L'accord européen de décembre 2011 peut-il être l'ultime round pour sortir de la crise ?

Le 8 & 9 décembre 2111, Les chefs d’Etat et de gouvernement des 27 pays de l’UE se sont réunis pour la 16ème fois depuis la crise de la dette fin 2009. Au menu une plus grande coordination des politiques budgétaires et fiscales et des convergences économiques. Avec des déceptions à la clé.

Le 8 et 9 décembre 2011, Les chefs d’Etat et de gouvernement des 27 pays de l’UE se sont réunis pour la 16ème fois depuis la crise de la dette fin 2009. Au menu une plus grande coordination des politiques budgétaires et fiscales et des convergences économiques. En arrière plan, l’intervention de la banque centrale européenne est dans tous les esprits. Mais la Chancelière allemande, au nom du respect du traité de Maastricht, brandit l’obligation de respecter l’indépendance de la BCE. Donc celle-ci ne rachètera pas les obligations des Etats en difficulté.

La Banque centrale européenne (BCE) a pour l'instant décidé de limiter à 20 milliards d'euros le montant hebdomadaire qu'elle peut consacrer à des rachats d'obligations souveraines de la zone euro.

Le gouvernement allemand croit tenir un moyen de pression sur les autres membres de la zone Euro « nous vous soutiendrons financièrement, mais vous devez mettre de l’ordre dans vos finances publiques et vous engager à réduire vos déficits budgétaires par un traité ». En cas de non respect de cet engagement,  des recours pourraient être intentés  devant la Cour de justice européenne. Dans le viseur la "règle d'or" budgétaire permettant de maintenir ces déficits sous le seuil de 0,5% du PIB sur la durée du cycle économique devra être intégrée aux législations nationales, les déficits qui ne doivent pas dépasser 3% du PIB. La dette rapportée au PIB ne doit pas être supérieure à 60 %. Les sanctions automatiques qui ne pourront être bloquées que par une majorité qualifiée de pays.

Les Allemands veulent brider l'endettement de leurs partenaires en appliquant, le «Schuldenbremse » inscrit dans la Loi fondamentale allemande depuis 2009, ou «règle d'or », qui veut que le déficit n'excède pas en tendance 0,5 % du PIB.

Cela signifie aussi un pouvoir d'intrusion de l'Union européenne dans les préparatifs des budgets, en contraignant les pays à revoir leur copie si les projets ne vont pas dans le sens contractuel. Afin d’éviter d’allonger la durée d’adoption d’un traité, les présidents de l'UE, Herman Van Rompuy, et de la Commission, José Manuel Barroso, devraient proposer une procédure plus rapide et plus souple comme le changement du protocole annexé au traité de Lisbonne, qui concerne les procédures de déficit excessif. Dès l’adoption du nouveau traité par 7 pays, il sera applicable, ceci dans l’objectif de ne pas attendre des élus palabrer sur des sujets d’intérêt national, prenant en otage-comme ce fut le cas avec le parlement slovaque-le reste des partenaires européens.

"C'est un sommet qui fera date", a déclaré Nicolas Sarkozy lors d'une conférence de presse le 9 décembre 2011. "Nous aurions préféré une réforme des traités à 27, cela n'a pas été possible compte tenu de la position de nos amis britanniques (...) Ce sera donc un traité intergouvernemental à 17, ouvert à ceux qui voudront le rejoindre", a-t-il ajouté. Finalement seul le Royaume-Uni a déclaré son opposition à ce nouveau traité. Le premier ministre britannique David Cameron voulait inscrire dans le marbre la non taxation des transactions financières ni une régulation qui diminuerait le poids de la city, première place financière européenne.

La chancelière Angela Merkel s'est elle aussi félicitée de l'issue du sommet.

"Je pense qu'après de longues négociations il s'agit d'un résultat très important parce que nous avons appris des erreurs du passé et parce qu'à l'avenir nous aurons des décisions qui nous engageront, plus d'influence de la Commission européenne, plus de communauté et avec cela plus de cohérence", a-t-elle dit avant de quitter le bâtiment du Conseil européen.

Elle a par ailleurs confirmé que la date d'entrée en fonction du futur mécanisme européen de stabilité (MES) serait avancée à juillet 2012. Sur proposition du président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, les membres de la zone euro ont décidé que la BCE deviendrait l'opérateur de ce mécanisme.

