Découvrir la planète Open Data : l’ouverture pour quelle valeur ?

Inimaginable il y a un an, les données aériennes sont aujourd'hui gratuites à une définition de 5 mètres sur l’ensemble du territoire !

Si 2013 a confirmé la percée de l’Open Data auprès des organismes qui relèvent directement ou indirectement de l'état, 2014  invite désormais à s’interroger sur la notion de valeur générée par cette ouverture.
  • À quel moment une société, un État, peut-il basculer d’un modèle payant au tout gratuit ?
  • La réponse est-elle d’ordre économique ou sociétal ?
  • D’un point de vue financier, où doit-on fixer le point d'inflexion qui permet à un système de passer d'un modèle à l’autre ?
  • Comment peut-on interpréter le virage à 180 degrés opéré actuellement par les différents acteurs économiques ?
  • D’un point de vue sociétal, ce virage est-il un signe, un indicateur de maturité de notre société ?
  • Doit-on y voir un nouveau curseur pour évaluer la démocratie d’un État.
Le phénomène de l’Open Data prend une ampleur indéniable à travers le monde, témoin d’une évolution dans les modes de partage et de création de valeur, offrant ainsi aux sociologues ou aux économistes un nouvel objet d'étude, qui semble vouloir donner le "LA" à une nouvelle économie de marché.
Il y a près de deux ans, avant même l’inauguration du portail français consacré à l’Open Data, nous avions posé nos premières questions, nous interrogeant notamment sur sa capacité à favoriser l’émergence de nouveaux services. Qu’en est-il aujourd’hui de notre portail national ? Et comment l’Open Data en général s’exprime-t-il à travers le monde ?
  • Le premier constat est qu’en deux ans, le monde de l’Open Data a su montrer sa capacité à mobiliser les acteurs publics. Son dynamisme est largement perceptible à travers la tenue de nouvelles conférences annuelles au niveau européen et international. Ces colloques sont des indicateurs qui ne trompent pas sur la volonté, notamment des pays du vieux continent, de partager les meilleures pratiques et de favoriser de nouveaux partenariats.
  • Le second constat est que la planète OPEN DATA, comme le suggère la carte ci-dessous, peut être considérée comme le miroir des politiques nationales volontaristes menées par chaque pays.

Cette carte, réalisée à partir d’un recensement des pays qui possèdent leur propre portail, nous invite à explorer le monde de l’OPEN DATA sous un autre angle : En vert, toutes nuances confondues, les pays disposant de leurs propres portails. En vert foncé, ceux ayant plusieurs portails et qui pratiquent une politique nationale active dans l’Open Data ; en blanc, les pays qui sont dans une démarche de réflexion ou de collaboration à un portail.

Quels autres enseignements pouvons-nous tirer de  cette carte ?
  • Elle stigmatise le continent africain ainsi qu’une zone assez étendue vers les pays de l’orient. Si la majorité de ces pays ne possèdent pas de site en leur nom propre, de nombreuses données sont néanmoins disponibles sur le site agrégateur Opendataafrica.org qui propose des fonctionnalités de synthèse de l’information intéressante. 
  • Elle reflète également une vision particulière de l’expression de la démocratie ! Le volontarisme en majorité anglo-saxon concernant la mise en place de l’Open Data n’imprime-t-il pas ici une vision singulière du monde ? Cette position dominante anglo-saxonne a été récemment  confirmée, en juin 2013, par la création du GODI (Global Open Data Initiative) constitué de l'Open Knowledge Foundation, l’Open Institute, le Fundar, le Sunlight Foundation et le World Wide Web Foundation. Le GODI a pour vocation de partager les principes et la manière d'exploiter au mieux les opportunités offertes par l'ouverture des données publiques. Il sera intéressant de suivre la liste des pays ou des organisations qui vont solliciter le GODI.
Mais cette carte choroplèthe ne nous dit pas tout ! Elle ne nous dit rien notamment sur les aspects qualitatifs des données qui y sont disponibles depuis plus de deux ans. L’étude des sites que nous avons réalisée a permis de mettre en évidence des disparités concernant la forme et le contenu des portails. Notamment sur la définition même de l’Open Data qui semble être élastique ! Et son élasticité n’a rien à envier à la libre définition que les états donnent de la notion générale de liberté, de transparence et de démocratie participative. Pour anecdote, si les sites dans leur grande majorité sont accessibles en plusieurs langues, certains comme en Chine ne sont accessibles qu’aux sinologues et celui des Russes aux initiés du cyrillique !

