La vie rêvée d'un stagiaire chez Google

La vie rêvée d'un stagiaire chez Google Un séjour chez le géant de l'Internet est une expérience extrêment convoitée par les stagiaires du monde entier. Mais à quoi ressemble leur quotidien au Googleplex ?

En janvier 2013, Rohan Shah, un étudiant âgé de 20 ans, reçoit un mail de Google. Le géant de la recherche Internet – un des employeurs préférés des salariés dans le monde ! – souhaite lui faire passer un entretien pour l'une de ses offres de stages tant convoitées.

Cela faisait déjà plusieurs semaines que Rohan avait rempli le formulaire de candidature en ligne, après avoir assisté à un salon pour l'emploi à l'Université de l'Illinois à Urbana-Champaign. Il avait pourtant accepté un autre stage d'été chez Qualcomm un mois auparavant. Mais c'était Google ! Rohan ne pouvait pas laisser passer cette chance.

Officiellement, Google n'accepte que 1 500 stagiaires sur un total de 40 000 candidatures par an. Il existe une forte concurrence pour obtenir un stage chez Google. Owen Wilson et Vince Vaughn viennent d'ailleurs de réaliser un film à ce sujet.

Google n'accepte que 1500 stagiaires sur un total de 40000 candidatures par an

Rohan a réussi les différentes étapes du processus d'embauche, qui s'est déroulé sur plus d'un mois. Fin janvier, il s'est vu offrir un stage. Plutôt que d'annuler son stage d'été chez Qualcomm, Rohan a contacté son université pour demander une autorisation d'absence. Il s'est ensuite envolé pour Mountain View, Californie, et est devenu l'un des 50 stagiaires employés chez Google au printemps dernier.

En quoi consistait le processus de sélection ? A quoi ressemble la vie d'un stagiaire chez Google ? Rohan Shah et d'autres stagiaires racontent leurs aventures.

Décrocher l'entretien : un processus long et laborieux

Le processus d'embauche de Google, que vous soyez candidat à un stage ou à un contrat à plein temps, commence par un formulaire à remplir en ligne. Le candidat remplit des formulaires indiquant sa moyenne universitaire, ses expériences antérieures, ses activités extra-scolaires, etc.

Rohan n'a pas fait grand-chose qui peut attirer l'attention sur son CV. Mais il parle 3 langues, a reçu une médaille pour ses heures de volontariat et figure au tableau d'honneur de son université. En outre, il a été l'assistant d'un professeur, a déjà effectué plusieurs stages, et met au point des applications Android pour s'amuser. Finalement, plusieurs semaines se sont écoulées avant que Google ne réponde à sa candidature envoyée au mois de novembre.

Un autre candidat, Evan Carmi, a précisé qu'il avait attendu un mois et demi avant d'avoir des nouvelles du service RH de Google lorsqu'il a postulé en 2010. La correspondance entre les RH et le candidat débouche généralement sur deux entretiens téléphoniques avec des employés de Google. C'est là que le processus commence réellement.

Une série d'entretiens "extrêmement techniques" de 45 minutes

Google a longtemps été célèbre pour les casse-têtes infernaux imposés par ses recruteurs lors des entretiens (lire notre dossier : Les questions les plus loufoques posées par Google en entretien d'embauche, du 28/11/11). Après plusieurs articles négatifs à ce sujet, Google a d'ailleurs interdit à ses recruteurs de poser des questions telles que "Combien y-a-t-il de vaches au Canada ?"

Ceci étant, les entretiens – y compris pour les stagiaires – sont hautement techniques.

"Il s'agit surtout d'appliquer ses compétences à une situation pratique"

"Il s'agit surtout d'appliquer ses compétences à une situation pratique," explique Rohan Shah, et c'est d'ailleurs le maximum d'information qu'il est autorisé à dévoiler. Google impose une politique très stricte par rapport au partage d'informations internes à l'entreprise.

"Ils veulent savoir si vous savez faire un test de performance système, ou si vous pouvez faire de ce système quelque chose de beaucoup plus efficace", ajoute-t-il. Les meilleurs candidats sont capables de mettre rapidement ces concepts en pratique au cours des 45 minutes d'entretien.