"La Banque centrale européenne gèrera le FESF et le MES. Il y a eu une proposition de M. Draghi proposant de mettre les compétences de la banque centrale au service du fonds européen. Nous avons considéré que c'était une très bonne idée (...) C'est un élément de plus qui renforcera la confiance dans ce fonds", a dit Nicolas Sarkozy.

S’appuyant sur les banques centrales nationales, la BCE conduira pour le compte du FESF des opérations d'achat sur les marchés d'obligations d'État des différents pays membres de la zone euro. Les émissions de dette du FESF servant à financer ces interventions seront également conduites par la BCE, via la Bundesbank.

La règle de l'unanimité sera substituée par une majorité surqualifiée de 85% quant au mode de décision du MES. Il est regrettable que le MES ne soit pas doté d'une licence bancaire. Sa capacité de prêt cumulée avec l'actuel Fonds européen de stabilité financière (FESF) ne dépassera pas  500 milliards d'euros. Les commentateurs et les opérateurs de marché se demandent comment des Etats surendettés pourront-ils mobiliser ce montant ? Il s’agit ni plus ni moins d’une garantie. Dans mes commentaires sur les plateaux de télévision et les radios, je pressentais un rôle accru de la BCE. Ça n’a pas raté ! Celle-ci lança le mercredi 21 décembre 2011, l’artillerie lourde : deux opérations inédites de refinancement à trois ans au taux fixe très avantageux de 1 %, le niveau de son principal taux directeur. Le pari, qui ne vaut pas engagement, est d’assurer la liquidité des banques, responsables de 75 % du financement de l'économie de la zone euro et de racheter les obligations des Etats. Cependant rappelons que Mario Draghi a rappelé récemment que 600 milliards d'euros de dette bancaire arrivent à maturité en 2012, dont 230 milliards pour le seul premier trimestre. Il n'en reste pas moins que

Cette opération de refinancement à long terme - les LTRO (« long term refinancing operations ») - initiées au plus fort de la crise financière en 2009 avait atteint la somme de 442 milliards d'euros, alors que le cru 2011 dépasse les 489,191 milliards d'euros qui ont bénéficié à 523 établissements bancaires de la zone euro. La BCE joue son rôle de prêteur en dernier ressort des banques mais pas des Etats, au moins pas directement.

Ce dispositif vient compléter la baisse du taux de refinancement qui est passé de  1,5 % à 1 %. C’est une rupture par rapport à l’ère Trichet qui a fait grimper ce taux en pleine crise grecque.

A fin décembre 2011, les banques ont déposé près de 452 Mds d’euros à la BCE à des taux avoisinant 0,25% Cela signifie que pour le moment elles ne comptent pas utiliser les fonds à des prêts au secteur privé ou public mais les réservent à des opérations de financements au jour le jour. C’est également un manque de confiance entre les banques. D’après les données des professionnels, les crédits immobiliers ont baissé et les collectivités territoriales ont du mal à trouver des financements.

Les banques européennes étant fortement consommatrices de financements en dollars souffrent depuis juillet 2011 de la défiance des investisseurs monétaires américains à leur égard ainsi que les fonds asiatiques et notamment chinois.  Les huit principaux fonds monétaires américains ont réduit en novembre 2011 de 68 % leur exposition aux banques françaises. Outre le risque souverain, les agences de notation comme  Moody's invoque la dégradation de la conjoncture économique dans la zone euro, qui débouchera sur une hausse du coût du risque pour les banques européennes.

Dans la même logique d’un contournement incompréhensible de la BCE, l'ensemble des Etats membres de l'UE se sont entendus pour étudier le 21 décembre de prêter 150 milliards d'euros au Fonds monétaire international pour lui permettre de venir au secours des membres de la zone euro en mal d’emprunt sur les marchés financiers à des taux raisonnables. En réalité, la BCE, avance le consentement implicite des Etats membres de la zone euro a déjà engrangé 207 milliards d'euros de titres de dette, dont les deux tiers ont été acquis depuis sa relance en août 2011. Ainsi la BCE a acheté l'équivalent de la moitié de ce qu'avait accumulé la FED en lançant le  QE entre  novembre 2010 à juin 2011. Pour l’instant il n’y a pas de menaces inflationnistes puisque ces achats sont stérilisés. La BCE pourrait infléchir sa position d'ici à février lorsque l'Italie se retrouvera face à un « mur de remboursement » de dette de 36 milliards d'euros.

Autre déception de ce sommet du 9/12 le non recours aux « euro-obligations». Il est incohérent qu’une zone monétaire disposant d’une monnaie unique ne puisse pas emprunter solidairement, ni faire appel à un prêteur de dernier ressort.

