A quand la fin du "roaming" bancaire ?

A une époque où le libéralisme et l’essor des nouvelles technologies ont permis de s’affranchir des barrières douanières comment expliquer la permanence, dans l’industrie financière de pratiques comparables au roaming ?

Il paraît que dans des temps révolus, Francis Bouygues avait décidé de perdre son temps et de rapatrier d’urgence en jet privé le chèque de règlement d’un contrat signé dans un pays du Golfe. Déposer le chèque et attendre aurait grévé la somme de frais importants. « C’était plus rapide et moins coûteux » disait-il.

Plusieurs décennies se sont succédées et rien n’a changé. Si je souhaite faire un virement de 15 000 euros à un fournisseur à New York, cela va prendre plus de 10 jours, et me coûter jusqu’à 1 000 euros tandis qu’un vol commercial me permettrait d’y être en 8h et pour moins de 400 euros. Une véritable aberration et une situation d’un autre âge !

A une époque où le libéralisme et l’essor des nouvelles technologies ont permis de s’affranchir des barrières douanières comment expliquer la permanence, dans l’industrie financière de pratiques comparables au roaming, ces frais d’itinérance facturés aux consommateurs utilisant leur téléphone hors des frontières de leurs pays et abolis depuis le 15 juin dernier ?

Pendant longtemps le recours aux taxes faisait sens. Apparues dès l’antiquité avec le développement des routes commerciales, les barrières douanières - portitores, publicani, octroi… - ont été instaurées pour maîtriser les frontières et collecter une manne financière finançant le fonctionnement de l’Etat au fil des siècles.

Des barrières douanières au libre-échange

Avec l’essor du mercantilisme et du libre-échange, les politiques commerciales des Etats ont évolué et ces taxes foisonnantes se sont au fur et à mesure réduites à peau de chagrin pour aboutir à la création d’une union économique (Union européenne) ou d’unions douanières (l’ALENA, l’ASEAN, le MERCOSUR, etc…) favorisant le développement économique des pays concernés.

Par exemple, les pères de l’Europe ont pensé l’Union Européenne comme une zone de libre circulation – des hommes, des marchandises et des capitaux – émancipée de toutes contraintes douanières. Toutefois, si les hommes et les marchandises circulent aujourd’hui librement il n’en va pas de même des capitaux. Si les taxes étatiques aux frontières ont bien disparu, elles ont laissé place à des taxes douanières privées mises en place par les banques.

Voilà pourquoi particuliers et professionnels doivent s’acquitter d’un octroi inique pour transférer de l’argent à l’étranger. Même un simple virement en euro entre Paris et Bruxelles sera facturé en moyenne plus de cinq euros pour un montant inférieur à 50 000 euros et largement plus au-delà de cette limite. Mais cette manne financière n’est plus là pour financer l’Etat et donc bénéficier au plus grand nombre mais pour augmenter encore un peu plus les rentes bancaires.

Cet anachronisme odieux doit être imputé au travail de longue haleine du puissant lobby bancaire, obsédé par la protection de son oligopole, auprès de l’administration bruxelloise. Une situation qui sert les banques mais dessert leurs clients et au premier chef les PME exportatrices qui ne peuvent négocier leurs conditions avec leur banque.

La bataille de la libre circulation des capitaux est-elle perdue d’avance ?

Loin de là. Doucement mais sûrement, ces taxes privées et infondées qui entravent le rayonnement de nos PME à l’international sont remises en question. Notamment par l’essor des fintech qui a permis l’émergence de nouveaux acteurs qui n’ont de cesse de remettre en cause le monopole bancaire et lutter contre ces barrières douanières.

Comment tolérer encore ces taxes privées fruits de l’entente entre les grands réseaux bancaires, alors que la Commission Européenne a enfin su faire plier les opérateurs télécom pour sonner le glas du roaming téléphonique en Europe ?

Si le devoir des institutions est de faire voler en éclat cette taxe privée pour instaurer enfin la libre circulation des capitaux, il est de la responsabilité des opérateurs privés d’innover et d’abaisser définitivement cette barrière douanière.