L'Analytics peut-il prédire le prochain krach financier ?
La dernière crise financière majeure a eu lieu il y a seulement 10 ans. À l’époque, de nombreux experts avaient signalé les importants risques qui pouvaient en découler, mais peu d’entre eux ont été entendus. Depuis, l'analytics a fait d'importants progrès.
Voilà seulement dix ans que nous sommes sortis de la pire crise financière jamais connue depuis la Seconde Guerre mondiale. Nombreux sont ceux qui avaient prédit le krach financier cataclysmique de 2008. Ann Pettifor, analyste économique, a publié en 2006 The Coming First World Debt Crisis, un ouvrage sur le sentiment d’insouciance collective qui régnait au sein de la communauté financière ; ce n’est qu’après la faillite de Lehman Brothers que ce livre est devenu un best-seller. Elle n’était pas la seule à faire entendre sa voix à l’époque : d’éminents professeurs, investisseurs et chefs d’entreprise avaient tiré la sonnette d’alarme longtemps avant le krach, mais leurs mises en garde étaient restées inaudibles dans le brouhaha des opinions divergentes et des résultats financiers.
En tant qu’humains, nous sommes incroyablement doués pour ignorer ou discréditer les "oiseaux de mauvais augure", aussi réputés soient-ils. Après la crise financière de 2008, la Reine d’Angleterre a demandé aux universitaires de la London School of Economics (LES) "pourquoi personne ne l’avait vue venir" et Andy Haldane, économiste en chef à la Banque d’Angleterre, a alors parfaitement résumé la situation : la profession d’économiste est "plutôt en crise". Il faut développer la capacité à fédérer toutes les informations et créer de nouveaux modèles économiques permettant de simuler le scénario réel pour prédire la prochaine crise financière.
De récentes avancées technologiques laissent toutefois entrevoir la possibilité de recueillir et d’analyser d’énormes volumes d’informations afin d’avoir une idée en temps réel de la vitalité et des risques émergents de l’économie mondiale. À l’ère actuelle, les systèmes sont capables de comprendre, de raisonner et d’apprendre. Exactement comme nous.
L’IA peut-elle prédire le prochain krach financier ?
L’argent — une invention de l’homme — doit être prévisible, ne serait-ce qu’en vertu du principe de l’intérêt personnel et rationnel. Il suffit de jeter un œil sur l’histoire de l’économie — ou sur la bulle actuelle du bitcoin — pour voir à quel point cette croyance est erronée.
Lawrence Rufrano, qui travaillait à la Réserve fédérale durant cette période fébrile de 2008, a bien résumé les limites du raisonnement humain concernant l’avenir de la finance. "L’un des principaux enseignements que nous avons tirés de cette crise", déclare Lawrence Rufrano, "est sans doute que l’économie est plus fragile que nous le pensions et que les humains ne peuvent à eux seuls s’ériger en défenseurs du système financier mondial."
La faiblesse humaine est un état de fait, mais la question qui se cache derrière cela consiste à déterminer si les technologies actuelles d’intelligence artificielle (IA), notamment le Machine Learning, sont capables de prédire le prochain krach.
L’un des principaux problèmes liés à l’utilisation de l’IA ou d’autres technologies pour prédire l’avenir financier est la transparence des méthodologies et technologies employées ; sans cela, le grand public continuera à se poser des questions sur la crédibilité des économistes.
Un écosystème d’IA pour l’économie mondiale
Ceci ne remet pas en cause la capacité de l’IA à nous avertir de la prochaine catastrophe. Les services financiers et autres secteurs apparentés investissent massivement dans différents outils d’IA et de Machine Learning, qui fournissent d’ores et déjà de précieuses informations sur les risques.
Outre-Atlantique, une start-up pionnière en la matière et soutenue par la CIA, utilise depuis quelques années déjà l’IA pour lutter contre la fraude. Elle a d’ailleurs joué un rôle déterminant dans la traduction en justice du financier déchu Bernard Madoff. D’autres entreprises utilisent des technologies d’apprentissage pour traiter d’importants volumes de données non structurées, tels que les rapports d’entreprise et les médias sociaux, pour détecter les risques de fraude (entre autres).
En fait, des centaines voire des milliers d’entreprises utilisent les toutes dernières technologies d’IA pour tenter de prévoir l’avenir. Cependant, elles se focalisent sur une petite partie de l’univers complexe de la finance — soit sur une entreprise particulière, soit sur un type spécifique de risque.
Ces entreprises y trouvent leur compte, mais dans l’environnement actuel — mondialisé et fortement interdépendant — nous avons besoin d’une analyse beaucoup plus globale pour déceler les périls invisibles qui menacent notre système financier. Les entreprises technologiques ont beau promettre des solutions ciblées pour faire face à des préoccupations telles que la fraude ou les défauts de conformité, ces solutions ne seront probablement pas en mesure de prédire les problèmes structurels fondamentaux, tels que la crise des prêts hypothécaires à risque.
Le problème n’est pas que l’IA soit incapable de répondre à ces questions, mais plutôt que cela nécessite une collaboration beaucoup plus étroite entre les entreprises technologiques et les établissements financiers. Lorsque les démocraties se trouvent confrontées à une menace sans précédent, le premier réflexe est souvent de former un gouvernement d’unité nationale. Pour prédire et éviter la prochaine grande récession, il faut adopter la même approche. Le monde a besoin d’un écosystème basé sur l’IA capable de collecter et traiter plusieurs zettaoctets de données financières issues d’une multitude de sources.
Cela pose bien évidemment un certain nombre de problématiques, notamment liées à la protection des données et à la propriété intellectuelle. Si nous parvenons à les résoudre, l’IA pourra très certainement prédire le prochain krach mondial.