Last but not least, la dissidence britannique ajoute à la division.

Au nom de la défense de la city et de la dérégulation des marchés financiers dont le poids dans l’économie britannique est important,  David Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni a renoncé à sa stratégie de maintien du marché intérieur à Vingt-Sept et par là même d’exercer une influence sur les réformes à venir de l'Eurozone.

Depuis  Margaret Thatcher, les Conservateurs sont réticents à la construction européenne, prenant le risque de heurter leurs  partenaires libéraux-démocrates, traditionnellement le seul parti pro européen britannique.

Au total la division au sein du conseil européen et le retard pris dans la prise de décision répondant aux acteurs économiques, en premier lieu les entreprises qui produisent des biens et services et les ménages en tant que consommateurs et épargnants. Au lieu de cela les responsables politiques européens ont les yeux rivés sur les agences de notation, crédibilisés comme juges de paix alors qu’elles se sont lourdement trompées sur ENRON, Lehmann Brothers, les crises asiatiques et russes ainsi que la crise des subprimes en 2008. Comment de simples experts pourront-ils trancher le destin de certains pays et dont le verdict se place au dessus de celui des prix Nobel d’économie et les Economistes des plus grands organismes internationaux. Comment peut-on dresser le bilan d’un pays, selon quels critères et à partir de quelles évaluations ? Ce n’est pas en regardant le train en face, au milieu de la voie ferrée que l’on évitera la catastrophe. Les agents économiques qu’ils soient publics ou privés doivent considérer la notation d’une agence comme un point de vue comme tous les autres. Mais le mimétisme qui règne sur les marchés, auto réalise le verdict des agences de notations puisqu’il supposé orienter les choix des spéculateurs. Ce qui compte ce n’est pas sa justesse l’anticipation de sa prise en compte prédominante et immanente.  

Afin de garder l’entière objectivité à notre analyse, il ne suffit pas d’accabler les Standard & Poor’s, Fitch et Moody’s ainsi que les hedges funds et autres fonds spéculatif, mais aussi de pointer les erreurs des politiques économiques et les choix des grands groupes et des banques ces trente dernières années. Nous avons évoqué les processus de désindustrialisation des pays du sud de l’Europe, leur mauvaise spécialisation, privilégiant les activités tertiaires non productives et financières court-termistes, sans oublier les dérégulations des marchés financiers, les dépenses publiques et les exonérations fiscales qui répondent à des exigences corporatistes et clientélistes.

Le cas de l’Espagne est révélateur d’un manque de coordination budgétaire à l’échelle européenne en présence d’une monnaie unique.

Ce pays qui connait un taux de chômage record, un déficit budgétaire dépassant les 25% a favorisé le secteur de la construction et son secteur bancaire a pratique des crédits type subprimes à des taux variables accordés à des populations modestes dont des centaines de milliers d’immigrés. Ses provinces ont rivalisé dans la gabegie et des investissements publics autant improductifs qu’inutiles comme ces aéroports qui ne fonctionnent pas. Le train à grande vitesse est un luxe dont l’Espagne aurait pu se passer. Résultat les mesures annoncées par la porte parole du gouvernement le 30 décembre 2011 ; que j’ai eu à commenter sur France 24 sont injustes puisqu’elles reposent sur les plus modestes sans toucher l’évasion fiscale et les activités informelles.

La crise européenne sans oublier la crise de la dette étatsunienne qui dépasse les 1500 Mds de $ sont les faits marquants de l’année 2012 et les suivantes. Sans jouer les Cassandre et la dramatisation excessive, j’affirme qu’une récession est évitable et l’activité peut être relancée à condition que les dirigeants Européens se mettent d’accord sur une coordination des politiques économiques, fiscales et budgétaires indispensable à une zone monétaire unifiée. Il ne peut y avoir une monnaie unique et de facto un transfert de souveraineté monétaire vers une instance fédérale sans qu’il y ait une harmonisation des structures économiques, une banque centrale qui joue le rôle de prêteur de dernier ressort et des Euro-obligations.

La crise européenne nous a révélé les carences d’une construction économiques et monétaires boiteuses. Nous sommes fiers d’avoir proposé en 2010, avant l’été meurtrier de 2011, une monnaie commune maghrébine, devant cohabiter avec les monnaies nationales. Actuellement aussi bien les dirigeants européens que les experts parlent des nécessaires convergences économiques pour parachever l’Union monétaire. Le titre de mon ouvrage est justement intitulé : « Algérie et Maroc :quelles convergences économiques ? »