Banques : de l'importance de connaître son client

Si une institution financière n'en sait pas assez sur un nouveau client client, par exemple ses préférences et l'utilisation de ses comptes, alors il peut représenter un risque.

Commençons par parler prix. Les contrôles KYC (know your customer) et CDD (client due diligence) sont plus qu'une simple exigence dans le nouveau monde des systèmes bancaires ouverts (l’open banking). Ils peuvent également réduire le risque de blanchiment d'argent et exclure les mauvais sujets avant qu'ils ne causent un préjudice à l’institution financière.

Pourtant, l'application du KYC et du CDD dans le cadre d'un régime de conformité réglementaire peut avoir une incidence sur la satisfaction des clients au tout début de leur relation avec l’institution bancaire. La vitesse d’exécution en toute sécurité des mesures de KYC et de CDD peut se trouver ralentie par une réglementation accrue, de nouveaux canaux, de nouveaux arrivants sur le marché et des ressources en stagnation.

La nouvelle réglementation exige des institutions qu'elles identifient la structure complète et la source de revenus du bénéficiaire final effectif (UBO - Ultimate Beneficial Owner), ce qui allonge les délais d'intégration et augmente les coûts. Cela peut se traduire soit par des clients mécontents, soit par des contrôles sautés ou ignorés quand la priorité est de satisfaire les clients sans tarder.

L’acquisition de nouveaux clients coûte cher - pour une banque de détail établie, entre 1 500 et 2 000 dollars. À tel point, en fait, que l'article dont provient cette statistique recommande aux fintech de s'associer à des banques établies pour constituer leur clientèle, tellement il serait prohibitif de partir de zéro pour une start-up trop légèrement soutenue du point de vue financier.

Mais ce n'est que le début des coûts pour de nombreuses institutions financières. Pour intégrer un nouveau client, la banque doit se livrer à des vérifications, et celles-ci incluent celles du KYC et du CDD, et c'est ce processus qui peut entraîner des retards inacceptables pour les nouveaux clients ou, à tout le moins, créer chez ceux-ci une première impression déplorable.

Quel est de degré de frustration pour le client ? Une étude de Deloitte a révélé que 28% - presque un tiers - des nouveaux clients abandonnent le processus d'intégration en raison de la frustration causée par la bureaucratie ou le volume d'information requis. Il n'est donc peut-être pas surprenant que certaines institutions - en particulier les jeunes banques - offrent parfois des lignes de crédit presque instantanées aux clients, afin de leur plaire tandis que le processus d'intégration se déroule en arrière-plan. Il est intéressant de relever que cette étude a également souligné que les Digital Natives, les natifs du numérique, constituent désormais un groupe démographique de clients qui préfèrent interagir via des appareils mobiles plutôt qu’au travers d’une communication en face à face ou même par ordinateur classique.

Aux yeux des clients entreprises, la vérification semble particulièrement pénible. Près de neuf sur dix des répondants à un sondage sur le sujet (89 %) ont déclaré qu'ils n'avaient pas eu une expérience de KYC positive, et 13% ont dit que leur relation avec l’institution financière en avait été affectée. Le problème est que les vérifications KYC et CDD prennent de plus en plus de temps - en fait, jusqu’à un mois.

Pour pouvoir proposer de nouveaux produits aux clients - même aux clients existants – il faut également mettre en place un minimum de contrôles KYC et CDD. Ce type de devoir de vigilance renforcée s'applique généralement aux clients à haut risque, mais les établissements les plus prudents vont étendre ce type de validation aux clients présentant des niveaux de risques inférieurs.

Les facteurs d'influence

Les institutions font donc face à des obligations réglementaires de plus en plus nombreuses ; le volume d'informations et de données qu'elles doivent saisir ne cesse d'augmenter. Mais leurs ressources ne croissent pas au même rythme, et les institutions établies, tout comme les fintech, sont confrontées à un problème complexe : le nombre élevé de clients qui doivent passer par des contrôles de plus en plus complexes dans un processus de vérification contraint.