Les entretiens d'Evan Carmi étaient tout aussi techniques, et il les a librement racontés dans un article sur son blog en 2010. Le premier de tous ses entretiens était avec un ingénieur fiabilité du site de Google. Il lui a posé des questions relatives à Python, telles que "Ecrivez une fonction avec les caractéristiques suivantes : entrée = une liste et sortie = une copie de la liste dont les doublons ont été supprimés."

Le deuxième entretien d'Evan était avec un diplômé de Carnegie Mellon qui faisait partie de l'équipe des Outils pour les webmasters. Il lui a demandé d'écrire du code. Cette seule question a occupé la plus grande partie de l'entretien de 45 minutes, sans pour autant déstabiliser Evan. On a ensuite convoqué Evan à un troisième entretien téléphonique, qui a cette fois-ci coupé court à son rêve d'obtenir un stage chez Google.

Rohan Shah a eu plus de chance. Une semaine après ses deux entretiens téléphoniques, il reçoit un mail des RH : "Vos entretiens ont été réussis, nous souhaitons poursuivre le processus." Le recruteur l'a ensuite aidé à choisir le service au sein duquel il voulait effectuer son stage, avant de le soumettre à de nouveaux entretiens.

"J'ai passé des entretiens avec cinq équipes différentes", se souvient-il. A la différence des entretiens téléphoniques, les entretiens avec les équipes ne sont pas techniques. Ils visent à aider les stagiaires potentiels à découvrir les différents sous-ensembles de Google et à déterminer celui dans lequel ils préféreraient travailler.

A la fin du mois de janvier – soit 3 mois après avoir envoyé sa candidature – Rohan était officiellement sélectionné en tant que stagiaire au sein du service Android de Google.

Prochain arrêt : Mountain View.

Logement, colocataires, transports : tous frais payés

Cela peut paraître impossible de décrocher un stage à l'autre bout du pays et de commencer à y travailler deux semaines plus tard.

Mais si vous êtes stagiaire chez Google, l'entreprise s'occupe à votre place de tous les aspects logistiques de votre voyage et de votre logement. Rohan a obtenu un logement pris en charge par Google dans une des résidences pour employés à San José. Ses colocataires ? Des collègues stagiaires.

Rohan s'est vu attribuer 3 colocataires, 2 venant d'Argentine et un d'Ukraine. "J'ai pu rencontrer des personnes de cultures totalement différentes. Ils m'ont beaucoup appris et j'ai même retenu quelques mots de leur langue. C'était pour moi une expérience de vie en communauté extrêmement enrichissante."

Rohan qualifie l'appartement dans lequel il était logé de "très agréable", proche d'une station de train pour accéder facilement aux quatre coins de la Silicon Valley.

googleplex vélo
Balade en vélo sur le Googleplex. © Hugo Sedouramane / JDN

Pas besoin de voiture ou de vélo quand vous êtes stagiaire chez Google. L'entreprise met à disposition des navettes gratuites qui parcourent toute la Baie de San Francisco et desservent San Francisco, San José, Palo Alto et Berkeley pour pouvoir emmener les employés au travail le matin et les ramener chez eux en fin de journée.

Des vélos sont disponibles sur le campus Google pour une location à long terme, ou bien pour se balader d'un bureau à l'autre à travers le complexe.

Un séminaire d'intégration de plus d'une semaine

Le processus d'initiation des stagiaires dure une semaine et demi. On explique aux stagiaires le fonctionnement des centres de données, l'organisation interne de l'entreprise et les objectifs visés par Google. Ils rencontrent également l'ensemble des nouvelles recrues.

"Au bout d'une semaine, on a l'impression d'être employé chez eux depuis un an", s'exclame Rohan. "On s'habitue très rapidement à l'ambiance de l'entreprise."

Dès qu'il a posé le pied sur le campus verdoyant de Google, Rohan est tombé amoureux. "Mon premier jour était extraordinaire", conclut-il.

Et le salaire ?

Les stagiaires sont mieux payés que la plupart des employés américains à temps complet de Google. Selon Glassdoor, un stagiaire gagne en moyenne 5 678 dollars par mois, soit une base de 68 136 dollars par an.

Le salaire de Rohan était légèrement supérieur (6 100 dollars par mois, soit 80 000 dollars par an). En prenant en considération tous les avantages en nature tels que le loyer gratuit, les transports, l'abonnement à la salle de sport et la nourriture, on peut dire que les stagiaires mènent la grande vie.