Nous avons constaté plusieurs points communs aux 49 pays cartographiés en verts :
  • les contenus sont hétérogènes;
  • les comparaisons sont délicates, voire impossibles entre pays;
  • les méthodes de recherche et de classement de l’information sont fastidieuses;
  • les représentations associées aux données sont souvent indigestes.
La majorité des sites ayant moins de deux ans, on ne peut que s’attendre à des améliorations dans les années à venir, à l’image de la France, qui a inauguré récemment la nouvelle version de son site data.gouv.fr.  Cette nouvelle version devrait donner un nouveau souffle au portail national qui arbore fièrement la disponibilité de près de  130 000 jeux de données consultables gratuitement. L’enjeu de cette nouvelle version est de mieux valoriser cette masse d’information, pour la rendre plus facilement exploitable et nous l’espérons répondre à nos remarques générales propres à ce type de portail.

Si l’une des critiques les plus faciles à formuler concerne la difficulté de retrouver une information et d’en avoir une vision synthétique, des trésors d’imagination existent néanmoins pour faire parler et valoriser la lecture des données statistique !
L’exposition Expoviz  proposée par l’agence numérique de l’Ile de France, la Fonderie, en juin 2012 a su révéler un véritable gisement d’artistes, de chercheurs qui concilient esthétique et synthèse d’informations. Une exposition à redécouvrir ou à découvrir absolument sur panneaux.expoviz.fr. Ne faudrait-il pas faire appel plus largement aux qualités artistiques des agences de communication ou celui de certains chercheurs pour améliorer ces portails ?

Le site de l’OECD semble être un exemple pertinent, son interface conviviale et ludique est une invitation à découvrir les données. Il permet de pallier la disparité d’informations entre pays. L’émergence de ce type de méta-site semble une solution intéressante pour faciliter la lecture transversale des données pour une exploitation au niveau national et international.


Le cahier des charges d’un portail Open Data, nous le constatons, est complexe ! Et l’une des difficultés est la mise à disposition d’informations pertinentes pour permettre l’adéquation entre les données des services publics et la création de nouveaux services à la faveur d’une nouvelle dynamique économique ! Les données mises à disposition doivent avoir un sens sociétal et économique concret, car au-delà de l’aspect informatif elles doivent être exploitables pour favoriser l’économie réelle. Le cas du site Solar map est l’un des exemples souvent cité qui réunit ces conditions. Ce site mis en place par la ville de San francisco permet au citoyen d’informer la communauté du potentiel énergétique de sa propriété et aux entreprises de proposer des services appropriés en publiant également les installations réalisées…

Ainsi après plus de deux années de retour d’expériences sur les usages des portails Open Data se dessine une réelle volonté d’amélioration en termes de transparence et de lisibilité de l’information. Son adoption est aujourd'hui reconnue au sein des organisations publiques qui l’utilisent comme un Intranet des données. Ces données sanctuarisées sont enfin facilement disponibles au sein même des ministères, l'Open Data aura eu a minima cette vertu, celle de faciliter au sein des organisations publiques une meilleur lisibilité et accessibilité des données internes !
Dans cette continuité, nous pouvons souhaiter que le nouveau site français puisse évoluer régulièrement et tirer parti du meilleur de toutes les recommandations. Cette nouvelle vitrine qui représente un foisonnement extraordinaire d’informations, collectées souvent à notre insu, est notre « patrimoine commun » qui nous appartient, maintenant, à tous, de faire fructifier !