Swift gpi : adoption réussie, instantanéité presque aboutie
Swift est peut-être un dinosaure dans le monde du paiement international mais il n'est pas fossilisé pour autant. Le système de messagerie bancaire international multiplie les projets ces dernières années pour faire face à l'offensive des nouveaux entrants comme l'entreprise blockchain Ripple. Un des plus marquants est certainement global payments innovation (gpi), lancé début 2017. Ce service permet aux entreprises clientes des banques du réseau Swift de réaliser des paiements transfrontaliers plus rapides, transparents et traçables. Un tracker leur permet de voir en temps réel et de bout en bout le statut de chaque paiement, jusqu'à sa confirmation lorsqu'il a été crédité sur le compte du bénéficiaire. "C'est un code que l'on peut tracker, un peu comme quand on envoie un paquet par la poste", résume Pierre-Antoine Dusoulier, fondateur d'Ibanfirst, société spécialisée dans le paiement international pour les PME et utilisatrice de gpi.
Le tracker permet ainsi de réduire les coûts de support client des institutions financières car leurs clients ne les appellent plus pour savoir où en est leur paiement. Autre avantage du tracker gpi : il permet de connaître les frais prélevés par chaque banque (un paiement en devises passe par différentes banques). "Cela nous permet de prouver à nos clients que ce n'est pas nous qui avons pris des frais mais une banque intermédiaire", fait remarquer Cyril Léger, patron France d'Ebury, concurrent d'Ibanfirst. A noter que le service gpi est compris dans l'adhésion à Swift, donc pas de coût supplémentaire pour les banques et fintech.
"GPI est de facto la nouvelle norme. Il est installé dans la tête de nos clients banquiers"
Aujourd'hui, plus de 3 500 institutions financières, qui représentent 85% du trafic total des paiements effectués par Swift, utilisent gpi. Et 60% des paiements internationaux passent désormais via ce service. Chaque jour, environ 300 milliards de dollars de paiements sont traités via gpi. "Entre 2017 et 2019, nous avons eu une adoption impressionnante. 2018 a été l'année des signatures, 2019 celle des implémentations. Gpi est de facto la nouvelle norme. Il est installé dans la tête de nos clients banquiers", se réjouit Charifa El Otmani, head of gpi EMEA chez Swift. Près de 40% des paiements sont effectués dans les 5 minutes et 95% en 24 heures. "On travaille sur les 5% qui prennent plus d'une journée pour arriver. Ce sont par exemple les transactions qui ne passent pas parce que le compte du bénéficiaire n'est pas correct. On cherche une façon de valider le compte bénéficiaire avant qu'une transaction ne parte", indique la dirigeante.
Dix pays gpi pour Société Générale
Société Générale a été l'une des premières banques françaises à avoir adhéré à l'initiative, en novembre 2017. "Nos clients corporate demandent de plus en plus de transparence sur les commissions et veulent savoir où en est leur paiement", confie Sabrina Fromager, chef de produit Swift gpi chez Société Générale. "Pour nous, disposer d'autant de visibilité dans le tracker nous permet d'avoir une analyse plus pointue et de résoudre des cas compliqués de plus en plus vite", ajoute-t-elle. Très satisfaite, la banque de la Défense a étendu la couverture de gpi à neuf pays (sept en Europe de l'Ouest et deux en Asie) en mars 2019. Au total, 10 pays sont connectés au tracker, ce qui correspond à 200 corridors (des routes utilisées par les banques pour faire passer les paiements d'un pays à l'autre). D'autres pays vont suivre. "Dans les prochains mois, deux filiales seront live : New York et la Russie. D'autres pays de l'Europe de l'Est comme la République tchèque et la Roumanie suivront. Nos filiales en Afrique commencent seulement à étudier le projet car c'est coûteux à implémenter", raconte Emmanuelle Petelle, responsable adjointe paiements et cash management chez Société Générale.
