Dailymotion – Yahoo : l’histoire d’un rendez-vous manqué

A ceux qui seraient tentés de critiquer cet excès d’interventionnisme, ne pourrait-on pas opposer les pratiques d’autres fonds souverains, d’autres pays (Qatar, Singapour…) ?

Le dossier est clos : Yahoo ne rachètera pas Dailymotion. Après maints atermoiements, l’affaire a donc fini par faire « pschitt » La firme américaine, sur les rangs pour racheter 75 % de la plate-forme de partage de vidéos en ligne, a essuyé, il y a quelques semaines, un refus catégorique de l’Etat français.

Mais une fois l’émotion retombée - comme elle l’est pratiquement aujourd’hui - ne pourrait-on pas finir par y déceler quelques signaux positifs ? Cette séquence ne viendrait-elle pas signifier que le temps où les entreprises du Web pouvaient se sentir insuffisamment soutenues ou entendues, eu égard leurs formidables potentiels de croissance, oui, que ce temps-là est dorénavant révolu ? Et, dans ce « soudain » volte-face, le signe tangible que le « Numérique » fait désormais partie des axes stratégiques de l’économie française, pour lequel l’Etat se mobilise au quotidien ?
Une position et des engagements par ailleurs assumés par Nicole Bricq, Ministre du Commerce extérieur au sein du gouvernement, qui, lors du discours de clôture du Forum Économique franco-chinois prononcé à l’occasion de la visite de François Hollande en Chine, n’hésite pas à citer Viadeo au même titre que Carrefour ou Alstom… jugez plutôt !

En vérité, ne s’agirait-il pas de dépasser la forme, certes cavalière, pour tenter de se concentrer uniquement sur le fond de cette affaire, en ne retenant que les indéniables changements de considération et de reconnaissance du secteur « high-tech » par l’Etat ? En dehors de toute réflexion partisane, pourquoi ne pas saluer au contraire son rôle et ses engagements, via la BPI (ex-FSI), d'incitation à la création de filières d'excellence stratégiques ? Et à ceux qui seraient tentés de critiquer cet excès d’interventionnisme, ne pourrait-on pas opposer les pratiques d’autres fonds souverains, d’autres pays (Qatar, Singapour…) ?

Entendons-nous bien, cette sorte d’indulgence n’empêche pas toute pensée critique : révéler publiquement des aspects de négociation et court-circuiter des interlocuteurs officiels n’est évidemment pas idéal pour l'image de la France auprès d’investisseurs étrangers… alors même que les assises de entrepreneuriat et l'invitation expresse faite aux investisseurs chinois indiquent une volonté claire de défendre l'attractivité de notre pays sur la scène internationale.
Cette affaire aura au moins eu le mérite de mettre en lumière un fait saillant : le parcours de cette « pépite française » (dé)montrant qu’il n’est pas ou plus nécessaire de passer par les Etats-Unis pour acquérir une taille et une position référentes… Qu’aux yeux d’un acteur américain majeur, un site français (seulement 44ème à l’échelle mondiale, a fortiori peu présent outre-Atlantique) attire à ce point les convoitises est fort encourageant !

Pour conclure, espérons que l’Etat reste cohérent jusqu’au bout de sa démarche en aidant Dailymotion à vite trouver le partenaire ad hoc pour atteindre les sommets.