Comment les écosystèmes alimentaires doivent-ils évoluer pour limiter leurs impacts sur le changement climatique ?

Lors de la COP 27 en Égypte, les sujets autour de l'agriculture et de l'alimentation de demain ont tenu une place prépondérante dans les débats entre nations.

Nous n’ignorons pas aujourd’hui l’impact que l’agriculture et l’alimentation peuvent avoir sur l’environnement, en raison notamment des émissions de gaz à effets de serre que celles-ci produisent. La façon dont nous nous nourrissons affecte notre santé, mais aussi celle de notre planète. Comme toutes les industries, qui réfléchissent actuellement à leur transition écologique, l’alimentation doit repenser ses modèles de production et de consommation alors que le défi qui l’attend est de taille : nourrir une population mondiale toujours plus nombreuse tout en faisant face aux dégâts déjà causés par le dérèglement climatique qui impactent l’agriculture (sécheresse, inondations, déforestation…).

En France, les modes de production ont parfois de lourdes conséquences sur l’environnement : utilisation d’engrais et pesticides, dégradation des sols et des réserves en eau, forte consommation d’énergie, élevage et alimentation des animaux… L’agriculture occupe 54 % du territoire et génère 20 % des émissions de gaz à effet de serre. (1)

Des solutions sont déjà imaginées et mises en œuvre, comme l’expansion des forêts, la restauration des écosystèmes et l'agriculture durable. Elles permettent de limiter l’impact néfaste du secteur, mais nous ne pouvons pas uniquement concentrer nos efforts à restaurer ce qui a été abîmé. Alors que la demande mondiale de viande devrait augmenter de 52 % d'ici 2050, il est également urgent de repenser notre façon de produire et de consommer.

L’élevage intensif au cœur des préoccupations

L'élevage intensif est le principal moteur de la déforestation, et la demande de viande mondiale ne fait qu'augmenter. L'expansion des pâturages pour le bétail est responsable de 41 %(2) de la déforestation tropicale, tandis que le soja et l'huile de palme (dont la plupart est utilisée pour l'alimentation animale) en entraînent 18 %(3). Le passage à des pratiques agro-écologiques découlerait sur une réduction drastique de la consommation de produits animaux. C’est avec ces données en tête que les spécialistes à travers le monde combinent tous leurs efforts pour trouver de nouveaux systèmes alimentaires capables de nourrir la population à l’échelle mondiale, tout en étant plus respectueux des ressources de la planète.

Les pistes principales envisagées sont celles de la viande végétale, mais aussi de la viande cultivée, qui utilise jusqu'à 95 %(4) de terres en moins et qui permettrait de satisfaire la demande mondiale croissante en viande tout en créant de l'espace pour la nature. La viande cultivée consiste en la production de produits animaux à partir de cellules, contribuant ainsi à la résolution des problèmes associés à l’élevage industriel, en matière de bien-être animal, de sécurité alimentaire via une meilleure traçabilité et d’émissions de gaz à effet serre. Cela permet de produire la même viande que la viande conventionnelle, mais en utilisant des fermentateurs, un peu comme pour fabriquer de la bière. C’est une solution complémentaire à l’agriculture conventionnelle et qui permet des pratiques agricoles plus durables. Si, depuis quelques années, on observe de plus en plus de marques et d’investisseurs prendre le pas de la viande végétale et recevoir l’appui des gouvernements, la viande cultivée n’en reste encore qu’à ses balbutiements, et on observe que la France accuse un retard par rapport à ses voisins. Aux Pays-Bas, le gouvernement a investi 60 millions d’euros dans le développement d’un écosystème autour de la viande cultivée, auxquels s’ajoutent 25 millions d’euros provenant d’investisseurs (5). Selon leurs estimations, d’ici 2050, le marché devrait croître de 1,25 à 2 milliards d'euros. Israël est encore plus avancé, puisque le gouvernement a investi en 2021 500 millions de dollars, et le pays a construit cette année la première structure de production de viande cultivée au monde. C’est encore Singapour qui pourra éclairer le mieux ces pays précurseurs, puisque début décembre 2020, cet État a été le premier à autoriser la mise sur le marché de la viande cultivée. Le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) considère cette nouvelle alternative comme une solution très enthousiasmante (6).

Certains gouvernements sont plus frileux, comme la France. C’est dommage, parce que les Français risquent de devoir consommer des produits fabriqués ailleurs, puis importés, et la France risque quant à elle de rater l’opportunité de compétitivité qu’offre le développement des protéines alternatives, dans un contexte où la souveraineté alimentaire est de plus en plus une priorité. En matière de viande cultivée, il y a fort à parier que la recherche, l’offre, mais surtout les mentalités évoluent au cours de la prochaine décennie, de la même manière qu’elles ont évolué sur la question des protéines végétales au cours des dernières années. En effet, il y a encore 10 ans, peu de personnes auraient parié voir en 2022 autant de choix de viandes végétales sur les étals de nos supermarchés et dans les cuisines de nos chefs.

Que pouvons-nous attendre de la COP27 ?

Le pavillon des systèmes alimentaires de la COP27 positionne l’alimentation comme élément clé permettant de lutter contre le changement climatique. Les États devront décider de la place des questions agricoles dans les prochaines négociations internationales sur le climat. Des engagements forts avaient déjà été pris lors de la COP26, où plus de 100 dirigeants mondiaux avaient convenu d'inverser la déforestation d'ici 2030. Pour respecter les accords de Paris, le monde doit restaurer au moins un milliard d'hectares de terres dégradées - une superficie de la taille de la Chine - assurant ainsi la sécurité alimentaire et ralentissant le rythme des extinctions d'espèces.

Les gouvernements doivent consacrer plus de financements publics à la recherche en libre-accès et au développement, pour faire progresser la science. Afin de rendre les modes d’alimentation durable attrayants et disponibles partout, il est impératif de faire avancer la recherche pour pouvoir proposer aux consommateurs des protéines durables, sûres, avec une texture et un goût irréprochable.

Pour repenser un nouvel écosystème alimentaire, il est également nécessaire de donner la priorité aux politiques axées sur la transition qui facilitent et accélèrent la production durable de protéines alternatives. C’est un point crucial pour revitaliser les économies rurales et le maintien des emplois. De nombreux agriculteurs adoptent déjà de nouvelles approches pour cultiver de manière plus durable, mais il est nécessaire de mettre en place des politiques qui les aident à adopter des pratiques telles que l'agriculture régénérative et la culture de plantes pour la production de viande végétale et de viande cultivée. Changer notre écosystème agricole devient impératif au vu des défis auxquels nous sommes confrontés : dérèglement climatique et augmentation de la demande mondiale de viande. Mais ce n’est pas une mince affaire ; les gouvernements devraient inclure ces problématiques au sein même des plans de lutte pour l’environnement. Scientifiques, consommateurs, agriculteurs, investisseurs, entreprises et gouvernements doivent marcher main dans la main vers un objectif commun : celui de la préservation de notre santé et de notre environnement.

1 source ADEME : Quel est l’impact de notre alimentation sur l’environnement ?

2 source Nature

3 source Our World in Data

4 source CE Delft

5 source Green Queen

 6 source IPCC