DSP2 : les plateformes d'open banking font sauter la banque

DSP2 : les plateformes d'open banking font sauter la banque Les start-up nées dans la lignée de la directive européenne récoltent enfin les fruits de leurs efforts. Mais d'autres acteurs financiers viennent les concurrencer.

Quatre ans qu'on en parle. La directive sur les services de paiement (DSP2), adoptée par le Parlement européen en novembre 2015 et entrée en vigueur en janvier 2018, porte enfin ses fruits. Les plateformes d'open banking, qui connectent les banques à des acteurs tiers via des API pour leur permettre de créer de nouveaux produits et services (agrégation, initiation de paiement…), sont en pleine ébullition. Selon le cabinet PwC, le marché de l'open banking atteindra 7,2 milliards de dollars d'ici 2022. Les investisseurs mettent déjà bien la main au portefeuille.

Quelques exemples : le suédois Tink a levé 56 millions d'euros en février dernier, dont 10 millions auprès de PayPal, le britannique Token a réuni 16,5 millions d'euros début juin 2019 et le français Budget Insight a été racheté par Arkéa en juillet dernier alors que "nous étions vraiment partie sur une levée de fonds à la base qui s'est transformée au fil des discussions", confie au JDN Clément Coeurdeuil, CEO de la start-up française. L'américain Plaid, valorisé 2,65 milliards de dollars depuis sa dernière levée de 250 millions de dollars fin 2018, a débarqué au Royaume-Uni en mai dernier. Côté business, les voyants sont au vert à en croire les principaux intéressés. "Nous avons réalisé une belle année 2018 avec une croissance de 60% du chiffre d'affaires et de 150% du trafic", indique le patron de Budget Insight, dont les revenus ont atteint 2,5 millions d'euros en 2018.

"La licence offerte par la directive DPS2 est attractive car plus facile à obtenir que d'autres licences"

La majorité des plateformes d'open banking ne communiquent pas leurs revenus et il est difficile de les estimer car leur tarification est souvent à la carte. "Les grandes banques ont plutôt tendance à vouloir un prix fixe alors que les fintech préfèrent payer à l'usage", explique le patron de Tink, qui revendique 50 clients en Europe, principalement hors de Suède. Dans son portefeuille, il y a des grands comptes comme la banque finlandaise Nordea, BNP Paribas Fortis ou encore la banque néerlandaise ABN AMRO. La fintech, qui a ouvert un bureau dans l'Hexagone fin mai, assure que plusieurs grands comptes français sont en test avec elle. Les institutions financières traditionnelles sont de plus en plus nombreuses à avoir recours à ces plateformes. L'espagnol Eurobits a par exemple convaincu Santander, une des plus grandes banques du pays.

Les plateformes d'open banking ne se contentent plus seulement d'agréger des données bancaires pour des acteurs tiers mais se mettent à fournir des services qui améliorent l'expérience client des banques et fintech. Par exemple pour simplifier le versement des salaires ou pour accélérer et améliorer la souscription de crédit. "Grâce aux trois mois d'historique des comptes bancaires, auxquels nous accédons via les API, nous pouvons déterminer si vous avez les moyens de le rembourser et pouvons scorer votre profil très rapidement", illustre Clément Coeurdeuil. Budget Insight est derrière l'offre de crédit aux TPE/PME d'ING Direct, qui permet d'avoir une réponse dans les 10 minutes suite à une demande de prêt et de réaliser un versement des fonds  en 48 heures. "On signe de plus en plus de contrats de ce type depuis le début de l'année", précise Clément Coeurdeuil. Prochaines cibles de la start-up : des acteurs non financiers comme les concessions automobiles ou les agences immobilières qui pourraient intégrer du crédit à leurs plateformes et délivrer un crédit quasi instantanément.

La menace des Gafa et des banques

Ces opportunités multiples, dont le sous-jacent est la donnée de paiement (le graal !), attirent forcément d'autres acteurs. La faible barrière à l'entrée est facilitatrice. "La licence offerte par la directive DPS2 est attractive car plus facile à obtenir que d'autres licences, comme celle d'établissement de crédit. Elle est à la portée de tout le monde", insiste Julien Maldonato, associé chez Deloitte. Moins de six mois suffisent pour l'obtenir. Et elle est "passeportable" partout dans l'Union européenne. La solution de paiement suédoise Klarna (connue pour sa fonctionnalité Pay Later qui permet au client de ne payer qu'après réception de la commande) a lancé en mars dernier une plateforme d'open banking qui permet de se connecter à plus de 4 300 banques en Europe (sur environ 5 000 existantes).

Ce concurrent n'est pas à prendre à la légère. Techniquement, puisque que tous ses services sont apisés mais aussi commercialement. Cette société nordique revendique 130 000 clients marchands dans 14 pays et compte 2 500 salariés. Valorisée 2,5 milliards de dollars, elle a enregistré un chiffre d'affaires de 627 millions de dollars en 2018, en hausse de 31%. Elle prévoit de réaliser une levée de fonds en 2019. Mastercard a également lancé une plateforme d'open banking en juin 2019. Parmi les services proposés, un hub de connectivité qui aidera les tiers à établir et maintenir la communication avec les banques. Pour le moment, elle n'est disponible qu'au Royaume-Uni et en Pologne. 

"Peut-être qu'un jour on aura un nouveau Google spécialisé dans la finance, un AWS des flux financiers"

Quid des banques ? Pourquoi ne se sont-elles pas positionnées sur ce créneau ? "Elles ne vont pas chercher de sitôt à internaliser toute cette tuyauterie d'API car c'est très lourd et coûteux pour elles", avance Julien Maldonato. Comme sur des sujets techniques, les banques préfèrent avoir recours aux start-up, qui leur reviennent moins cher. Et parfois, elles les rachètent. Certaines banques sont au capital de ces start-up à l'image de Linxo qui compte Crédit Agricole et Crédit Mutuel Arkéa comme investisseurs. "J'imagine plutôt un Gafa racheter une plateforme de ce type car ils ne sont pas en avance sur l'exploitation de la donnée bancaire", estime Julien Maldonato. Pour l'instant, seul Google, via son fonds Google Ventures, a investi chez un de ces acteurs, en l'occurrence Plaid. La start-up US a de son côté racheté son concurrent Quovo en janvier 2019 pour 200 millions de dollars. L'allemand Figo a fusionné avec son compatriote Finreach Solutions en mars dernier. "Peut-être qu'un jour on aura un nouveau Google spécialisé dans la finance, un AWS des flux financiers. A terme, ce qui est sûr ,c'est il n'y en aura pas 36", conclut Julien Maldonato.