Eric Min (Zwift) "Nous voulons développer la plus grande plateforme au monde dédiée au fitness"

Appli star de l'entraînement sur vélo fitness mixée à un réseau social, Zwift connait un succès considérable, au point d'avoir levé 450 millions d'euros en septembre. Son CEO dévoile son projet qui va bien au-delà d'une simple appli.

JDN. Jeux vidéo, monde virtuel, programme d'entraînement pour cyclistes, etc. Comment définiriez-vous Zwift ?

Eric Min est le CEO de Zwift. © Zwift

Eric Min. Zwift est une plateforme dédiée au fitness à laquelle nos membres se connectent pour s'entraîner, pour se mesurer à d'autres cyclistes ou bien pour profiter d'interactions sociales. Zwift n'a pas vocation à remplacer les activités en plein air mais est plutôt un complément. En tant que cycliste passionné qui réside à Londres, je sais à quel point il est difficile de pratiquer un sport à l'extérieur au quotidien, que ce soit à cause de la météo, du trafic ou par manque de temps. Zwift rend la pratique du vélo et de la course à pied plus amusante, addictive et pratique. Basée à Long Beach en Californie, l'entreprise emploie aujourd'hui 400 collaborateurs à travers le monde. En septembre dernier, nous avons annoncé une nouvelle levée de fonds de 450 millions de dollars.

Comment fonctionne la plateforme ?

Pour démarrer sur Zwift, il faut dans un premier temps installer la partie hardware. Vous pouvez, au choix, utiliser votre vélo qu'il faut connecter à un home trainer ou bien acheter un vélo connecté, ce qui est la solution la plus simple. Une fois connecté à Zwift sur votre ordinateur, tv ou tablette, il ne reste plus qu'à vous choisir un avatar puis à sélectionner la carte virtuelle que vous voulez parcourir ou le programme d'entraînement que vous souhaitez réaliser. Près de 2 millions de personnes ont déjà créé un compte sur Zwift. Nos utilisateurs passent en moyenne près d'une heure sur notre plateforme. Notre objectif est de permettre à nos utilisateurs de garder la ligne à travers une expérience sociale et addictive qui emprunte les ressorts du jeu vidéo.

Quelle est votre méthode pour motiver vos utilisateurs à se dépasser et à parcourir toujours plus de kilomètres ?

Les interactions sociales sont au cœur de l'expérience. Sur Zwift, une application mobile permet d'envoyer des messages aux autres cyclistes en temps réel. Vous pouvez également organiser un meetup, une course privée avec vos amis, un groupe d'entraînement, etc. Parallèlement à cela, il y a aussi toutes les fonctionnalités de gamification. Comme dans un jeu vidéo, nous motivons nos membres à travers des challenges leur permettant d'obtenir différentes récompenses, tel un badge symbolisant un objectif atteint.

Il est aussi possible de débloquer des niveaux ou de gagner un nouveau vélo si vous arrivez à monter le sommet d'une montagne par exemple. Le fait d'avoir des milliers de personnes autour de vous est également une autre source de motivation. En tant que compétiteur, vous n'avez probablement pas envie de laisser d'autres personnes vous dépasser.

Comment se décompose votre modèle de revenus ?

"Nous commercialiserons bientôt nos propres vélos connectés" 

Nous nous rémunérons grâce à un abonnement de 14,99 euros par mois, qui est annulable à tout moment. Ce modèle nous impose de travailler dur si nous voulons que, chaque mois, nos clients conservent leur abonnement. Nous permettons également à ceux qui le souhaitent de tester la plateforme gratuitement dans une limite de 25 km de parcours. A noter que nous ferons bientôt évoluer notre business model dès que nous commencerons à commercialiser nos propres vélos connectés.

Qu'est-ce-qui a motivé cette décision de commercialiser vos propres appareils ?

