Licences multi-territoriales pour l’utilisation d’œuvres musicales en ligne

Transposition en droit français de la directive 2014/26/UE par ordonnance du 22 décembre 2016 concernant la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins et l’octroi de licences multi-territoriales de droits sur les œuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne dans le marché intérieur.

Si l’Internet ne connaît pas de frontières, le marché unique numérique n’est pas encore achevé et, notamment, le marché des services de musique en ligne au sein de l’Union Européenne demeure fragmenté. En particulier, la complexité et la difficulté inhérentes à la gestion collective des droits d’auteur rendent difficile de répondre à la demande croissante de la part des consommateurs de pouvoir accéder aux contenus numériques et aux services innovants qui y sont liés quelque soit le lieu où ils se trouvent au sein de l’Union.

C’est ce constat qui a amené le Parlement et le Conseil européens à adopter la directive 2014/26/UE du 26 février 2014 concernant la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins et l’octroi de licences multi-territoriales de droits sur les œuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne dans le marché intérieur.

Cette directive, qui s’inscrit dans le cadre de l’un des sept piliers de la Stratégie Europe 2020 définissant une stratégie numérique pour l’Europe, est l’aboutissement d’une longue réflexion menée au sein de l’Union à propos de la nécessaire adaptation de la gestion collective au nouvel environnement numérique.[1]

En effet, dès 1995, la Commission communiquait en faveur d’une telle évolution[2], puis l’a défendue à nouveau dans sa recommandation 2005/737/CE de 2005 en se prononçant notamment en faveur du mécanisme des licences multi-territoriales.

La directive de 2014 a deux objets principaux : le premier est l’harmonisation de la gestion collective des droits au sein de l’Union et l’amélioration de la gouvernance des organismes de gestion. L’accent est mis par le texte sur une exigence de transparence à l’égard de ces organismes, notamment en renforçant leurs obligations d’information et le contrôle de leurs activités par les titulaires de droits, de manière à inciter la création de services plus innovants et de meilleure qualité.

Le second objet du texte est la promotion des licences multi-territoriales pour l’utilisation d’œuvres musicales en ligne.

La transposition de la directive par voie d’ordonnance (prévue par l’article 94 de la loi n°2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création), le 22 décembre 2016[3], a intégré au sein du titre II du livre III de la première partie du Code de la propriété intellectuelle concernant les « sociétés de perception et de répartition des droits », quatre-vingt quatre dispositions législatives (il n’en comportait jusque là que treize).

Les fameuses licences font l’objet d’un chapitre V intitulé « autorisations d’exploitation multi-territoriales de droits en ligne sur les œuvres musicales », où elles sont définies par le nouvel article L.325-1 du Code de la propriété intellectuelle comme des « autorisations d’exploitation d’une œuvre musicale, octroyées au titre du droit d’auteur, à un prestataire de services en ligne sur le territoire de plus d’un Etat membre de l’Union européenne ».

Jusqu’à présent, une telle possibilité se heurtait à l’organisation territoriale de la gestion collective : les exploitants de services en ligne ou de téléchargement de musique qui souhaitaient obtenir les autorisations nécessaires à une exploitation sur tout le territoire de l’Union devaient s’adresser aux organismes de gestion intervenant chacun pour un territoire national.

Dorénavant, les organismes de gestion collective qui le souhaiteront pourront proposer des licences multi-territoriales, à la condition de respecter les exigences posées au nouvel article L.325-2 du Code de la propriété intellectuelle.

Ainsi, pour pouvoir prétendre à la délivrance de ces autorisations, ils devront être en mesure de gérer avec efficacité et transparence par voie électronique, tant le traitement des données nécessaires à la gestion des autorisations, que le contrôle de l’utilisation réelles des droits qui leurs sont octroyés dans ce cadre.

En outre, dans le cadre de la délivrance de ces licences, les sociétés de gestion collective ne peuvent ni conclure des accords de représentation exclusifs, ni refuser de représenter leurs homologues qui ne peuvent proposer de telles licences multi-territoriales (Art. L.325-3 CPI).

Par ailleurs, dans le cas où un organisme ne respecterait pas la règle précédente, les titulaires de droits ayant autorisé à octroyer des autorisations d’exploitation multi-territoriales sur leurs droits musicaux en ligne peuvent lui retirer cette gestion sans que cela n’affecte les autres autorisations données à l’organisme concernant la gestion de leurs droits d’auteur (Art. L.325-4 CPI).

Ces nouvelles règles ont pour objectif de permettre le développement de nouveaux services au bénéfice des fournisseurs de musique en ligne et, par suite, l’accès des utilisateurs à un plus large répertoire.

Si l’avancée est certaine, son intérêt reste limité en ce qu’elle concerne uniquement le droit d’auteur et non les droits voisins, dont on sait qu’ils sont pourtant très présents dans le domaine musical ; en outre, l’offre effective de licences valant pour tout le territoire de l’Union repose uniquement sur la capacité (et la volonté) des organismes de gestion collective à mettre en place une telle offre.  

Vincent Varet,  Avocat au Barreau de Paris et Amina KAHLAL                                                    


[1] Communication du 19 mai 2010 de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée « Une stratégie numérique pour l’Europe », COM(2010) 245 final.


[2] Livre vert de la Commission européenne du 27 juillet 1995 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la Société de l’Information, COM(95) 382 final.

[3] Ordonnance n°2016-1823 du 22 décembre 2016 portant transposition de la directive 2014/26 UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 concernant la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins et l’octroi de licences multi-territoriales de droits sur des œuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne dans le marché intérieur.