OPS et performance : un mariage de raison... parti pour durer
"Ça devient de plus en plus compliqué de monter des OPS, tant les exigences de nos clients sont difficiles à satisfaire." Ce salarié d'un grand groupe média, en charge des opérations spéciales n'en démord pas. Les attentes des annonceurs et des agences qui le représentent, ont grandement évolué. "A mes débuts, on se mettait d'accord sur une enveloppe budgétaire et un KPI simple, comme un nombre de visites ou de vidéos vues. Aujourd'hui, ce sont des discussions de marchands de tapis durant les briefs", observe-t-il. Ainsi, au moment des appels d'offres, les marques privilégient de plus en plus les chiffres promis à la force de l'idée créative ou aux valeurs des médias qu'elles mettent en concurrences. Un comble pour ce type d'opérations dites "sur mesure", pensées pour permettre à une marque de sortir des campagnes publicitaires classiques.
"Pas évident de vendre un dispositif de quelques centaines de milliers d'euros quand on sait qu'avec quelques centaines d'euros, on peut toucher des millions de personnes sur Facebook"
S'il n'est pas aussi alarmiste, le responsable des OPS de 20 Minutes, Julien Sauvageot, observe lui aussi une évolution des mentalités. "On est de plus en plus challengés sur les KPI de médiatisation, c'est-à-dire les moyens que l'on met pour donner de la visibilité au dispositif", confirme-t-il. Ce serait, avant tout, une question de réassurance. "C'est compliqué pour un client de se dire qu'il dépense X euros pour X visites sur un article dédié. Cela occasionne généralement un coût au contact élevé qu'il aura du mal à justifier auprès de sa hiérarchie", poursuit Julien Sauvageot. C'est particulièrement vrai dans le contexte actuel de restrictions budgétaires où chaque euro dépensé doit être justifié. "Ce n'est pas toujours évident de vendre un dispositif de quelques centaines de milliers d'euros qui fera beaucoup moins de visites, quand on sait qu'avec quelques centaines d'euros, on peut toucher des millions de personnes sur Facebook", analyse Viviane Rouvier, directrice déléguée de l'agence Ganz chez Prisma Media Solution. Ajouter au dispositif d'autres KPI, comme le reach d'un post Instagram qui se fait le relai de l'opération ou le nombre de vues réalisées par la homepage où le dispositif a brièvement été affiché, permet, à défaut d'alléger la facture et de booster la rentabilité du dispositif. "On fait comme Facebook et on valorise désormais le earned media, c'est-à-dire toute l'audience qui n'a pas cliqué sur le dispositif mais y a été exposée d'une manière ou d'une autre", résume Julien Sauvageot.
"On ne faisait quasiment jamais de post tests à mes débuts pour mesurer l'évolution de la perception d'une marque
Les nouvelles obligations des régies médias ne s'arrêtent toutefois pas aux moyens qu'elles ont engagés pour booster la visibilité de leur OPS. De plus en plus souvent, elles doivent également attester des résultats que cette dernière occasionne. La "faute" à une nouvelle typologie d'acteurs, issus du numérique, qui n'ont aucun scrupule à aller très loin dans leurs engagements. "Un acteur comme Reworld Media, qui garantit systématique des KPI de succès, a clairement changé les règles du jeu", observe Viviane Rouvier. Le groupe média, qui s'est construit à coup de rachat de marques print en perte de vitesse, n'hésite plus à proposer des dispositifs d'OPS qui ramèneront des milliers de leads à ses clients. Une promesse rendue possible par son expertise en matière de marketing digital, via sa filiale Tradedoubler notamment, et par la volonté de se différencier dans un environnement hyper concurrentiel.
"S'engager sur des KPI que l'on tient, c'était le meilleur moyen de vendre lorsque nous étions encore un nouvel arrivant qui avait tout à prouver", explique la directrice de la régie de Reworld Media, Elodie Breteau-Fonteilles. Et de préciser que ces engagements ne concernent pas que des leads ou des ventes mais également des items plus qualitatifs, comme l'évolution de la perception de la marque. Des items qualitatifs qu'il faut également de plus en plus souvent mesurer. "On ne faisait quasiment jamais de post tests à mes débuts pour mesurer l'évolution de la perception d'une marque, c'est aujourd'hui fréquent", confirme Julien Sauvageot. Qu'il s'agisse d'Happydemics, pour les dispositifs 100% digital ou d'Opinion Way, voire d'un panel lecteur, pour ceux qui intègrent le print, 20 Minutes ne regarde pas à la dépense pour démontrer l'efficacité de ses campagnes…
"L'important, c'est que les règles du jeu soient claires entre le client et le média, assure Elodie Breteau-Fonteilles. Il faut éviter, comme c'est malheureusement parfois le cas, que les KPI changent en cours de route." La phase de définition des briefs clients prend toute son importance. "Il ne faut pas hésiter à challenger l'agence média sur ce qu'elle veut", estime Viviane Rouvier. Car à vouloir tout mesurer, on peut s'éparpiller. "On ne peut pas demander d'une OPS qu'elle soit efficace sur tous les fronts. Qu'elle serve votre notoriété, qu'elle vous permette de recruter des nouveaux clients et générer des ventes", prévient Viviane Rouvier. "Oui, les clients ont envie de raconter que leur marque est formidable… mais ils ont aussi besoin de faire du business", nuance Elodie Bretau-Fonteilles.
Il n'est donc pas impossible, dans le cadre d'une OPS, de concilier branding et performance, estime la dirigeante. Et de donner l'exemple d'une campagne de contenus pour un vendeur de robots de cuisine à plus de 1 000 euros, qui a mobilisé 7 marques du groupe, dont Grazia et Biba, et généré le double de ventes sur lesquelles Reworl Media s'était engagé. "Une campagne OPS qui allie qualité édito et contexte peut réaliser de meilleures performances qu'une campagne display en open auction", assure-t-elle.
"L'OPS, c'est d'abord un transfert de valeur entre la marque et le média qui raconte son histoire"
Si elle comprend les raisons de ce virage performance, Viviane Rouvier craint qu'il n'occulte à terme l'essence même de son métier. Car la logique de performance peut vite desservir l'idée créative. "La régie média ne va pas prendre le risque de faire une vidéo très longue si elle s'engage sur un taux de complétion", illustre Viviane Rouvier. Ce qui peut être problématique si le sujet méritait un traitement approfondi. "L'OPS, c'est d'abord un transfert de valeur entre la marque et le média qui raconte son histoire", ajoute Viviane Rouvier. Ainsi, il vaudra mieux faire appel à un média qui apportera moins de vues et de leads qu'un autre, s'il a un pouvoir de prescription et une dimension affinitaire supérieure.
C'est d'autant plus vrai que l'OPS est parfois cette étincelle qui, en amont du tunnel de conversion, permet à une marque d'amorcer un nouveau positionnement et de toucher une nouvelle population. Le genre d'opération dont il n'est pas toujours évident de mesurer la réussite à court-terme mais qui s'avère payante sur le long terme. "Les marques doivent accepter de parler à des gens à qui elles n'ont pas encore parlé si elles veulent toujours alimenter ce tunnel de conversion", estime Viviane Rouvier. Car le risque, en parlant toujours aux mêmes gens, parce qu'ils sont affinitaires, est de tourner en rond…