Lorsque nous avons lancé Swift, nos utilisateurs étaient des cyclistes réguliers, et aujourd'hui encore les plus grands noms du cyclisme utilisent Zwift pour s'entraîner. Pour autant, nous observons de plus en plus d'utilisateurs pratiquant un cyclisme de loisir s'inscrire sur notre plateforme. C'est pourquoi l'un de nos objectifs est de simplifier l'expérience sur Zwift, notamment du côté hardware, car nous voulons qu'il soit très facile pour ces utilisateurs débutants de souscrire à l'expérience Zwift en quelques clics. Cette intégration entre software et hardware devrait nous permettre de créer une expérience sans friction en optimisant notre plateforme pour ces appareils, ce qui est plus difficile à faire avec du matériel créé par une autre entreprise.

Est-ce la raison pour laquelle vous avez réalisé cette levée de 450 millions de dollars en septembre dernier ?

Oui, le principal objectif est de simplifier l'expérience pour ces cyclistes plus occasionnels. Outre la fabrication de ces vélos connectés, nous voulons pouvoir recommander à nos membres des activités physiques adaptées à leurs envies et à leur profil. De la même manière que Netflix vous propose des contenus à regarder, Zwift pourra proposer un catalogue d'activités personnalisé. Plus nous connaîtrons vos habitudes, plus notre algorithme de recommandation alimenté par l'IA pourra vous recommander des exercices adaptés. Vous ne devriez jamais avoir à réfléchir à quel programme effectuer.

A quelle date prévoyez-vous de sortir ces vélos connectés ? Seront-ils équipés d'un écran ?

"Nous pourrions être rentable demain si nous le souhaitions"

Nos premiers vélos n'auront probablement pas d'écran intégré pour une raison de coût. Nous souhaitons rendre cet équipement accessible pour le plus grand nombre et nous savons que beaucoup de personnes ont chez eux une tablette, une tv, ou un ordinateur. Nous travaillons actuellement sur le développement du produit et je ne peux donc pas annoncer une date de sortie. Nous faisons notre maximum pour lancer la commercialisation le plus tôt possible car c'est un élément très important dans notre stratégie de croissance. Mais la situation n'est pas évidente en raison de la situation sanitaire. Paradoxalement, nous faisons face à une très forte demande, notamment en France, mais dans le même temps nous rencontrons des difficultés dans la fabrication de nos appareils. Comme vous le savez, toutes les chaînes logistiques sont impactées par la crise du Covid.

Outre ces vélos connectés, prévoyez-vous de développer des appareils pour d'autres sports ?

Nous créerons probablement des appareils connectés pour la course à pied et la pratique du rameur. Investir dans la production d'appareils pour ces deux catégories me semble, à terme, inévitable tant l'intégration entre software et hardware est importante pour proposer de belles expériences. Si le cyclisme, la course à pied et le rameur sont trois sports que l'on peut exercer facilement chez soi en face d'un écran, ce n'est pas le cas pour tous les sports. Si vous souhaitez pratiquer du yoga, de la danse ou de la boxe par exemple, il faudra probablement utiliser la réalité augmentée ou virtuelle. Malheureusement, ces technologies ne sont pas encore assez matures. Zwift est compatible avec la VR, mais l'expérience n'est pas agréable car ces casques sont encore trop lourds et ne s'adaptent pas à la pratique d'une session de sport pendant laquelle vous transpirez.

L'entreprise est-elle rentable ?

Nous pourrions être rentable demain si nous le souhaitions mais notre objectif est de continuer d'investir dans notre croissance. Nous voulons continuer d'acquérir des abonnés tout en développant notre gamme d'appareils. Regardez le nombre d'années qu'il a fallu à Amazon ou Netflix pour devenir rentables : ces entreprises ont pris le temps d'investir pour continuer à se développer. Nos investisseurs partagent notre vision. Notre objectif est de développer la plus grande plateforme au monde dédiée au fitness.

Nous voulons aussi nous développer dans le domaine de l'e-sport. Cette année, Zwift a notamment organisé le premier tour de France entièrement virtuel. Les athlètes qui participent habituellement au tour de France ont participé à sa version virtuelle pendant trois week-ends. Cet évènement a été retransmis par 20 diffuseurs dans 120 pays. Il s'agit d'une étape importante, en espérant, un jour, voir cette discipline intégrée à un évènement aussi iconique que les Jeux olympiques.