"Je n'ai pratiquement rien dépensé, à part le week-end, quand je partais en vadrouille," ajoute Rohan. "C'était un semestre génial."

Mais que font les stagiaires de Google de leurs journées ? Ils travaillent beaucoup, et participent à énormément d'activités de team building. Rohan se souvient de visites de musées, de séances de cinéma, de randonnées et d'excursions en vélo, ainsi que de plusieurs voyages à San Francisco, le tout planifié par Google. Il était le seul stagiaire dans l'équipe Android, et celle-ci a organisé de nombreux dîners d'équipe, y compris un le soir de son 20ème anniversaire.

Contrairement à la majorité des stages, qui consistent à envoyer des fax et à aller chercher des cafés, chez Google les stagiaires travaillent sur de vrais produits qui seront utilisés dans le monde entier. On attribue un projet à chaque stagiaire au sein de son groupe. On leur désigne également un mentor, qui échangera avec lui sur une base hebdomadaire ou aussi souvent qu'il en a besoin, et lui fournira un retour sur ses progrès.

Le projet de Rohan consistait à travailler avec de l'ancien code de Gmail et à lancer une nouvelle fonction top-secrète. Son meilleur souvenir de stage est le jour où il a lancé la fonction Android en interne. Il a alors reçu de nombreux retours de ses pairs, et s'est rendu compte que son travail effectué chez Google allait toucher des millions de personnes.

Un stagiaire gagne en moyenne 5 678 dollars par mois

"C'était un sentiment de satisfaction incroyable", se souvient-il.

Kitt Vanderwater, ingénieur en logiciels chez Google, a vécu une expérience similaire lorsqu'elle était en stage au service Google+. "J'avais beaucoup de responsabilités," précise-t-elle. "C'était très prenant, car je faisais un tas de choses que je n'avais jamais fait auparavant. J'étais en charge de la plupart des décisions prises par l'équipe, j'ai fini par créer la page de recherche Google+, première expérience de la nouvelle fonctionnalité de recherche. En gros, j'étais propriétaire de la page sur laquelle des millions de personnes allaient atterrir lorsque Search serait lancé."

A quoi ressemblent vraiment les employés de chez Google ?

Les "Googlers" ne sont pas des asociaux – même si c'est comme cela qu'ils sont occasionnellement décrits. Rohan a été surpris de découvrir que tous les employés de Google étaient normaux et loin d'être des geeks, y compris les ingénieurs.

"L'une des choses qui m'a frappé lors de mon séjour chez Google est que chaque employé est extrêmement actif et créatif", déclare Rohan. "Ils s'imposent une frontière très claire entre leur travail et leur vie privée. Les ingénieurs sont très équilibrés. J'ai la preuve formelle que les rencontres sont la partie la plus intéressante d'un job chez Google."

Le face à face avec Sergey Brin

Les stagiaires ne sont pas tous amenés à rencontrer les cadres supérieurs de Google. Ils ne sont pas non plus autorisés à tester tous les appareils qui sont mis au point par l'entreprise. En effet, Rohan n'a jamais fait de tour dans une voiture sans conducteur ou testé les Google Glass pendant qu'il travaillait là-bas. Cependant, il a eu la chance de rencontrer par hasard Sergey Brin, co-fondateur de Google.

"La seule fois où j'ai vu M. Brin, je me rendais au bowling avec trois autres stagiaires," explique Rohan. (Pas à un bowling à l'extérieur du campus, bien sûr, Google a sa propre piste.) "Il passait par là pour faire visiter les installations à un de ses amis. C'est bien là tout ce que j'ai aperçu de lui."

Les avantages : 24 cafés, de nombreuses salles de sport, un centre de bien-être et plus encore

Vous ne mourrez pas de faim en travaillant pour Google. Comme la plupart des "Googlers", Rohan affirme que la nourriture était "probablement l'un des plus grands avantages".

googleplex restaurant
On trouve facilement de quoi se restaurer : il y en a pour tous les goûts. © Google

Il a estimé que le Googleplex comprenait 24 cafés aux cuisines très variées : restaurants mexicains, américains, indiens, bars à salade, pizzerias et fast-foods. Des salles de sports sont situées près des cafés pour ceux qui auraient l'impression d'avoir trop mangé.

Rohan précise que ces salles de sports sont bien équipées et souvent pleines.

