L’e-sport, nouveau terrain de jeu du marketing ?

Le 30 Octobre 2016, des centaines de millions de spectateurs se sont retrouvés devant leurs écrans pour observer une finale mondiale. Un match de football ? Non, il s’agit d’une confrontation entre deux équipes professionnelles sur un jeu vidéo, le plus joué au monde, League Of Legends (100 millions de joueurs actifs selon l’étude Forbes 2016).

Cette industrie appelée eSport est en plein essor depuis quelques années. La tendance s’est accélérée depuis 2014 avec le rachat de la plateforme de streaming 100% jeux vidéo Twitch par Amazon pour 914 millions de dollars.

L’e-sport n’est plus une niche mais bien une économie grandissante. Certaines entreprises asiatiques comme Samsung, Korea Télécom (sponsors d’équipes) et Ali Baba (en nouant un partenariat de 149 millions de dollars avec la Fédération Internationale d’eSport) l’ont déjà compris. Fleurissent également sur le PAF de nombreux programmes dédiés, à l’instar de Canal eSport Club sur Canal Plus.

Le marché occidental est pourtant encore dominé par des entreprises spécialisées (LDLC, Razor…). Néanmoins la porte a été ouverte par Coca-Cola qui sponsorise le World Championship de League Of Legends. Les deux clubs de football PSG et Schalke04, attendus sur des jeux de football, ont également sponsorisé des équipes à leurs noms sur ce même jeu. Pourquoi les départements marketing des marques classiques devraient s’y intéresser ?

Les chiffres ne mentent pas

Les nouvelles générations sont deux fois plus enclins à s’identifier à du contenu en ligne qu’a du contenu télévisuel. Cela ouvre un nouveau support publicitaire aux annonceurs, notamment via les mesures publicitaires mises à disposition par toutes les plateformes numériques.

L’ampleur du phénomène peut être analysée par l’évolution considérable des revenus et audiences liés à ce marché. L’évolution des revenus est notable, de 750 millions de dollars en 2015*, 892 millions de dollars en 2016, le milliard de dollars étant prévu en 2017.

Au sein de ces revenus, le sponsoring dédié atteint 661 millions de dollars en 2016, soit 11% de moins que le total de la saison NBA 2015. Le reste des revenus de 2016 correspond à diverses activités (tournoi, paris en ligne, billetterie et merchandising). Les audiences liées à ces évènements sont également à mettre en avant : 188 millions de « viewers » (spectateurs devant leurs écrans) en 2015, 214 millions en 2016, les 300 millions étant prévus pour 2017.

En continuant le comparatif entre la NBA et l’eSport, le résultat est surprenant. En effet les finales NBA de 2016 ont cumulé une audience de 140 millions de spectateurs, soit moins que l’eSport sur la même année.

L’ampleur devient mondiale, et plus seulement asiatique. Le public concerné, majoritairement des hommes de 18 à 34 ans, est l’un des plus prisés par les annonceurs. Ils sont prescripteurs et investis, prêts à dépenser sur des produits dérivés (35 % achètent des articles de leur marque, 15 % des vêtements et goodies).

Tout cela a poussé les deux derniers sponsors des équipes victorieuses du World Championship de League Of Legends à investir : Samsung et Korea Telecom. Les fans de ces deux équipes ont développé un sentiment d’appartenance similaire à celui concernant les équipes sportives traditionnelles.

Il s’agit d’un levier puissant pour monétiser la marque et accroitre la réceptivité à la publicité. Les départements marketing des compagnies asiatiques ont ainsi compris depuis des années l’intérêt de fidéliser ces fans.

Les entreprises occidentales, vont pouvoir profiter d’une visibilité internationale sur les cibles que sont les générations digitales. Celles-ci s’avérant très peu réceptives aux modes de publicité classiques. Les individus nés après 2000 seraient 1,8 fois plus à même d’essayer une marque ou un produit recommandé par un joueur d’eSport connu, plutôt qu’une autre célébrité.

De nombreux vecteurs Marketing peuvent être utilisés afin de renforcer la stratégie multicanal des entreprises. Le sponsoring d'évènements et le naming permettent de développer la visibilité et la notoriété de la marque. Le sponsoring d’équipes et de joueurs professionnels développe également un sentiment d’appartenance à la marque et fidélise le consommateur.

Ce sponsoring permet l’ouverture de nouveaux marchés extérieurs, une marque occidentale recrutant les meilleurs joueurs et équipes asiatiques, s’assurerait une visibilité accrue pour tous les fans de ces joueurs et équipes.

Le partenariat avec des streamers (joueurs diffusant leurs matchs sur internet) connus peut être également à envisager. La plateforme Twitch impose un certain nombre de publicité par heure. De nombreux streams ont une moyenne de plus de 30000 viewers. Une publicité les touche ainsi instantanément.

Des difficultés existent pour les entreprises à trouver un lien entre la marque et l’eSport. Comment raccrocher cet investissement à une stratégie Marketing globale ?

Plus de visibilité sur les nouvelles générations signifie également toucher un public connecté en permanence sur les réseaux sociaux. Comment gérer les effets de bords liés au buzz (bon ou mauvais) de l’arrivée d’une marque classique dans ce secteur ?

La réussite Samsung, Korea Télécom, Coca-Cola comme précurseurs devrait permettre la démocratisation de cette industrie au sein des grandes sociétés occidentales. Ces questions se sont déjà posées lors de l’arrivée massive des marques dans le sport traditionnel. Nul doute qu’elles trouveront leurs réponses pour ce nouvel Eldorado qu’est l’eSport.

Le dernier mot se doit d’être laissé au comité Olympique Coréen. Ce dernier a reconnu en 2015 le sport électronique comme sport Olympique au même titre que les échecs, la course automobile ou bien encore le polo. Alors pourquoi pas l’eSport aux JO de Paris 2024 ?