Internet en 2049 : Do it yourself !

Pour le dernier épisode de la série consacrée au livre "Internet en 2049 : maîtres ou esclaves du numérique ?" le JDN vous propose de commenter la conclusion de Benoît Sillard. Croyez-vous aux réseaux personnels de connaissance ?

La modernité s'est caractérisée par l'émergence de l'individu face au groupe. Auparavant, on était membre d'une corporation, d'un village, d'une nation, d'une religion : la personne comptait peu face à sa communauté. L'évolution des pratiques et des mentalités a mené à la prise en compte de chaque individu : ses besoins, ses intérêts, ses désirs, sa personnalité et son identité. Mais le risque était que cet individu se retrouve isolé, affaibli, privé des soutiens que lui apportaient ses anciens cercles d'appartenances sociales.

La révolution numérique va poursuivre cette tendance moderne en dépassant ses limites et ses contradictions : elle sera centrée sur l'individu, comme nous l'observons, mais elle fera la part belle à tous ses liens personnels et sociaux. Surtout, elle va répondre à la principale nécessité qu'affronte l'individu dans son nouvel environnement : celle de la connaissance au sens large. Cette connaissance n'est pas seulement la compréhension théorique du monde, mais le guide pratique de toutes nos actions : les informations ciblées, qualifiées, pertinentes dont nous avons besoin tous les jours pour faire les bons choix.

Le savoir, c'est le pouvoir : l'individu sera amené à produire lui-même les conditions d'une existence meilleure. Les Anglo-Saxons ont résumé cette attitude d'une formule : DIY pour "do it yourself !" ("fais-le toi-même !").

Dans un proche avenir, on peut prédire l'émergence de réseaux personnels de connaissance mieux adaptés que le web 2.0 actuel aux besoins, désirs et intérêts des individus. Ces réseaux seront de taille plus restreinte et dirigés par l'individu lui-même – du point de vue matériel par des microserveurs gérant ses identités et sa navigation numériques, du point de vue de logiciel par des agrégateurs et des wikis souples, personnalisés.

Les formes actuelles du web 2.0 ont montré leur qualité, dont cet ouvrage a abondamment parlé, mais aussi leurs limites. Le blog reste souvent prisonnier de la logique one to many des anciens médias, c'est une tribune plus qu'une boîte à outil. Dans leur configuration présente, les réseaux sociaux comme Facebook servent plus au délassement qu'autre chose, les informations vraiment utiles sont noyées dans des flots parasites. Les encyclopédies de type Wikipédia sont pensées dans une logique universelle : leur importance est indéniable, mais ces sources ne sont pas suffisamment calibrées pour un usage personnel.

Les réseaux personnels de connaissance vont accompagner l'émergence du web en navigation majoritairement sociale et mobile (horizon actuel du 3.0), puis du web sémantique en temps réel et élargi aux objets (horizon 4.0). Au cours de son existence, chacun rencontre de manière récurrente ou occasionnelle un grand nombre de défis pratiques ou théoriques. Comment décider au mieux ? Où trouver les informations utiles ? Comment éviter les erreurs ? Les réseaux de connaissance apporteront les meilleures réponses à ces défis : celles que l'on produit soi-même en fonction de ses connaissances et de ses expériences, celles que d'autres ont produites et partagées avant nous.

L'amélioration continue de ses connaissances mobilisera pour chaque individu ses capacités à travailler en équipe et en réseau, ses aptitudes à l'intuition, à l'imagination, à l'expression et à l'interprétation, ses méthodes de synchronisation et de coopération. Ce "tableau de bord" intelligent et social deviendra peu à peu notre assistant personnel, indispensable pour toutes nos tâches quotidiennes.

Quatre facteurs vont accélérer l'émergence des réseaux personnels de la connaissance. Le premier est le plaisir : dès le plus jeune âge et tout au long de notre vie, nous aimons partager nos impressions, nos informations, nos coups de cœur et nos idées. Le deuxième est l'affinité : nous cherchons nos pairs, c'est-à-dire les gens avec qui nous partageons le même horizon de goût et de besoin. Les identités numériques entre pairs seront bien plus riches, mouvantes et complexes que les anciennes identités historiques. Le troisième facteur est la notoriété : le désir de reconnaissance est un puissant moteur de l'action humaine. Notre réputation, notre image, notre utilité sociale et notre mérite personnel sont des biens auxquels nous attachons la plus grande importance. Enfin, le quatrième et dernier facteur sera la nécessité, c'est-à-dire l'économie : la connaissance n'est pas un luxe que l'on satisfait en dernier lieu, elle est désormais au fondement de la création de valeur.

Dans son maître ouvrage sur La Méthode, Edgar Morin compare la connaissance à "une symphonie". Au cours de ce siècle, chacun en deviendra le chef d'orchestre, et tous profiteront de sa musique.

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