Banques : la qualité des relevés bancaires remise en question

Les banques semblent gérer un status quo historique depuis des décennies sur l’un des services les plus élémentaires : celui de la compréhension des libellés affichés sur nos relevés de dépenses.

Association de consommateurs, régulateur, nouveaux entrants sur le marché… Tous multiplient les exigences ou attaques à l’encontre des banques. Ces dernières se voient dans l’obligation de rassurer et de retenir des clients critiques ou volatiles, et n’ont de cesse de prendre de nouvelles initiatives dans ce sens. Dans ce contexte de remise en question, les banques semblent cependant gérer un status quo historique depuis des décennies sur l’un des services les plus élémentaires : celui de la compréhension des libellés affichés sur nos relevés de dépenses.

L’absence d’identification systématique des dépenses

Sur un relevé d’opérations de carte bancaire, apparaît encore fréquemment, en lieu et place du nom du commerçant, un libellé peu explicite : le nom juridique de l’enseigne, un acronyme mystérieux, la dénomination de l’ancienne enseigne... Lors de la consultation des comptes, il nous est alors bien difficile de reconnaître systématiquement la nature de la boutique où l’on a effectué une dépense. On est, dès lors, en droit de se demander s’il ne serait pas possible de détecter plus facilement des transactions frauduleuses ou de faire plus efficacement ses comptes, sans se poser de questions inutiles.

Le sous-jacent lié à la détection de la fraude 

En 2018, la fraude à la carte bancaire est repartie à la hausse après deux ans de baisse (+14% par rapport à 2017), d'après l'Observatoire de la sécurité des moyens de paiement. Il n’en fallait pas tant pour que l’association de consommateurs UFC-Que Choisir s’empare du sujet et dénonce, en septembre dernier, "le peu de zèle des professionnels à endiguer la fraude bancaire". D’aucun argueront que des solutions sont en cours d’implémentation, avec le renforcement de l’authentification pour les transactions en ligne, canal particulièrement exposé au sujet. Celui-ci est encore loin d’être effectif et ne répond pas à un enjeu majeur de la lutte contre la fraude, qui passe naturellement par de la prévention, mais également par de la détection. Encore faut-il être en mesure de l’identifier en amont. Pourtant, malgré la palette de nouveaux outils et d’applications bancaires ayant vu le jour ces dernières années, les libellés des opérations, tout droit sortis des flux monétiques de compensation, demeurent malheureusement encore trop souvent difficiles à décoder.

Une opportunité de réduction des coûts 

Il serait réducteur de limiter l’impact de ce problème au seul domaine de la fraude. En quête d’une réduction des coûts et de missions à plus forte valeur ajoutée pour leurs conseillers, les banques tardent à investir dans des solutions. Résultat, deux appels par jour et par conseiller en moyenne de la part de clients désireux d’éclaircir une question liée à l’identification d’une dépense. Du temps perdu pour tous, des frais opérationnels pour la banque et une insatisfaction légitime des clients et des conseillers.

Pas de solutions alternatives sur le marché 

On pourrait alors comprendre que les clients trouvent là une raison supplémentaire d’adopter des nouvelles applications de consultation de compte, proposant un accès centralisé à leurs données bancaires (PFM). Or, le mécanisme d’agrégation des comptes ne règle en rien le problème puisque les données collectées sont issues de la même source : celle des relevés bancaires qui sont frappés, quel que soit l’établissement, du même mal originel.

Une attente croissante chez les clients 

En négligeant la qualité de l’information liée aux transactions, les établissements bancaires se privent également de l’opportunité de séduire une catégorie de clients ardemment scrutée et désirable : les millenials. Fers de lance des nouveaux usages bancaires, ils sont plus de 70 % à se plaindre d’avoir été confrontés à de mauvais libellés sur leurs relevés et 83 % à réclamer leur clarification (source : sondage Opinion Way pour CDLK "Les Français et le suivi des dépenses par carte bancaire", mai 2019). Un service que leurs établissements bancaires pourraient satisfaire, puisque Apple vient de démontrer, avec sa nouvelle carte de paiement (affichant notamment la géolocalisation des dépenses) que tout ceci n’est pas une fatalité.  

Les banques doivent-elles s’attendre à être régulées ?

Le relevé de compte a déjà évolué vers plus de transparence, du moins en matière de récapitulatif des frais bancaires. Désormais, les établissements doivent également se plier à une régulation européenne (DSP2), qui a fait de l’authentification forte, contre la fraude justement, une priorité pour les années à venir. Instances publiques, organisations professionnelles et régulateur sont sensibles tant aux demandes des clients qu’aux évolutions des usages. Ils ne sauraient donc rester encore longtemps indifférents à ce paradoxe : le relevé de compte n’a jamais été autant consulté (au moins une fois par semaine pour 89% des utilisateurs d’application), d'après une récente enquête Ifop pour la FBF. Mais, dans le même temps, plus d’un Français sur deux a été confronté à son inintelligibilité, avec à la clé un risque significatif de fraudes potentielles perçues ou réelles.

Faudra-t-il attendre que le régulateur se saisisse de ce sujet, concernant à la fois la lutte contre la fraude bancaire et l’expérience de consultation de compte client, pour que les banques suppriment enfin cet anachronisme ?