Open insuring : menace ou opportunité pour les acteurs historiques ?

Après l'open banking, place à l'open insuring, l'ouverture des données des clients des assureurs à des services tiers.

L’ouverture des données bancaires à des services tiers, l'open banking, a fortement modifié l’industrie bancaire ces dernières années. Cette évolution du secteur, encadrée par la directive DSP2, a permis aux fintech de se développer et de prendre des parts de marché aux banques traditionnelles. Cette ouverture des données clients menace désormais les assureurs. Une évolution de la réglementation est-elle est une menace ou une opportunité pour les assureurs traditionnels ? Comment peuvent-ils contrer les assurtech et autres Gafa ?

Quelques chiffres clés de l'assurance qui donnent le vertige ! 
  • 220 milliards d’Euros de cotisations en France répartis comme suit :
  • 56 milliards d'euros en assurances biens et responsabilités                
  • 24 milliards d'euros en assurances santé et accidents                  
  • 140 milliards d'euros en assurances vie
  • 40 milliards d'euros de prestations dommages l'an passé
  • 46 800 établissements

Objets connectés, intelligence artificielle, big data, blockchain… Ces mots dont nous entendons régulièrement parler dans les médias représentent un véritable défi mais aussi une opportunité pour les assureurs qui font face à une importante révolution numérique et digitale. En effet, ces nouvelles technologies permettent aux assureurs de réagir rapidement face à un sinistre (déclenchement d’assistance, indemnisation rapide voire en temps réel…) mais surtout d’anticiper les sinistres en faisant du prédictif.

Cette analyse prédictive des comportements des assurés repose sur la captation d’un grand nombre d’informations et leur exploitation par des algorithmes en temps réel (information sur la tension et l’activité physique grâce aux bracelets connectés, boîtier connecté afin de connaitre le style de conduite, box domotique connectée afin d’analyser le taux d’humidité et la température des habitations… ) qui permet d’améliorer la connaissance client, de comprendre leur comportement et ainsi anticiper les risques d’accidents tout en diminuant le coût pour les assureurs.

Le nombre de données collectées n’est pas connu mais on peut aisément imaginer que plusieurs milliards de données clients vérifiées et fiabilisées sont détenues par les principaux acteurs.

Couplées au nombre de contrats d’assurances de biens et de personnes en France, ces données représentent une mine d’or pour les acteurs qui souhaitent en tirer profit et bénéficier ainsi d’une part des 80 milliards d’euros de chiffres d’affaires que représente le secteur de l’assurance hors-vie.

Des milliards de données à portée de main, vers un effet Big Brother ?

Face aux nombreuses données collectées par les assureurs traditionnels, les nouveaux entrants : assurtech, fintech, Gafa, Batx et autres plateformes collaboratives tentent de percer sur ce secteur. Contrairement au secteur bancaire et à la mise en place de la DSP2 qui encadre l’innovation et favorise le développement d’API, aucune réglementation n’oblige aujourd’hui les assureurs à ouvrir leurs systèmes d’informations et leur base de données clients fiabilisées à des tiers.

Même si la mise en place de réglementations peut être perçue au premier abord comme un frein pour les acteurs existants, elle représente aussi une opportunité pour les assureurs traditionnels face aux Gafa et autres Batx. En effet, la réglementation permet de challenger les acteurs historiques en matière d’innovation et les pousser à sortir de leur zone de confort. Cette même réglementation peut également imposer la mise en place d’un cadre strict en matière de protection du consommateur. Le règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD), qui renforce l’obligation d’information et de transparence à l’égard des personnes dont les données sont traitées, en est un bon exemple. La mise en place d’un registre de traitement des données, le tri des données et leur sécurisation, le devoir d’informations des clients et la gestion de leur droit d’opposition sont autant de "contraintes" qui peuvent être compliquées à gérer par les petites structures ou pour les Gafa qui ont des systèmes d’information beaucoup plus ouverts ou soumis à des réglementations non-européennes.

Enfin une assurance qui me convient !

Outre l’aspect réglementaire, les études montrent que "les français ont confiance en leur assureurset leur sont fidèles à 78%". Ils ne font pas confiance aux nouveaux acteurs du secteur (start-up, grande distribution, géants du web…) car ils redoutent que leurs données ne soient utilisées à leur insu ou à d’autres fins que celles de l’assurance.

Même si certains assurés se disent prêts à partager une partie de leurs données personnelles (situation familiale, personnelle, habitudes de vie…), une contrepartie est généralement attendue sous forme d’avantage tarifaire de leurs primes d’assurance. Les assurés sont ainsi prêts à menacer leur assureur en brandissant la Loi Hamon, qui facilite et accélère le process de changement d’assureur, si cette réduction de prime ne leur est pas accordée.

La loi Hamon, c’est quoi ?

Cette nouvelle loi s’applique aux contrats d'assurance auto, contrats d'assurance habitation et les contrats complémentaires de bien ou service. Elle offre les possibilités suivantes :

  • Possibilité de résilier le contrat d'assurance une fois passée la première année d'adhésion
  • Les clients choisissent la date de résiliation de leur assurance

La réforme touche également l'assurance-crédit (ou "assurance emprunteur"). Le client qui a souscrit une assurance emprunteur peut désormais librement résilier son contrat dans le délai d'un an à compter de la souscription.

La loi Hamon prévoit certaines mesures afin de clarifier les contrats de mutuelle santé en les obligeant notamment à indiquer précisément à quoi correspondent les niveaux de remboursement pratiqués (100 %, 200 %...), notamment via des exemples explicatifs.

Les enjeux pour les assureurs traditionnels sont simples :

  • Continuer à sécuriser l’accès aux données des clients – pour lesquels ils ont dépensé des coûts d’acquisition élevés
  • S’assurer que l’utilisation de ces données respecte bien les réglementations françaises (CNIL) et européenne (RGPD) et ainsi rassurer le client
  • Proposer aux clients des offres innovantes, adaptées en matière de tarification et qui répondent à leurs besoins sans pour autant aller dans une ultra-personnalisation de l’offre qui irait à l’encontre de l’esprit de mutualisation des assureurs
  • Capitaliser sur une expérience client de qualité notamment en matière de service après-vente avec la gestion des sinistres

"On gagne plus à connaître les bonnes qualités de son ennemi, qu'à être instruit de ses fautes" (proverbe chinois).

D’abord considéré comme un concurrent, les assurtech représentent une véritable opportunité pour les assureurs. Ces nouveaux acteurs, généralement des petites structures innovantes et très flexibles, savent rapidement s’adapter pour répondre aux enjeux technologiques et en matière d’approche client.

En créant un écosystème de partenariats avec ces acteurs, les assureurs s’offrent donc de la souplesse et de l’agilité tant au niveau organisationnel qu’en matière d’offre. En contrepartie, les assurtech bénéficient de bases de clients fidèles, d’expertise en matière d’assurances et de gestion du risque, de savoir-faire en matière de service "après-vente" et de sécurité financière liées aux grosses structures mutualistes.

Au-delà d’une éventuelle "menace" des nouveaux arrivants sur le marché de l’assurance, ce sont surtout les partenariats "assureurs traditionnels-assurtech" qui représentent le combo gagnant pour aller challenger les Gafa sur leur propre terrain et offrir au client un nouveau modèle d’assurance. Il y a fort à parier que, dans les années à venir, ce nouveau duo accompagnera le client dans ses besoins et ses projets tout au long de ses moments de vie, en proposant un accompagnement qui ira bien au-delà de la simple assurance.