Ces acteurs de poids qui misent déjà sur la finance décentralisée

Ces acteurs de poids qui misent déjà sur la finance décentralisée Binance, Coinbase mais aussi certaines sociétés de gestion investissent dans ces produits financiers basés sur la blockchain.

Un milliard de dollars. C'est le montant qui circule actuellement dans la DeFi, ce tout jeune concept regroupant des produits et services financiers développés sur la blockchain (trading décentralisé, prêts crypto, stablecoins…) Ce seuil symbolique a été atteint en à peine deux ans. "C'est un des thèmes majeurs d'Ethereum (la plupart de ces produits sont basés sur Ethereum, ndlr). En dehors de la DeFi, les applications décentralisées ne sont pas très utilisées", note Clément Jeanneau, cofondateur du cabinet spécialisé Blockchain Partner.

Cette nouvelle économie attire déjà de gros poissons, à l'image bien sûr des principaux acteurs de la crypto-monnaie. L'exchange américain Coinbase a lancé fin 2018 avec l'autre géant US Circle un stablecoin baptisé USDC, qui vaut, et vaudra toujours, un dollar. De quoi séduire certains professionnels de la finance qui doivent se protéger des fortes fluctuations des marchés crypto. En septembre 2019, Coinbase a lancé un fonds pour investir dans les protocoles DeFi et a déjà mis des tickets dans Compound et Dydx, tous deux spécialisés dans le prêt décentralisé. "Coinbase veut être la gateway des tokens et de la finance décentralisée. Quand vous voulez faire de la finance décentralisée, vous avez forcément besoin de tokens. Et pour en acheter, il faut une plateforme fiat/crypto", explique Gabriel Rebibo, cofondateur d'Atka. A noter également que l'exchange US liste lui-même plusieurs stablecoins sur sa plateforme.

Le géant asiatique Binance (plus de 2 milliards de dollars échangés par jour) est allé encore plus loin en lançant un exchange décentralisé, un stablecoin (le BNB) et du prêt. Mais la société hongkongaise ne tire presque pas de revenus de ces produits. "Pour l'instant, on cherche juste à mieux comprendre le futur de DeFi. Binance pourrait à l'avenir travailler avec des protocoles existants pour créer des services DeFI", indique un responsable de Binance Research. "Binance voit très loin. Il veut prendre la place de leader d'un nouveau système financier alors que Coinbase veut faire le pont entre la sphère traditionnelle et la crypto", décrypte Clément Jeanneau. "Binance exécute à une vitesse impressionnante, il a la croissance et la capacité d'exécution la plus folle dans le monde crypto. Mais il a une réputation sulfureuse. Il est mal vu dans la DeFi pour ses méthodes agressives", complète-t-il.

Quand l'equity rencontre la DeFi 

Certaines sociétés de gestion commencent aussi à mettre un pied dans la DeFi, et pas des moindres. Andreessen Horowitz, un des plus gros fonds de capital-risque du monde, a mené le tour de table du protocole de prêts crypto Compound (25 millions de dollars) en novembre dernier et a aussi investi dans son concurrent, MakerDAO. L'Américain a un fonds dédié à la crypto depuis l'été 2018. "Nous croyons que les crypto-monnaies seront de plus en plus utilisées pour toute une série de services financiers dans les années à venir", est-il écrit sur leur site. D'autres fonds comme Dragonfly Capital, Multicoin Capital ou encore Fabric Venture mettent régulièrement des tickets dans des projets de la DeFi. "Les VC américains ont compris que ces crypto réseaux sont des protocoles et pas des plateformes et que cette nouvelle économie numérique fonctionne avec des règles différentes. Andressen Horowitz a d'ailleurs changé sa nature juridique pour investir dans ce type de projets", fait remarquer Clément Jeanneau. Les fonds d'investissements ne peuvent pas investir dans le protocole directement, comme on ne peut pas investir en equity dans le réseau Bitcoin car ce n'est pas une entreprise. Il existe souvent des sociétés derrière ces protocoles, mais qui n'ont pas le contrôle sur le réseau.

L'implication de gros VC n'a pas que des conséquences financières et économiques. "A16z (le raccourci pour Andressen Horowitz, ndlr) a une grosse équipe de lobbying qui est en contact avec tous les autres investisseurs et les régulateurs. Avoir ces investisseurs dans l'écosystème apporte du poids d'un point de vue légal", souligne Clément Jeanneau.

Investisseurs et géants de la crypto ont pu se croiser au CES 2020 où il y avait pour la première fois un petit pavillon dédié à la finance décentralisée. Etaient présents les représentants des grands protocoles comme MakerDAO. Dans l'Hexagone, le meet-up DeFi France a été lancé en octobre dernier et réunit chaque mois une centaine de personnes de l'écosystème. "Il y a des Français dans presque tous les projets DeFi", assure Arthur Micoulet, organisateur de l'événement. Quelques banques françaises se renseignent également sur le sujet. Le cabinet Atka prépare d'ailleurs un workshop spécial Defi pour le compte d'une grande banque française. Owen Simonin, fondateur de Just Mining, société proposant des solutions d'investissements dans les crypto-monnaies, intervient aussi dans des banques françaises pour vulgariser les concepts de la blockchain. Il a introduit un volet sur la finance décentralisée. "Je leur montre que je peux emprunter et prêter sans eux", lâche-t-il non sans plaisir.