Open banking : les menaces qui planent sur les banques

Open banking : les menaces qui planent sur les banques La directive DSP2 sur les services de paiements qui entrera en vigueur en janvier 2018 obligera les banques à partager une partie de leurs données avec leurs concurrents.

Le lancement d'Orange Bank en juillet prochain n'est pas la seule préoccupation des banques. Une autre échéance arrive à grands pas : la directive européenne DSP2 sur les services de paiement qui entrera en vigueur début 2018. Elle obligera les institutions bancaires à partager une partie de leurs données avec leurs concurrents, en particulier l'accès aux comptes de paiement de leurs clients. Cette ouverture, appelée l'open banking, permet à des acteurs tiers de se connecter via des API à leurs services de façon simple et standardisée. Les fintech se réjouissent de cette avancée, mais les banques sont beaucoup moins enthousiastes... 

Les fintech pourront plus facilement se diversifier

Les start-up du secteur pourront adresser leurs services à beaucoup plus de consommateurs. "Nous allons pouvoir taper dans le stock des clients des banques, c'est une très belle opportunité pour nous", se réjouit Pierre-Antoine Dusoulier, fondateur d'Ibanfirst, une société qui propose aux PME des outils pour effectuer des transactions à l'étranger à moindre coût. Avec ses 1 000 clients actifs aujourd'hui, Ibanfirst est un petit challenger pour les établissements bancaires. Demain, elle pourrait capter les millions de PME européennes et devenir un concurrent sur ce segment. Bien sûr, les grandes banques comme Société Générale, et ses 466 000 clients professionnels, ont une longueur d'avance. "Notre taille, comparée à celle d'une banque française est évidemment plus petite. On ne pourra pas prendre toutes les parts du gâteau mais on apportera une solution plus adaptée au client ", explique Sébastien Cromback, responsable du développement France chez GoCardless, une entreprise britannique spécialisée dans les prélèvements en ligne. 

L'ouverture des API permettra aux fintech de développer des services encore plus innovants. Elles pourront facilement solliciter les bases de données d'une banque sans passer par son interface web. Alors qu'elles sont souvent spécialisées dans un segment (paiement, épargne, prélèvement…), elles pourraient plus facilement se diversifier. Certaines prennent déjà ce chemin, comme l'agrégateur de comptes Bankin', qui vient d'ajouter la prise en charge des virements dans son application. 

Un nouvel écosystème bancaire

Les fintech ne sont pas les seuls acteurs qui profiteront de l'open banking. Les Gafa pourront aussi se connecter aux API des banques. "Ils ont déjà une grande partie des données des consommateurs et seront ravis de s'enrichir de nouvelles. En plus, ils sont extrêmement doués en relation client, souligne Julien Maldonato, directeur conseil spécialiste des sujets d'innovation dans l'industrie financière chez Deloitte. "La véritable menace d'une banque est de perdre une partie de la relation client. La DSP2 va dans ce sens puisqu'elle redonne au client la maîtrise de de ses données. Il peut choisir de les donner à un acteur tiers", ajoute-t-il.

"Peut-être que les Gafa deviendront des partenaires et pas les banques"

Surtout, les géants du web ont déjà un pied dans le monde du paiement. Les annonces se sont multipliées ces derniers mois. Android Pay s'est récemment associé à Paypal, afin de payer avec son mobile en boutique. Lors de sa conférence F8 en avril, Facebook a annoncé le lancement des paiements en groupe sur Messenger. "Les Gafa n'ont pas encore lancé de solutions en Europe et se concentrent sur d'autres pays comme l'Inde mais ça ne va pas tarder à arriver ici", avance Sébastien Cromback. Cette potentielle concurrence est double pour les banques. Les Gafa sont non seulement les rois de la donnée mais ils sont aussi proches des jeunes pousses. "Peut-être que les Gafa deviendront des partenaires et pas les banques", avance Sébastien Cromback.

Avec l'open banking, l'écosystème bancaire va donc beaucoup évoluer. De nouvelles relations vont se tisser. Les fintech pourront s'allier pour développer un écosystème indépendant. Ensemble, elles pourront construire des services bancaires complexes ou multi-industries. "Plus on est nombreux, plus la gouvernance est compliquée mais ce scénario est possible", estime Julien Maldonato. "Plus les banques essaient de bloquer l'innovation et plus les acteurs innovants se fédéreront entre eux pour offrir des nouveautés à l'utilisateur. Je ne souhaite pas que ça arrive mais pour l'instant les banques ne vont pas dans le bon sens ", explique Joan Burkovic, cofondateur Bankin'. 

"Les banques savent que l'ouverture est inévitable et cherchent à gagner du temps"

Depuis l'adoption de la DSP2 en octobre 2015, les banques tentent en effet de fixer des conditions draconiennes d'accès à ses systèmes aux nouveaux acteurs. Joan Burkovic fait partie d'un groupe de travail à la Commission européenne qui vise à définir ces futures règles. "Ce n'est pas simple car il y a 40 personnes autour de la table et beaucoup de mauvaise volonté. Les banques ont un double discours. Elles jouent le défensif en essayant de stopper l'innovation et l'offensif en rachetant des boîtes ou en développant en interne. Elles savent que l'ouverture est inévitable et cherchent à gagner du temps", assure-t-il. 

Le groupe BPCE prône l'ouverture

En France, deux institutions bancaires ont déjà mis en place des API : Axa dans le cadre d'un concours ouvert aux développeurs et le Crédit Agricole avec un store pour permettre la création d'applications par des développeurs tiers. Mais les cas d'usage étant trop spécifiques, peu de fintech ont pu en profiter. Lors de sa conférence de presse début 2017, le groupe BPCE a annoncé le lancement d'une plateforme d'open data avec la possibilité de récupérer des données sous la forme d'un code informatique pour le réutiliser via une API. Quatorze jeux de données sont actuellement disponibles dans différents domaines (communication financière, géolocalisation des agences, développement durable, ressources humaines…). Des data déjà disponibles sur le site du groupe, mais désormais regroupées au sein d'une plateforme et sous plusieurs formes (tableau, graphique, code…). Loin encore de l'open banking…

Dans un post Linkedin datant du 24 mars dernier, Yves Tyrode, directeur digital du groupe bancaire fait l'éloge de l'open innovation et de l'ouverture des API. "A l'heure où le timing de la mise à disposition d'un produit ou d'un service a autant de valeur que le produit ou le service lui-même, il ne sert à rien de fermer ses portes en pensant que, seule, l'entreprise pourra trouver toutes les solutions pour adapter son offre à un marché en constante évolution." Il ne reste plus qu'à passer des mots aux actes.