Professionnels, vous pourrez bientôt être remboursés de la redevance copie privée !
Le décret tant attendu permettant aux professionnels d’obtenir le remboursement de la redevance copie privée a été publié ce matin. Décryptage.
La redevance pour copie privée compense l’exception de copie privée
L’exception
de copie privée permet à l’utilisateur d’une œuvre d’en faire une
copie à la triple condition que :
- la source de la copie soit licite,
- la copie soit réalisée directement par l’utilisateur et non par un tiers,
- la copie soit à usage privé et non collectif.
Pour compenser la perte de revenus engendrée par
cette exception, le législateur a instauré la
rémunération pour copie privée (RCP) reversée aux acteurs de la création
artistique.
Ainsi, une partie du prix des supports de stockage (CD,
DVD, disques durs etc.) correspond à une redevance pour la RCP. Cette
redevance est ensuite collectée par Copie
France auprès des fabricants et importateurs de ces supports, qui la
redistribue à hauteur de 75% pour les ayants droits et 25% pour le financement
d’actions culturelles.
Le laborieux parcours du remboursement de la redevance aux professionnels
Dès la mise en place de la rémunération pour copie
privée par la loi du
3 juillet 1985, la question du remboursement aux professionnels de
cette redevance s’est posée. En effet, ces derniers sont exclus du bénéfice de l’exception
de copie privée, l’usage qu’ils font des œuvres étant forcément collectif. Pourquoi
auraient-ils alors à payer cette redevance ?
Bien qu’évidente, il aura fallu attendre le 21
octobre 2010 et un arrêt
de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), « PADAWAN contre SGAE », pour qu’une réponse
claire soit apportée : les professionnels ne sont pas tenus au paiement de
cette redevance.
Malheureusement, les difficultés n’étaient pas terminées.
Un an plus tard, le Conseil
d’Etat s’alignait sur la position de la CJUE. Puis, le 20
décembre 2011, le législateur autorisait enfin les
professionnels à s’exonérer de cette redevance. Il était alors ajouté un
paragraphe II à l’article
L311-8 du Code de la propriété intellectuelle aux termes
duquel :
« La rémunération pour copie privée n'est pas due non plus pour les
supports d'enregistrement acquis notamment à
des fins professionnelles dont les conditions d'utilisation ne permettent pas
de présumer un usage à des fins de copie privée. »
Le paragraphe III de ce même article conditionne le
remboursement de la redevance copie privée à la production de « justificatifs déterminés par les
ministres chargés de la culture et de l’économie » ou à la conclusion
d’une convention spéciale avec une société de gestion de droits d’auteur (à ce jour environ 1700 entreprises sont concernées).
Le même jour un
arrêté ministériel précisait les documents nécessaires pour obtenir ce
remboursement, à savoir :
- les coordonnés du professionnel et une copie de ses statuts,
- un extrait Kbis ou D1 de moins de 3 mois,
- une déclaration sur l’honneur selon laquelle les supports achetés ne seront pas utilisés dans le cadre de l’exception de copie privée,
- tout document permettant d’établir que l’utilisateur du support est informé qu’il ne peut l’utiliser que dans le cadre de son activité professionnelle et que l’usage à des fins de copie privée est assujetti à la rémunération pour copie privée,
- une facture en nom propre comportant les caractéristiques du support d’enregistrement et le montant de la rémunération pour copie privée acquittée lors de l’achat.
Seul problème, rien
n’obligeait les revendeurs à mentionner le montant de la redevance sur leur
facture.
Or, sans cette indication, impossible
d’obtenir le remboursement de la redevance. Dans la pratique, aucun
revendeur ne s’y est contraint volontairement. L’intervention du législateur devenait
donc impérative. Celle-ci s’est fait attendre…
La CJUE
dans un arrêt Amazon du 11 juillet 2013 a pourtant martelé que le
droit de l’Union Européenne ne s’oppose pas à un système de prélèvement général
assorti de la possibilité de remboursement à la condition que des difficultés
pratiques justifient ce mécanisme et que le
droit au remboursement est effectif et ne rend pas excessivement difficile la
restitution de la redevance payée.
Le décret tant attendu
Ce n’est que le 10 décembre 2013, soit quasiment deux
années après l’adoption de la loi exonérant les professionnels du paiement de
la RCP, que l’exécutif a enfin pris le
décret contraignant les revendeurs à afficher le montant de la redevance pour copie
privée.
Ce décret comprend deux axes : l’obligation
d’information des particuliers et des professionnels sur le montant de la RCP
payée et la mise en place d’une procédure de sanction administrative aux
manquements à cette obligation par la répression des fraudes.
Ainsi, les revendeurs auront l’obligation
d’afficher de façon claire et visible :
- le montant de la redevance,
- l’existence d’une notice explicative sur la RCP et ses finalités,
- l’adresse du site internet où la notice peut être téléchargée (ces deux derniers points devront encore être précisés par arrêté du Ministre de la culture).
Surtout, lorsque l’acquéreur est professionnel, ces informations devront obligatoirement
figurer sur la facture et préciser que le remboursement de la RCP peut être
obtenu.
Ce décret, qui fût étrangement long à adopter, est
une excellente nouvelle pour les professionnels grands consommateurs de
supports de stockage.
Les montants économisés ne sont pas négligeables.
Voici quelques exemples calculés d’après les barèmes
Copie-France 2013 :
- un CD R de 700 Mo = 0,35 euros de RCP, une tour de 100 CDR = 35 euros,
- un DVD R de 4,7 Go = 0,90 euros de RCP, une tour de 100 DVR = 90 euros !
- une tablette 32Go = 15,84 euros,
- un smartphone 16Go = 9,6 euros.
Toutefois, il faudra attendre le 1er avril 2014 pour que les
dispositions de ce décret entrent pleinement en vigueur.
D’ici là, professionnels, inscrivez cette date dans
vos agendas et organisez-vous pour réclamer dès le 1er avril 2014 le
remboursement de la RCP payée sur tous supports de stockage achetés à partir de
cette date !