Les NFT, la nouvelle folie crypto

Les NFT, la nouvelle folie crypto Les non-fongible tokens, sorte de jetons numériques non interchangeables basés sur la blockchain, se développent dans les secteurs du gaming, du sport ou encore du luxe.

Vous avez enfin élucidé ce qu'était le bitcoin. Vous commencez à comprendre ce qu'est la Defi (ou finance décentralisée). Vous allez devoir plancher sur les NFT, les non-fongible tokens. Rassurez-vous, ce n'est pas si compliqué que cela. Un NFT est un jeton numérique avec ses propres caractéristiques et qui n'est pas interchangeable. Il est donc unique contrairement à un bitcoin qui peut s'échanger contre un autre bitcoin. Ah, on a failli oublier : il est basé sur la technologie blockchain, le plus souvent sur Ethereum, ce qui signifie qu'on peut certifier à qui il appartient et le tracer. 

Pour en acheter ou en vendre, il existe plusieurs plateformes spécialisées comme OpenSea et Rarible. Les premiers NFT connus s'appellent les Cryptokitties, des petits chats colorés virtuels aux allures de Pokémon. Apparu fin 2017, ce projet est tout simplement un jeu de collection (on appelle ça dans le jargon un collectible) dans lequel vous pouvez acheter, vendre et même créer un nouveau Cryptokitty en fusionnant deux d'entre eux. En quelques jours, le montant total des transactions de Cryptokitties avait atteint près de 5 millions de dollars. Un énorme succès qui a même congestionné le réseau Ethereum. Le chat "Genesis" a par exemple été vendu pour 246 ethers, l'équivalent de 97 000 euros à l'époque (et 300 000 euros aujourd'hui !). "A l'époque des Cryptokitties, les NFT étaient plutôt des tokens basiques associés à des images. Pour certains utilisateurs, cela représentait quelque chose d'unique à collectionner et pour d'autres cela ne valait rien puisqu'il suffisait juste de copier l'image pour l'avoir", se souvient Quentin de Beauchesne, fondateur de la communauté CryptoFr. Comme tout actif, il est utile de rappeler qu'il s'agit d'un placement risqué et qu'il vaut mieux mettre de l'argent qu'on est prêt à perdre.

De la musique unique 

Depuis 2017, les NFT ont bien changé. Il est toujours possible d'acheter un Cryptokitty mais aussi des œuvres d'art, des cartes de jeu, des noms de domaine ou même des tweets. Le patron de Twitter, Jack Dorsey, a mis aux enchères le 6 mars dernier son premier tweet. A l'heure où nous publions ces lignes, le plus offrant a proposé la modique somme de 2,5 millions de dollars. Encore loin du record qui s'élève à 6,6 millions de dollars pour une œuvre numérique de l'artiste Beeple représentant un Donald Trump pas vraiment à son avantage.  

Ces deux exemples sont un peu les arbres qui cachent la forêt NFT. En 2020, plus de 250 millions de dollars ont été échangés sur le marché des NFT, contre 63 millions de dollars en 2019, d'après un récent rapport de l'Atelier BNP Paribas. C'est bien moins que ce qui se trame en 2021. Rien qu'en février, les volumes échangés sur le marché a atteint plus de 340 millions de dollars d'après le rapport de Dapp Radar.

La valorisation de ce marché a bondi de 138% entre 2019 et 2020, selon l'Atelier BNP Paribas, pour atteindre 338 millions de dollars. Une goutte d'eau par rapport à la Defi qui pèse aujourd'hui environ 38 milliards de dollars. Mais un an plus tôt, elle ne valait "que" 550 millions de dollars. "C'est le même principe que pour Bitcoin, Ethereum et d'autres phénomènes crypto. Il y a d'abord eu une phase de création de NFT en 2016-2017 suivi d'un grand engouement qui est retombé. Il y a ensuite eu une folie autour des Cryptokitties fin 2017 quand on était au top de la bulle (le cours du bitcoin avait frôlé les 20 000 dollars, ndlr) puis c'est retombé. Entre temps, les NFT ont continué à se développer et nous arrivons aujourd'hui dans une nouvelle phase d'adoption avec une nouvelle bulle", explique Quentin de Beauchesne. "C'est un alignement des étoiles. On est dans une bulle, il y a plein de projets, des artistes et influenceurs s'y mettent", souligne Hugo Renaudin, entrepreneur dans la crypto. 

"Nous arrivons aujourd'hui dans une nouvelle phase d'adoption avec une nouvelle bulle"

Le groupe britannique Disclosure a par exemple réalisé un live stream sur la plateforme Twitch durant lequel il a composé une chanson qui a été mise dans un NFT. Il n'existe donc qu'une seule copie de cette chanson. Au-delà de l'aspect unique de l'expérience, qui est très appréciée par les fans, les NFT peuvent être de nouvelles sources de revenus pour les artistes. Et aussi pour les influenceurs. La plateforme Rally.io permet de créer son propre token social. Nabilla pourrait par exemple créer le NabillaCoin et les vendre à sa communauté. Pour 10 NabillaCoin, un fan pourrait avoir le droit à un message vocal de la star et pour 100 à une séance de questions-réponses sur Instagram.

