à Google Labs, pour ensuite devenir des piliers de la firme.

Ces difficultés sont-elles propres à la France ?

L'ensemble des pays européens sont touchés et il est vrai que la question se pose également aux Etats-Unis. Dans la Silicon Valley, il y a beaucoup de nouveaux riches qui ont vendu leurs stocks options et qui se mettent à investir dans tous les sens. En valorisant fortement les start-up dans lesquelles ils investissent, ils risquent de se retrouver dans une impasse car il n'y aura personne ensuite pour prendre le relai ou acquérir l'entreprise. Mon conseil est de bien évaluer les valorisations lors des investissements et d'adapter sa stratégie d'investissement en fonctions des pays.

Certains pays sortent toutefois du lot, comme la Russie, où les possibilités de sorties sont les plus fortes. Les fonds d'investissements russes sont en plein développement et leur capacité de financement est très importante, ce qui leur permet de suivre et de développer d'excellents projets, au final. Je recommanderais aussi de garder l'œil grand ouvert sur les marchés émergents comme l'Inde ou l'Amérique du Sud.

Jérémie Berrebi, journaliste pour ZDNet France en 1996, cofonde Net2One en 1997, société revendue en 2004 au britannique TNS Group. En 2006, il lance Zlio avec David Levy et Jean Guetta, une plate-forme destinée à créer des boutiques en ligne qui a fermé ses portes le 20 septembre 2011. En 2010 il s'associe avec Xavier Niel, le président d'Iliad (Free) pour créer Kima Ventures, un fonds d'investissement d'amorçage. Jérémie est également actionnaire minoritaire de plusieurs start-up dont Leetchi et iAdvize.