Faillites bancaires : pourquoi les marchés craignent le pire

Faillites bancaires : pourquoi les marchés craignent le pire La stratégie qui a conduit Silicon Valley Bank à la déroute n'est pas un cas isolé. Les banques ont toutes profité des taux bas pour emmagasiner des titres qui pourraient se retourner contre elles.

L'équation fatale à la Silicon Valley Bank (SVB) est simple : elle n'avait tout simplement pas assez d'actifs liquides (vendables rapidement) pour faire face à la demande de ses clients qui souhaitaient récupérer leur cash. La faute à des placements démesurés dans des actifs réputés sûrs, les bons du Trésor US, mais dont la valeur a diminué au fur et à mesure que la Fed augmentait ses taux d'intérêt. Une stratégie risquée qui aurait pu passer sans encombre si ses clients n'étaient pas majoritairement des start-up, elles-mêmes à court de financement du fait de la politique monétaire post-covid. SVB s'est retrouvé face à un choix cornélien : vendre ces actifs en encaissant une lourde perte ou ne pas donner suite aux demandes de retrait de ses clients. 

Le hic, c'est que la SVB n'est pas la seule à avoir suivi cette stratégie d'acquisitions de titres (securities), et en particulier de titres à détenir jusqu'à l'échéance (held-to-maturity securities, HTM), comme le montre le tableau ci-dessous, compilé par la banque d'investissement TD Securities :

Certes, SVB a eu les yeux plus gros que le ventre, mais elle n'est pas la seule. Parmi les 20 plus grandes banques américaines, au moins une possède une bien plus large proportion de titres (plutôt que des prêts) dans ses actifs (82% vs 57%) que la SVB. Et même le top 4 n'est pas exempt de tous reproches. La part des securities est moindre chez elles, mais la proportion des HTM au sein de leurs securities est en moyenne de 67%, contre 76% chez la SVB, un écart modeste donc.

Des chiffres peu étonnants quand on voit l'appétit pour les titres financiers dont ont fait preuve les groupes bancaires à l'ère pré-covid de l'argent gratuit :

Fin 2022, la part des HTM dans le total des actifs des banques américaines frôlait les 40%, contre à peine plus de 20% cinq ans plus tôt. Un appétit d'ogre, donc, qui n'a d'égal que la rapidité avec laquelle les fonds déposés auprès des mêmes banques se sont mis à fondre au moment du resserrement de la politique monétaire :

Voilà pour l'historique, tentons désormais de nous projeter dans l'avenir… en nous servant du passé. Cette fois-ci, c'est la Deutsche Bank qui sonne l'alerte, tout d'abord en comparant la faillite de la SVB avec ses prédécesseurs en la matière :

Si l'on retient comme critère la taille des actifs, la SVB est la deuxième plus grosse défaillance bancaire de l'histoire outre-Atlantique. Or, nous rappelle la Deutsche Bank, les faillites bancaires ont tendance à faire des petits :

On rappellera que ce mois de mars 2023 a déjà mis trois banques américaines sur le tapis, Silvergate d'abord, SVB ensuite, et désormais Signature Bank.