Programmatique : les robots vont-ils envahir les trading desks ?

Programmatique : les robots vont-ils envahir les trading desks ? Les algorithmes font tourner les trading desk d'achat et vente de publicités digitalisées. Ces programmes peuvent-ils prendre le dessus sur les opérateurs humains ?

Chez Goldman Sachs, les traders actions étaient 600 en 2000. Ils ne sont aujourd'hui plus que 2. Les 598 autres ont été remplacés par 200 ingénieurs informatiques chargés de piloter les algorithmes de trading. Une telle évolution est-elle envisageable dans l'univers du programmatique ?

"Dans la finance, il s'agit uniquement de data. La sensibilité marketing n'existe pas, contrairement à la publicité où l'humain apportera toujours plus de valeur que la machine", affirme Yohann Dupasquier, patron de la plateforme d'achat programmatique Tradelab. "Dans une campagne pour une enseigne de distribution par exemple, il sera beaucoup plus rapide de confier à un opérateur humain la définition de la cible et de la zone de chalandise que d'apprendre à la machine à le faire", analyse Yohann Dupasquier. Dans le jeux-vidéo, un des domaines de prédilection de Tradelab, c'est l'humain qui va décider de cibler les possesseurs de PlayStation 4 pour vendre un nouveau jeu. Un algorithme passerait des mois à comprendre que ce sont ces propriétaires de PS4 qui vont acheter prioritairement ce jeu.

"En revanche, le programme est capable de déterminer des micro-signaux (parcours de navigation, fréquence de surf, etc...) qui, pris indépendamment, n'ont aucune valeur. Mais envisagés dans leur ensemble, ils sont très prédictifs du comportement des utilisateurs", ajoute le fondateur de Tradelab. Le trading desk, qui emploie 130 personnes, connaît une croissance de + 70 % et continue d'embaucher. Yohann Duspaquier est persuadé qu'à moyen terme 100 % des achats d'espace sur le digital se feront en programmatique.

S'ils ne disparaissent pas, les métiers du programmatique vont évoluer. "Les gens feront moins d'opérations laborieuses et plus de conception et de réflexion", estime le fondateur de Tradelab. Frédéric Lefebvre, président de Zebestof, la plateforme programmatique du groupe Figaro - CCM Benchmark (éditeur du JDN), fait lui la distinction entre branding et performance. "En branding, l'annonceur achète un contexte et un support, c'est du plan média à l'ancienne et donc le travail d'un humain. Pour la performance, c'est l'algorithme qui va booster la campagne", explique-t-il.

L'émergence de nouveaux métiers

La question "humain versus machine" est donc pertinente uniquement sur la partie performance. "Le tout algorithme n'existe pas car les annonceurs demandent systématiquement de mêler plusieurs objectifs et KPI", ajoute Frédéric Lefebvre. Zebestof,qui croît de plus de 100 % tous les ans, continue de recruter des ingénieurs et des traders qui gèrent désormais jusqu'à 50 campagnes simultanément.

Chez iProspect, l'agence de marketing digital de Dentsu - Aegis, Pierre Calmard croit à la fusion de l'intelligence artificielle (IA) et de l'humain. "Dans le futur, nous allons vers une logique d'homme augmenté. En attendant, je ne crois pas à la disparition de nos métiers. Mais le travail humain a changé de dimension." Dans le programmatique, le président d'Iprospect envisage une disparition des métiers liés au médiaplanning et aux achats et voit apparaître deux métiers nouveaux : les data scientists, qui paramètrent les plateformes et utilisent le machine learning (apprentissage automatisé) et les métiers de conseil.

"Le client est un être humain,. Pour l'accompagner, il faut des gens qui parlent son langage. C'est une opportunité d'être présents chez nos clients au plus haut niveau", estime Pierre Calmard. Le digital a permis de remonter au niveau des directions générales, comme l'a prouvé le gain récent par iProspect du budget mondial d'Accor pour l'achat média on et offline.

Encore faut-il pouvoir attirer ces talents. Comme les data scientists convoités par tout le monde, des annonceurs aux agences médias en passant par les régies et dont les salaires ont bondi (40 à 90 000 euros annuels selon Glassdoor). "On est passé d'un métier où on pouvait avoir une connaissance théorique des choses à une époque où la connaissance pratique est essentielle. Le digital et la data, c'est comme le Kamasutra : on doit être bon en théorie et en pratique", conclut avec humour Pierre Calmard.