"Nous annoncerons bientôt des partenariats avec d'autres majors qu'Universal"

Partisan de la licence globale et anti-DRM, Jean-Marc Plueger, co-fondateur du service d'écoute de musique à la demande Jiwa, s'est prêté au jeu des questions réponses quant au futur de la musique en ligne.

Pouvez-vous nous présenter votre société ?

Jean-Marc Plueger. Avec plaisir, Jiwa est un système d'écoute de musique en haute qualité et gratuit. Nous avons ouvert le 13 mars. Et nous sommes le premier site français à avoir obtenu le catalogue d'Universal Music France. Universal, ce sont des artistes comme Bob Marley, Vanessa Paradis, Mika, etc.

Puisque vous n'avez signé qu'avec Universal comme major, ne craignez-vous pas que les gens aillent plutôt sur Radioblog ou Deezer ?

Vous trouvez sur Jiwa un catalogue de plus en plus important : en ce moment même nous sommes en train de rajouter des dizaines de milliers de morceaux de catalogues indépendants, et nous sommes en discussion avec les trois autres majors pour vous proposer un catalogue exhaustif. Mais notre grande différence avec les sites que vous avez cités c'est la qualité. Nous encodons nous-mêmes les fichiers que nous récupérons directement auprès des producteurs, et cela à partir d'enregistrements "lossless" (sans perte de qualité, ndlr).

Quand allez-vous annoncer d'autres partenariats avec des majors ?

Il est chez quelle major "Gérard Manset" ? Blague à part, c'est pour très bientôt, je ne peux pas vous donner de dates mais nous allons faire des annonces importantes dans les semaines qui viennent.

Quel est votre business model au juste ?

Notre business model est simple. D'un côté les coûts : nous payons la Sacem à chaque fois qu'un titre est joué (ça c'est pour les auteurs et les compositeurs), et la maison de disque. De l'autre côté les recettes : aujourd'hui de la publicité visuelle, demain des systèmes d'affiliation (places de concert, téléchargement...).

N'avez-vous pas peur qu'une major se positionne sur l'écoute de musique en ligne comme vous, et concurrence votre modèle avec des forces marketing supérieures aux vôtres ?

L'Internet c'est un métier, et ce n'est pas vraiment celui des majors. Aujourd'hui c'est même frappant de voir que la musique est au coeur des plus belles réussites Internet de ces dernières années : l'iPod, Youtube (beaucoup de trafic lié à la visualisation de clips), MySpace... Mais que les tous les sites Internet des majors ont fait des flops.

Le concept de licence globale revient à la mode. Qu'en pensez-vous ? Ca peut casser votre business ?

A titre personnel je suis pour, et en tant que cofondateur de Jiwa je suis à 200 % pour. Cela nous permettrait de diffuser tous les catalogues à moindre prix. Mais malheureusement, cela n'est pas près d'arriver en France, surtout avec cette loi ultra répressive qui va être votée suite au rapport Olivennes.

Pascal Nègre (Universal Music) a dit en 2007 que financer la musique par de la pub était une absurdité... Vous l'avez rencontré ?

Pascal Nègre (communiqué du 13 mars 2008) a déclaré "la musique financée par la publicité est un moyen de faire connaître nos artistes au plus grand nombre". C'est quelqu'un de pragmatique à qui nous avons pu faire comprendre qu'un projet comme Jiwa, c'est aussi un formidable outil de lutte contre le piratage.

Pourquoi les majors ont-elles toujours pris les mauvaises décisions (répression, DRM, organisation de la rareté des titres, flexibilité sur les prix nulle sur le Web...) ?

C'est vrai, vous avez raison. Les mauvaises décisions se sont enchaînées les unes après les autres. C'est une question de compétence et de dimension du problème. Mais les choses changent, trop doucement je le reconnais... Les DRM sont progressivement abandonnés, et un site comme Jiwa peut exister légalement. Il y a encore beaucoup de chemin à faire.

Comptez-vous vous lancer dans la production ou vous rapprocher d'un acteur 100 % Web comme Believe ?

Nous sommes un partenaire de Believe : nous sommes en train en ce moment d'encoder les 150.000 titres de son catalogue que vous allez pouvoir écouter gratuitement sur Jiwa dans les jours qui viennent. Il n'y a pas de projet de production en interne chez Jiwa aujourd'hui... Cela pourrait avoir un sens demain, bien sûr, d'autant plus que Thierry Rueda, le cofondateur du site, est un professionnel de la musique qui connaît bien le métier.

Comment expliquez-vous la réussite de Live Nation aux US ? Va-t-il finir par être plus puissant que les majors ?