Si vous tombez malade, vous vous rendez tout simplement au centre de bien-être de Google. Votre dos est noué ? Allez voir la masseuse du campus. Tous ces services sont proposés aux stagiaires comme aux employés.

"De la nourriture et des boissons gratuites, un abonnement gratuit à la salle de sport, des laveries, des cours de danse, etc." Paul Baltescu, qui a cumulé deux stages chez Google, liste les avantages du job sur Quora. "Les activités dédiées aux employés sont géniales : vous pouvez aller faire du paintball, du laser tag, voir un match des San Francisco Giants... Tous les stagiaires d'été font une croisière de luxe sur la Baie de San Francisco. Selon l'équipe dans laquelle vous travaillez, vous pourrez aussi participer à des activités telles que du rafting, un voyage de trois jours au lac Tahoe ou la visite d'autres bureaux Google."

Les désavantages d'un stage chez Google ? Il n'y en a pas

S'il y a des inconvénients à effectuer un stage chez Google, Rohan n'en trouve aucun. Son seul regret concerne plutôt une frustration personnelle.

Rohan n'était pas aussi expérimenté que les ingénieurs à plein temps de Google, et il lui a fallu plus de temps avant de pouvoir pleinement contribuer aux efforts de son équipe. Mais il précise que ses collègues étaient compréhensifs et que son mentor était toujours là pour l'encourager.

A l'instar de Rohan, Paul Baltescu fait l'éloge de son expérience de stage. "Ces deux stages m'ont aidé à développer des compétences de base en ingénierie logicielle que je n'aurais pas acquis dans le cadre de projets scolaires (comment coder efficacement, comment tester des unités correctement, comment utiliser des logiciels de gestion de versions, etc.)," écrit-il sur Quora. "J'ai également appris à me servir de nouvelles technologies comme Python et App Engine et me suis remis à niveau en JavaScript et C++. Je suis extrêmement reconnaissant pour tout ce que j'ai appris chez Google et je recommande vivement leur programme de stage à tout étudiant qui désire devenir un ingénieur en logiciels dans un futur proche."

Quelle vie après un stage chez Google ?

En ce qui concerne Rohan, un autre stage l'attendait après celui-ci. Lorsque nous l'avons contacté, il se préparait pour son premier jour chez Qualcomm. Mais il avait déjà passé des entretiens pour travailler à plein temps chez Google après l'obtention de son diplôme et attendait des nouvelles. Les stagiaires peuvent postuler avant leur départ, et leurs mentors peuvent les aider à se préparer aux entretiens.

Rohan a de bonnes chances d'être pris. Jenna Wandres, la conseillère adjointe en communication de Google qui supervise tout ce qui touche à la culture, a déclaré : "Nous faisons beaucoup appel aux stagiaires lorsque nous embauchons de nouvelles personnes."

Les conseils de Rohan à un candidat pour un stage chez Google ? "Google recherche avant tout des gens expérimentés", précise-t-il. "Ils veulent trouver des ingénieurs motivés, donc les activités extra-scolaires comptent énormément. Mais vous devez aussi avoir des connaissances de base. Il faut pouvoir comprendre des algorithmes simples et savoir les appliquer. Chez Google, tout est une question d'application."

"Je recommande vivement le programme de stages de Google à tout étudiant désirant devenir un ingénieur en logiciels"

Le meilleur conseil sera dispensé par le mentor de Rohan : "Reste calme."

"Je sais que tous les recruteurs disent ça, mais les entretiens de Google sont particulièrement perturbants car extrêmement techniques. Savoir garder mon calme est la qualité qui m'a le plus aidé dans mon parcours."

Et si vous n'obtenez pas le stage ? Vous vous en sortirez quand même.

"J'ai fini par décrocher un stage au New York Times cet été-là, et y suis retourné l'été suivant en tant que développeur de médias interactifs," raconte Evan Carmi, le candidat évincé par Google. "J'ai récemment été diplômé de l'Université Wesleyan."

MAJ : Rohan Shah vient de se voir offrir un emploi chez Google après son diplôme.

* L'article original précisait que le salaire de Rohan Shah était inférieur au salaire moyen d'un stagiaire Google, mais il s'avère qu'il était en fait supérieur, et équivalent à un salaire annuel de 80 000 dollars.

Article de Alyson Shontell. Traduction par Joséphine Dennery, JDN

Voir l'article original : What It's Really Like To Be A Google Intern