"Dans les prochains mois, deux filiales de Société Générale seront live sur gpi : New York et la Russie"
Ebury, qui est connecté à gpi depuis août 2018, est aussi un utilisateur du tracker. "Environ 90% du montant total des paiements publiés par Ebury passent par gpi. Les 10% restants ne sont pas des paiements qui passent par Swift mais par SEPA ou le Faster Payment System (système de paiement instantané au Royaume-Uni, ndlr)", explique Cyril Léger. Les clients d'Ebury n'ont pas accès au service gpi sur leur espace client mais cette fonctionnalité est prévue pour dans les semaines à venir. Même situation du côté d'Ibanfirst. "Notre objectif est de proposer le service à nos clients avant 2020. A partir de là, ce service sera vraiment innovant", estime Pierre-Antoine Dusoulier.
Swift a également lancé en juillet dernier une fonctionnalité destinée aux entreprises. Baptisée gpi for corporates, elle permet aux sociétés travaillant avec plusieurs banques d'initier et de suivre les paiements avec leurs différents établissements bancaires, directement depuis leurs systèmes de trésorerie et de paiement. Plus de 50 multinationales telles que LVMH et Microsoft ont adhéré au service. Société Générale a participé au pilote. "Fin 2019, nous allons commercialiser le service gpi for corporate à l'ensemble de nos clients corporate via des solutions de télétransmission", précise Sabrina Fromager.
Vers des paiements instantanés
L'autre grande avancée de gpi s'est faite sur le terrain de l'instantanéité. Les paiements gpi sont certes plus rapides mais pas instantanés alors que ceux réalisés sur le réseau de Ripple le sont quasiment. En septembre 2019, Swift a annoncé avoir réussi une série de tests intégrant gpi aux systèmes de paiement instantanés nationaux. Résultat : il est possible de finaliser une transaction transfrontalière en quelques secondes sur des time zones différentes et sans avoir besoin d'être connecté à des systèmes de paiement étrangers. Swift a notamment mené des essais en Europe avec 12 banques qui ont émis des règlements transfrontaliers depuis neuf pays (Australie, Chine, Allemagne, Hong Kong, Italie, Pays-Bas, Russie, Thaïlande et États-Unis) vers l'Europe. Un paiement émis depuis Singapour, compensé via l'Allemagne et reçu en Espagne a été effectué en seulement 41 secondes. "On a prouvé que c'était techniquement faisable mais il y encore du travail à faire", nuance tout de même Swift. Société Générale est aussi intéressée par ce volet gpi. "Comme toute initiative liée à gpi, nous voulons y participer. Nous voulons nous associer au fur et à mesure à des initiatives internationales d'instant payment. Mais il faut séquencer nos investissements", explique Emmanuelle Petelle.
Quid de la blockchain ? Swift a mené des expérimentations sur cette technologie en 2018 avec un groupe de travail réunissant 34 banques pour tester l'application de la blockchain au process de réconciliation du compte nostro (compte d'une banque détenue par une autre banque). Finalement le test n'est pas allé plus loin. "On s'est rendu compte qu'on avait besoin de réunir plusieurs conditions avant d'utiliser la blockchain dans le domaine bancaire notamment dans le paiement international. Une d'elles est que les back offices des banques doivent fonctionner en temps réel, ce qui n'est pas le cas pour toutes encore", note Charifa El Otmani. "On continue de regarder ce qui se passe autour de cette technologie. En En attendant, Swift travaille en collaboration avec R3 pour raccorder leur plateforme blockchain Corda à l'écosysteme gpi ", complète-t-elle.
Pour 2020, Swift espère que la majorité de ses membres bénéficient de gpi. Pour ce faire, elle va notamment améliorer l'expérience client, c'est-à-dire travailler sur l'intégration gpi d'un point de vue technique dans les espaces client des banques. "On voudrait par exemple indiquer les frais qui seront prélevés en amont de la transaction ou encore donner temps estimé de processing de paiment", illustre Charifa El Otmani. Société Générale souhaiterait de son côté proposer gpi à d'autres pans de sa clientèle, notamment celui des particuliers.