Pour tous les internautes : Live Nation est cette société aux US qui a signé (entre autre) Madonna. C'est assez symptomatique du bouleversement que connaît le disque : Radiohead, Nine Inch Nails, Madonna : trois grands groupes / artistes qui ont quitté leurs majors.

L'expression à la mode en ce moment c'est "360". Les gros contrats d'artistes intègrent la tournée, le disque, le marchandising. Pour répondre à votre question : je ne sais pas si Live Nation va devenir une major, mais je suis sûr que les contrats "360" vont se multiplier.

Pourquoi un Live Nation n'existe-t-il pas en France ? Personne n'a eu l'idée de monter un business similaire ici alors que les concerts n'on jamais autant rapporté ?

Je crois que les majors françaises sont en train d'intégrer cette activité de tourneur.

Quels modèles originaux et intéressants voyez-vous apparaître aux US ?

Beaucoup de modèles sont testés en moment aux USA mais aussi en France, pays pionnier sur la musique sur Internet, et assez en avance. Par exemple Amieville (US) : le prix du morceau augmente avec le temps. Plus c'est acheté plus c'est cher, ou encore MyMajorCompagnie (France) pour devenir producteur d'un artiste.

Les maisons de disques ne sont-elles pas devenues inutiles depuis que le Web permet à n'importe quel artiste de se faire un nom sur le Web ? Arrivera-t-on un jour à s'en débarrasser ?

Oui et non. Oui, si vous êtes un nouvel artiste, vous pouvez vous passer d'une major. Vous pouvez assurer votre promotion et votre distribution sans l'aide d'une major, pas de problème. Là où les majors restent incontournables, c'est sur tous les catalogues qu'elles possèdent. Ne retenez pas votre souffle : les majors sont encore là pour longtemps.

Une étude montre que les ventes de musique sur Web et mobile ne réussiront pas à compenser l'effondrement de la vente de disques. Même dans 5 ans. Dans ces conditions, comment répondre aux craintes des maisons de disques ?

Oui, vous avez raison, Internet plus le mobile ne compenseront pas la baisse de la vente de disques. Le marché mondial de la musique était de 40 milliards de dollars au plus haut, et ces jours là sont finis. C'est un marché plus petit aujourd'hui, et qui intègre plein de façons différentes de vendre de la musique : droits voisins, financement par la pub (Jiwa), un fournisseur d'accès (Neuf), un fabriquant de mobile (Nokia), vente au morceau (iTunes), ou des tournées. Est-ce que tout cela mis bout à bout fait autant qu'hier avec le bon vieux disque? Non. Il faut vivre avec.

La musique va-t-elle devenir un plus marketing pour promouvoir d'autre produits, comme Apple le fait déjà pour ses iPod et iPhone, ou des marques de lessives qui donnent des titres gratuitement à ceux qui achètent leurs bidons en grande surface ?

Quand on à 20 ans aujourd'hui, il y a de grandes chances que l'on n'ait jamais acheté un CD ou même un morceau sur iTunes. Et demain, on va dire à cette personne : les règles ont changé, paye ta musique ? Non, cela ne peut pas marcher. Je crois au modèle de la musique payée par un tiers. Dans le cas de Jiwa c'est l'annonceur qui paye la note. Dans le cas de Neuf c'est votre FAI.

Avez vous prévu d'intégrer une fonction capable de distinguer les goûts musicaux des visiteurs de Jiwa, afin d'affiner les chansons diffusées sur vos chaînes "radios" ?

Vous avez sur le site une fonction que nous appelons Similiradio, qui est basée sur les goûts de nos utilisateurs. Le flux généré est basé sur un algorithme collaboratif en étudiant les écoutes des utilisateurs inscrits. Nous allons améliorer ce système pour permettre aux utilisateurs de dire "j'aime" ou "j'aime pas", afin d'affiner le flux.

Comment jugez-vous les résultats des ventes de titres sans DRM ? Sont-ils meilleurs qu'avec ?

Je n'ai pas les chiffres précis des ventes sans DRM. Mais je crois savoir qu'ils sont meilleurs sans.

Quel est votre site favori sur la musique ?

C'est Jiwa bien sûr ! Mais j'aime aussi beaucoup Hype Machine (www.hypem.com), Anthony est un super développeur très ingénieux.

Quel est votre réseau peer-to-peer favori ?

Hé hé hé. Du bit torrent bien sûr, et Pirate Bay évidemment. Rappelez-vous : "sharing is caring".

Jean-Marc Plueger. Merci à tous pour vos questions passionantes, et merci au Journal du Net pour me donner l'occasion d'y répondre. Suivez Jiwa de près, je vous promets des choses passionnantes à venir dans un futur proche !