Le rebadging ou l'art de vendre la même voiture à différents prix
Attention, un logo peut en cacher un autre. De même que le petit salé aux lentilles vendu sous le label distributeur Carrefour est en réalité concocté par William Saurin, l'Aston Martin Cygnet n'est autre qu'une Toyota iQ découpée, restylée et assemblée à la main par le constructeur britannique. Dans le jargon automobile, cette stratégie commerciale, vieille comme l'industrialisation du secteur, porte le nom de rebadging (ou badge engineering).
L'Aston Martin Cygnet n'est autre qu'une Toyota iQ découpée, restylée et assemblée par le constructeur britannique
Concrètement, cette pratique consiste, pour un constructeur automobile, à cloner un véhicule déjà commercialisé sous une autre marque, que celle-ci appartienne ou non au même groupe que lui.
Et pour pouvoir présenter la voiture rebadgée comme un nouveau modèle à part entière, les ingénieurs la truffent d'équipements supplémentaires. Les designers, eux, se contentent le plus souvent d'apporter des modifications cosmétiques au pare-chocs, aux feux avant et à la calandre du modèle d'origine.

Rassurez-vous, rien d'illégal : toutes ces petites intrigues se déroulent dans le cadre d'alliances que les fabricants de voitures concluent entre eux. Par exemple, le groupe français PSA s'est associé avec le japonais Mitsubishi pour sortir en 2010 une petite citadine électrique, vendue sous trois logos et trois noms différents : la Peugeot iOn, la Citroën C-Zero et la Mitsubishi i-MiEV. Parfois, le prix varie du simple au double en fonction du positionnement plus ou moins premium de la marque sous laquelle le véhicule est commercialisé. C'est le cas de l'Aston Martin Cygnet qui coûte 24 000 euros de plus que la Toyota iQ, le modèle dont elle s'inspire.
De plus en plus fréquentes et de plus en plus étroites, ces collaborations entre les constructeurs peuvent prendre des formes variées, allant de la production pure et simple d'un véhicule pour le compte d'un concurrent – c'est le cas de Renault qui fabrique des Kangoo pour Mercedes-Benz qui les revend sous le nom de Citan – au simple partage de plate-forme, également très utilisé entre les marques d'un même groupe. Produites à partir de la même base mécanique, les voitures offriront alors des prestations similaires sans forcément arborer le même look, mais elles n'en sont pas moins des quasi copie-conformes.
Renault fabrique des Kangoo pour Mercedes-Benz qui les revend sous le nom de Citan
Pourquoi se livrer à ce petit jeu ? Le rebadging ne manque pas d'atouts. D'abord, il permet de lancer un véhicule en un temps record, alors que le processus de conception s'étend généralement sur trois à cinq ans. Les coûts de production sont eux aussi réduits : pas besoin de concevoir une nouvelle chaîne en usine, il suffit d'en utiliser une déjà existante ou de copier celle du modèle original.
D'un point de vue marketing, le rebadging permet également de vendre un modèle sous la marque qui saura le mieux toucher sa cible dans un marché donné. C'est notamment ce que fait le groupe Renault en vendant son Duster sous la marque Renault en Russie plutôt que Dacia.
Le rebadging permet de vendre un modèle sous la marque qui saura le mieux toucher sa cible dans un marché donné
Cependant, la magie n'opère pas à tous les coups. Le succès que rencontre cette stratégie dépend largement des spécificités des marchés concernés. En Inde par exemple, le constructeur japonais Nissan a écoulé 18 603 exemplaires de sa Micra en 2011. En 2012, l'année où a été lancée la Pulse (son clone badgé Renault et réservé au marché indien), elle-même vendue à 6 217 exemplaires l'an dernier, seules 12 174 Micra ont été immatriculées. Un pari peu gagnant pour l'alliance Renault-Nissan. Le signe d'un ras-le bol des conducteurs face à l'uniformisation croissante de l'offre ?