N'oublions pas que les canaux bancaires évoluent également. Selon une étude de McKinsey, la banque numérique atteint des niveaux de quasi-saturation dans les pays développés d'Asie, les services bancaires par Internet concernant de 58% de la population en 2011 à 92% en 2014. Les marchés en développement ont enregistré une croissance encore plus explosive.

L'examen de plus en plus minutieux des structures d'entreprise utilisées pour camoufler le bénéficiaire final réel a rendu les institutions sont de plus en plus contraintes par la réglementation partout dans le monde - par exemple par des services de renseignements financiers comme SAMA en Arabie saoudite, AUSTRAC en Australie et FinCEN aux États-Unis, ainsi que par l'Union européenne et FINTRAC au Canada. Ces réglementations valident les sources de revenus des clients et la structure d’organisation du bénéficiaire final.

La multiplicité des juridictions engendre également un autre problème : adopter une approche unique et monolithique pour découvrir qui est votre client peut signifier soit que vous n'en faites pas assez pour satisfaire les organismes de réglementation, soit que des vérifications supplémentaires, peut-être non pertinentes, sont effectuées, ce qui ajoute aux délais et à la complexité du processus.

L’intégration numérique

Alors que la pénétration d'Internet et l’équipement en smartphones vont vers un point de saturation, les banques reconnaissent la nécessité d'aller au-delà des mots de passe à usage unique, et l'intégration numérique - nécessitant capture d'images, biométrie et vérifications par les données – va devenir de plus en plus importante.

Quel degré d’importance ? Selon Aberdeen Group, les entreprises dotées de stratégies d'engagement client multi-canaux solides (en clair, la capacité de satisfaire les clients, peu importe le moyen que celui-ci utilise pour traiter avec vous) ont un taux de rétention de 89 %, contre 33 % pour celles qui ne le font pas, et une valeur client de 30 % supérieure.

Un autre facteur à prendre en compte est la prolifération de nouvelles banques et institutions, qui peuvent ne pas disposer des ressources de leurs concurrents plus importants et mieux établis, mais qui ne sont pas non plus entravées par le poids des systèmes existants. Quoi qu'il en soit, tout le monde a un problème très similaire : la quantité et la qualité des données que les institutions doivent collecter et traiter pour les nouveaux clients a augmenté de manière significative. En conséquence, le temps requis pour intégrer de nouveaux clients ou pour fournir de nouveaux produits aux clients existants s'est allongé. La tentation est grande, compte tenu de l'approche axée sur le risque que les institutions financières adoptent pour ce genre de travail, d'assouplir une partie de la vigilance raisonnable (CDD) afin d'assurer la satisfaction des clients honnêtes. Le problème, c'est que cela laisse aussi passer quelques requins dans le filet.

Appliqué correctement et avec le bon niveau d'expertise, l'apprentissage machine (ML) et l'intelligence artificielle (AI) peuvent et doivent aider. La CDD en temps réel apporte également des avantages. Pourtant, pour de nombreuses organisations, la pratique reste lourde en termes de travail manuel et d'erreurs humaines, et faible en termes d'automatisation et de perspicacité.

Il est essentiel d'ajouter certains processus informatisés en complément de la capacité humaine existante. L'approche idéale du risque consiste à évaluer les clients et à établir qui sont les bénéficiaires ultimes effectifs pendant l'intégration et tout au long de leur parcours en tant que clients. De plus, cela automatise les processus qui représentent un travail pénible pour des personnes souvent hautement qualifiées et formées, en faisant appel à l'automatisation robotisée des processus (RPA – Robotic Proccess Automation). Enfin, ces deux approches devraient se combiner pour produire une vue d'ensemble de chaque client et construire une image précise du risque client. Avec la mise en œuvre de tels moyens, il est possible d’accélérer le processus d'intégration de nouveaux clients, de réduire les dépenses inutiles et les frais d'exploitation. Avec le double avantage de se prémunir des clients illicites tout en renforçant la satisfaction et la motivation des collaborateurs qui peuvent se consacrer à des tâches plus gratifiantes.