Les directeurs financiers doivent anticiper l'avenir et travailler en équipe pour réussir dans un contexte incertain

A l'ère de la transformation numérique, dans un monde où les logiciels envahissent nos vies, où les entreprises s'appuient sur des codes binaires, et où des situations géopolitiques complexes viennent s'ajouter à une pandémie mondiale, qui peut vraiment savoir ce qu'il va se passer demain ?

Il y a quelques années, quand j’ai demandé à un DAF avec lequel je travaillais son avis sur la planification à long terme, il m’a répondu sans hésiter : "Je la supprime dès qu’elle pointe son nez."

Cette boutade souligne un phénomène bien réel : à l’ère de la transformation numérique, dans un monde où les logiciels envahissent nos vies, où les entreprises s’appuient sur des codes binaires, et où des situations géopolitiques complexes viennent s’ajouter à une pandémie mondiale, qui peut vraiment savoir ce qu’il va se passer demain ? Et ne parlons même pas d’une vision à cinq ans.

Mais le fait que cette question soit posée à un directeur financier illustre parfaitement à quel point cette fonction est devenue aujourd’hui bien plus que qu’une simple comptabilité montée en grade. Le directeur financier moderne doit non seulement être une source d’informations, mais il doit également pouvoir prédire l’avenir, peu importe les circonstances.

Un contexte élargi

Ces nouvelles attributions découlent d’un changement plus profond au niveau de la direction générale. Désormais, le DSI ne se cantonne plus à réparer les problèmes informatiques et à veiller au bon fonctionnement des centres de données. Le DRH n’est plus un simple recruteur, mais la personne qui sait faire jaillir les talents de l’entreprise, qui les aide à s’épanouir, leur fixe des objectifs, les aide à les dépasser et leur permet de donner le meilleur d’eux-mêmes. Et tous ces décideurs doivent travailler ensemble et comprendre ce qui se passe dans les autres services de l’entreprise. Il suffit de voir  le rapprochement entre les directions commerciale et marketing pour s’en rendre compte.

À l’instar des services IT qui adoptent des solutions agiles et des procédures accélérées pour leurs développements logiciels et leurs gestions de projets, les DAF modernes vont adopter la méthode Scrum, soit une mentalité de groupe, afin d’optimiser la planification d’entreprise, l’innovation, et le développement des produits. Plus l’environnement est incertain, plus la planification devient urgente, mais tout comme avec le Scrum en informatique, les plans devront être itératifs, rapides, et répartis en éléments composants, tout comme il devra être possible d’adapter leur trajectoire, de les dissocier et de les recomposer à la volée.

Il faudra sans doute encore du temps avant que nous puissions à nouveau nous projeter plusieurs années dans l’avenir, mais cela étant, le directeur financier consciencieux devrait disposer d’une budgétisation et d’une série de mesures sur un an, ainsi que des plans A, B, C et au-delà, prêts à être utilisés lorsque des décisions rapides devront être prises.

Avoir un plan unique, gravé dans le marbre et ne jamais en dévier est désormais une approche obsolète. Il est impératif de pouvoir réagir rapidement pour profiter de nouvelles opportunités, et il est devenu impossible d’exister en vase clos : il incombe aux décideurs et aux dirigeants de mettre en pratique leurs connaissances à tous les niveaux de l’entreprise. Le directeur financier n’aura peut-être pas toujours besoin de se faire entendre, mais il devra systématiquement garder un œil sur son environnement. Les dépenses marketing génèrent-elles des prospects pour les ventes et donc de la valeur ? La communication de l’entreprise génère-t-elle de la demande ? La R&D génère-t-elle la vente de nouveaux produits ? Certes, il ne s’agit pas là de questions habituellement considérées comme essentielles, mais elles sont liées à des services où la connaissance du bilan comptable, de la planification financière, de l’amortissement et des indicateurs de performance est un véritable atout.

L’entreprise à grande vitesse

Le rythme des affaires n’a jamais été aussi rapide. Les informations circulent en temps réel. Les start-up jaillissent à une vitesse fulgurante profitant de flux de capitaux qui les rendent instantanément crédibles. La concurrence surgit de marchés voisins. Les secteurs se transforment en un clin d’œil, tout comme les canaux de distribution. Si l’on songe un instant à l’expérience utilisateur et à l’adoption des réseaux sociaux dans la collaboration en entreprise, on s’aperçoit que le monde du B2C nous offre aujourd’hui un aperçu de ce qui attend le B2B.

Ce que Bill Gates qualifiait de "travail à la vitesse de la pensée" se retrouve désormais dans le monde des logiciels, là où les applications d’entreprise sont différentes selon la fonction, le secteur industriel, ou l’activité, et où l’on se rend compte que la meilleure interface utilisateur est celle où il n’y en a pas. Le paradigme a subtilement glissé vers le sentiment que le logiciel devrait se présenter à l’utilisateur sous la forme d’un assistant numérique intelligent : c’est au code de faire le plus dur du travail et d’anticiper les actions à venir sur la base des interactions passées. L’utilisateur n’a plus qu’à superviser et approuver les actions, en se gardant du temps pour l’innovation et l’amélioration plutôt que la recherche et la saisie de données.

Mais certaines choses restent immuables : le directeur financier reste encore et toujours le filet de sécurité, la voix de la raison et celui qui prévient des dangers dans les comités de direction. Il doit avoir une réponse toute prête lorsqu’un incident survient, et même une pandémie mondiale n’est pas sans précédent, quoi qu’en pense certains. Mais, ils doivent aussi être des meneurs et des entraîneurs, toujours présents pour soutenir les objectifs stratégiques et pour analyser les chiffres afin d’identifier les nouvelles opportunités que des confrères ou la concurrence auraient pu manquer ou rejeter.

Pour cela, ils doivent conserver une profonde curiosité pour le fonctionnement des choses et pour la façon de les améliorer. Pour y parvenir, ils doivent sortir de leur bureau et passer du temps avec des personnes qui ne travaillent pas dans la finance. Ils doivent défendre l’entreprise, mais aussi passer à l’attaque. Les objectifs sur trois ans ne sont peut-être plus d’actualité pour le moment, mais cela laisse du temps pour développer une approche plus dynamique en attendant de connaître la suite des évènements.