L'industrie du sport a aussi beaucoup à tirer des NFT. Sur les 340 millions de dollars échangés sur le marché en février 2021, 225 millions de dollars ont transité sur la plateforme NBA Top Shot. Lancée en septembre 2020 par Dapper Labs en partenariat avec la ligue de basket américaine, NBA Top Shot permet aux fans de collectionner des extraits marquants de match. Sur la plateforme française Sorare, il est possible de collectionner des cartes virtuelles de joueurs de football (comme un Panini) et de jouer des matchs (comme Mon Petit Gazon). Contrairement à un jeu de fantasy football classique, les cartes de Sorare appartiennent bel et bien au joueur, et non à la plateforme qui peut décider du jour au lendemain de retirer la carte MBappé. Sorare a signé avec plus de 130 clubs de football à travers le monde (sous un contrat de licence officielle) et revendique 50 000 utilisateurs actifs. Fin février, la start-up a généré 11 millions d'euros de ventes de cartes (dont une partie est reversée aux clubs). "Nous avons un engagement incroyable des joueurs qui passent en moyenne plus d'une heure par jour sur la plateforme. Et nous avons un taux de rétention de 70% à trois mois, ce qui est comparable à du Netflix", se félicite Nicolas Julia, cofondateur de Sorare, qui fait partie des NFT les plus échangés à l'heure actuelle, comme l'indique le site spécialisé Nonfungible.com

Top 10 des NFT les plus échangés ces sept derniers jours (Cliquez pour zoomer). La plateforme de la NBA n'est pas recensée car pas développée sur Ethereum. © Capture d'écran JDN.

Pour augmenter sa base d'utilisateurs, Sorare compte sur le bouche-à-oreille et les éditeurs de jeux vidéo. La Pro League belge et Ubisoft viennent de lancer la version bêta de One Shot League, un projet de fantasy football qui s'appuie sur Sorare. Concrètement, les cartes Sorare pourront être utilisées dans ce jeu alors qu'habituellement les items d'un jeu vidéo ne sortent jamais du jeu.

Dernier secteur qui s'appuie depuis quelques temps sur les NFT : le luxe. Et encore une fois, une jeune société française, Arianee, s'est positionnée sur ce créneau, en permettant de certifier des produits de luxe. "Nous créons des pendants digitaux d'objets physiques. En fait, nous remplaçons les certificats d'authenticité par une sorte de passeport digital", résume Luc Jodet, cofondateur d'Arianee. Un sac Louis Vuitton aura par exemple son NFT dans lequel on pourra retrouver tout son historique. La société compte de jolies références dans son portefeuille comme le groupe Richemont (Cartier, Van Cleef & Arpels, Montblanc…), Breitling ou encore le site de prêt-à-porter ba&sh. Et elle est en train de boucler une levée de fonds.

Encore beaucoup de spéculation

Les fonds de capital-risque s'intéressent de près à toutes ces plateformes. Dernier exemple en date avec Sorare, qui a levé 40 millions de dollars début mars, auprès notamment de l'américain Benchmark. Pour l'instant, ce sont plutôt les VC outre-Atlantique qui mettent la main au pot, en particulier ceux présents dans le gaming et les médias. Soit en investissant en equity, soit en achetant des index de NFT (comme les ETF qui répliquent les performances d'un indice), soit en achetant des tokens de gouvernance d'une plateforme. White Star Capital, qui possède un fonds dédié aux projets crypto et blockchain, a déjà investi dans cinq plateformes, trois en equity et deux en tokens. "On regarde ce secteur depuis 2016-2017 mais à l'époque c'était assez immature. Les infrastructures ont beaucoup évolué et il y a aujourd'hui une adoption plus massive. Le public qui s'intéresse au NFT est plus large que la Defi, ce ne sont pas que des fans de crypto", souligne Thomas Klocanas, principal chez White Star Capital. "Beaucoup de joueurs de Sorare ne savent même pas ce qu'est Ethereum", ajoute-t-il.

Le nombre de détenteurs de NFT est tout de même assez restreint. D'après l'Atelier BNP Paribas, il y avait 220 000 adresses NFT en 2020, versus plus de 22 millions d'adresses bitcoin. La majorité d'entre eux ne sont pas là pour la technologie. "C'est totalement spéculatif. Il y a un petit côté Ponzi. Le dernier qui achète peut se retrouver avec quelque chose d'invendable", fait remarquer Quentin de Beauschene. Imaginons que le PSG ne renouvelle pas sa licence avec Sorare, que vaudra la carte virtuelle de MBappé ? "Il pourrait y avoir un effet négatif ou positif", avoue Nicolas Julia. "Les durées des contrats sont de plus en plus longues, certains vont jusqu'à dix ans désormais", justifie le dirigeant. Alors, vous avez tout compris aux NFT ? Vous n'êtes pas au bout de vos surprises car il existe aussi des NFT sur la Defi… Mais ça, c'est une autre histoire.