Le "sans contact", les télécoms et le retail

Si la technologie NFC a eu des débuts incertains, ces trois dernières années ont montré une accélération notable en termes de maturité de l’offre, d’équipement des terminaux et de convergence des acteurs.

    

En 2013, 283 millions[1] de smartphones équipés NFC étaient en circulation dans le monde. Selon des projections, ce chiffre pourrait atteindre 1 milliard en 2016, soit une croissance de plus de 250%. La France n’est pas en reste dans la course au NFC puisque le taux d’équipement des smartphones en NFC a augmenté de 40% en 1 an, pour atteindre 3,5 millions en 2013.

Côté distributeur, ou plus largement, en regardant du côté des points d’encaissement, c’est 9,1% du parc de terminaux de paiement électronique[2] (TPE) qui étaient équipés sans contact en octobre 2013. Sachant que depuis quelques années déjà, les derniers terminaux de paiement intègrent nativement le NFC. Le vrai sujet est donc la question du renouvellement du parc des TPE par les distributeurs.

Côté client final, c’est la simplicité, la sécurité et le confort d’usage qui priment. L’avenir du NFC réside dans la capacité des acteurs de l’écosystème à proposer une solution cohérente : il est en effet peu pratique pour le consommateur de devoir télécharger une application pour chaque enseigne.

Il faut également faire face à la méfiance des consommateurs quant au piratage de leurs données bancaires, mais aussi personnelles. Jusqu’à l’été 2012, un lecteur NFC indépendant ou intégré à un smartphone standard permettait de lire à la fois le nom du porteur d’une carte bancaire équipé NFC, la liste de ses transactions ainsi que le numéro de carte et sa date d’expiration. Cependant, grâce au travail engagé par la CNIL, toutes les cartes émises empêchent désormais l’accès au nom du porteur ainsi qu’à l’historique des transactions. Aucune fraude n’a depuis été détectée, et les instances de protections de données restent vigilantes. D’un point de vue plus global, le NFC Forum[3] reconnaît que la sécurité est un « enjeu de premier plan » mais que l’objectif est avant tout de « développer un maximum d’applications utilisant le NFC, plutôt que de définir les besoins (incluant la sécurité) des applications utilisant une interface NFC »[4].

Ce frein ayant été écarté, il reste un autre point noir au déploiement à grande échelle de la technologie NFC : son modèle économique. En effet, les différents acteurs impliqués n’ont jusqu’à présent pas réussi à trouver un consensus autour du business model idoine à implémenter pour monétiser et rentabiliser de manière pérenne cette technologie. Les acteurs, nombreux, défendent chacun leur vision du business model dans un environnement où, comme dans n’importe quel marché encore vierge, rien n’est figé et tout reste à définir.

Parlant de modèle économique, des questions se posent aussi côté distributeurs, et ce à deux niveaux : les coûts d’entrée et les coûts récurrents. Pour les premiers il s’agit de l’acquisition et du renouvellement du parc de TPE, équipement d’étiquettes électroniques, tags NFC,  mise en place d’un réseau WIFI sécurisé dédié (dans le cadre de services complémentaires autour du paiement), effort de nettoyage et complétude des données de base (composants, traçabilité des lots, etc.). Pour les coûts récurrents, sont concernés : les impacts sur les coûts unitaires de transactions, l’exploitation des réseaux, la maintenance  et la gestion qualité des données de base.

Il s’agit notamment pour les distributeurs de s’assurer d’un business case positif vérifiant que le coût de l’équipement matériel (environ 180€ par TPE,  35 centimes par tag NFC, e 6,95€ par étiquette électronique équipée NFC et un peu plus de 130€ pour l’appareil permettant  de mettre à jour les contenus des tag NFC, il en faut entre 1 et 3 par magasin) et de l’infrastructure (Wifi client, couvertures 3G ou 4G en point de vente) est rapidement amorti par les gains de temps en caisse et l’amélioration de l’expérience client.

Enfin si des services complémentaires sont proposés en magasin (interrogation du stock via les étiquettes électroniques par exemple), il faudra redoubler d’efforts pour maintenir à jour les différentes données liées à ces services (référentiel articles, prix, fiabilité du stock…).

Après avoir longtemps boudé le NFC, la marque à la pomme propose enfin un smartphone équipé et offre pour le paiement sans contact un service complet, Apple Pay. La marque garde un pouvoir d’influence considérable et permettra certainement de donner au NFC la dimension « user friendly » qui lui manquait. Selon Pierre Metivier, Directeur Général du FMSC[5] : « Voir Apple adopter une technologie lui confère un caractère universel ». Stéphane Mauroy, Directeur des Systèmes d'Information et du Digital de Sephora France, vient aussi appuyer cette vision : « Le fait qu'Apple suive sur le NFC renforce notre conviction et nous rassure sur les choix techniques que nous avons entrepris à ce jour ».

Est-ce alors le début de l’ère des retailers pour le NFC ?

 

Jean-Michel Huet , associé BearingPoint, Janice Spindler, manager BearingPoint, Chloé Artigue, senior consultante BearingPoint, Romain François, consultant BearingPoint


[1] Source : Sillicon.fr

[2] Source : Moneticien.com

[3] Association fondée par NXP Semiconductors, Sony et Nokia pour promouvoir l’usage du NFC et rassemblant plus de 190 entreprises

[4] Source : Infosec Institute

[5] FMSC : Forum des services mobiles sans contact